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SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

C. Moyens d’évaluation de la pollution et de son impact sur l’environnement marin

2. APPROCHE BIOLOGIQUE 1. Notion de biomarqueurs

2.2. Les biomarqueurs étudiés 1. Les marqueurs biochimiques

2.2.1.3. Les biomarqueurs de stress oxydant 1. Le stress oxydant

Bien que la consommation d’oxygène soit indispensable à toute forme de vie aérobie, elle entraîne également la formation de composés réactifs - les espèces réactives de l’oxygène (ERO) - pouvant exercer de multiples effets délétères sur les composants cellulaires. Les ERO sont produites naturellement, soit de manière «accidentelle» par les monooxygénases à cytochrome P450, les chaînes mitochondriales transporteuses d’électrons, via l’auto-oxydation de certaines molécules, soit de manière «délibérée» par des phagocytes activés, des lymphocytes, des fibroblastes, etc. (Halliwell et Cross, 1994). Des facteurs exogènes peuvent également initier la synthèse d’ERO: les radiations ionisantes et certains xénobiotiques dont les hydrocarbures aromatiques polycycliques (Lemaire et Livingstone, 1993).

Espèces réactives de l’oxygène/ Intermédiaires réactifs

Peroxydation lipidique

Oxydation des thiols (GSH, X-SH) Formation de carbonyles

Modification des systèmes de transport du Ca2+ et autres ions

Altération des gradients ioniques normaux

Activation/désactivations de divers systèmes enzymatiques

Dommages cellulaires Dommages membranaires Lésions à l’ADN Poly-ADPribosyllation Modification de l’expression de gènes Diminution d’ATP et NADPH Lipides Protéines ADN

L’organisme possède naturellement des systèmes de défense antioxydante lui permettant de piéger ou d’inactiver ces ERO (figure 20). Ces complexes de défense sont constitués d’enzymes antioxydantes (superoxide dismutase, catalase, glutathion peroxydase), dont l’étude donne une indication sensible de la présence de contaminants générateurs d’un tel stress en milieu contrôlé et naturel (Lackner, 1998 ; Lopes et al., 2001), et de molécules qui piègent les espèces radicalaires au niveau des membranes (vitamine E, β -carotène) ou de la phase aqueuse (acide ascorbique, acide urique et glutathion) (Cadet et al., 2003).

Lorsque l’équilibre entre les forces pro-oxydantes et les défenses antioxydantes est perturbé en faveur de l’oxydation, les cellules subissent un stress oxydant conduisant à des lésions potentielles (Livingstone et al., 1990). Les radicaux libres échappant aux systèmes de défense, sont capables de causer des dommages permanents ou transitoires, aux protéines, lipides et acides nucléiques (figure 13). Ces lésions, si elles ne sont pas réparées, peuvent conduire à la désorganisation membranaire, à l’inactivation enzymatique, à la fixation de mutation et à la mort cellulaire (Pedrajas et al., 1996).

Figure 13 : Effets des espèces réactives de l’oxygène et des intermédiaires réactifs sur les

2.2.1.3.2. Les catalases

Les catalases sont des hémoprotéines tétramériques qui, avec un atome de fer par sous-unité, ont une masse d’environ 240 kDa. Elles catalysent la réduction du peroxyde d’hydrogène en eau et en oxygène moléculaire. Les catalases sont des enzymes peroxysomales dont le rôle est de prévenir les peroxydations des molécules biologiques induites par l’eau oxygénée (H2O2) (Livingstone et al., 1992). Les catalases sont présentes dans tout le règne animal et se retrouvent aussi chez les végétaux. Elles ont été mises en évidence chez les invertébrés aquatiques (Winston et Di Giulio, 1991; Lemaire et Livingstone, 1993). Elles sont sensibles à certains contaminants inducteurs de stress oxydant au niveau des membranes cellulaires, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les polychlorobiphényles (Livingstone, 1993) et les métaux (Labrot et al., 1996). Il a été démontré que l’activité catalase varie selon l’espèce, les saisons, les conditions abiotiques et la présence de xénobiotiques (Geret et al., 2003). De nombreuses études réalisées au laboratoire et sur le terrain, concernant les défenses antioxydantes et les enzymes détoxifiantes chez Mytilus edulis, montrent généralement des corrélations directes entre les défenses antioxydantes, les enzymes détoxifiantes, les dommages occasionnés sur les biomolécules et les xénobiotiques (Lemaire et Livingstone, 1993 ; Rodriguez-Ariza et al., 1993 ; Livingstone, 1998) mais aussi des corrélations avec les saisons (Niyogi et al., 2001 ; Vidal et al., 2002).

L’augmentation de l’activité catalase a déjà été relevée chez des bivalves exposés à des polluants organiques (HAPs, PCBs et engrais chimiques) (Cossu et al., 1997). Ainsi l’activité catalase est très utilisée comme biomarqueurs de stress oxydant, particulièrement chez les bivalves, dans les études écotoxicologiques au laboratoire et sur terrain (Jebali et al., 2006 ; Banni et al., 2009a ; Attig et al., 2010).

2.2.1.3.3. La peroxydation lipidique

La peroxydation lipidique ou lipoperoxydation (LPO) est une réaction radicalaire en chaîne pouvant provoquer une altération structurale et fonctionnelle des membranes (Garcin, 1998 ; Martinez et Livingstone, 1995). Elle consiste en trois réactions de type radicalaire (Kappus, 1991) (figure 14):

 Réaction d’initiation : consiste à l’élimination d’un atome d’hydrogène au niveau d’un groupement allylique CH2 d’un acide gras polyinsaturé par une espèce

hautement réactive, en l’occurrence un radical hydroxyle (.OH), alkoxyle (RO.) ou peroxyle (ROO.) pour donner un radical alkyle (R.). Il s’ensuit un réarrangement moléculaire permettant l’obtention d’un diène conjugué. Puis ce dernier réagit avec une molécule d’oxygène pour former un radical peroxyle très réactif (ROO.).

 Réaction de propagation : le radical peroxyle peut à son tour attaquer une nouvelle chaîne d’acide gras polyinsaturé donnant naissance à un nouveau radical alkyle et à un hydroperoxyde lipidique (ROOH).

 Réaction de terminaison : le processus de peroxydation se poursuit jusqu’à ce que deux radicaux réagissent entre eux ou qu’une molécule antioxydante intervienne (exemple: vitamine E).

Le processus complexe de décomposition des hydropéroxydes lipidiques aboutit, d’une part, à la formation de radicaux alkoxyle et peroxyle capables d’initier de nouvelles chaînes de lipoperoxydation et d’autre part, à de multiples produits de dégradation: alcools, cétones, aldéhydes, éthers, acides et alcanes. Parmi les aldéhydes formés, le malondialdéhyde (MDA) est souvent pris en considération pour évaluer le degré de peroxydation lipidique. Il se forme à partir d’acides gras polyinsaturés possédant au moins trois doubles liaisons successives.

Le MDA est un agent alkylant puissant capable de réagir avec les macromolécules biologiques. Le dosage de ce composé présente donc un intérêt certain, comme biomarqueurs de stress oxydant, chez les organismes soumis à des contaminations multiples (Narbonne et al., 1991).

Le dosage du taux de malondialdéhyde (MDA) cellulaire est largement utilisé chez les bivalves (Doyotte et al., 1997 ; Cajaraville et al., 2000 ; Banni et al., 2009a) et les poissons (Di Giulio et al., 1993). L’étude de Banni et al. (2014) a montré l’existence de fortes teneurs en MDA chez des moules Mytils galloprovincialis après 4 jours d’exposition au nickel. La mesure la plus utilisée est la mesure d’un chromophore, produit par réaction du malondialdéhyde avec l’acide 2-thiobutirique (TBA) (Goel et al., 1988 ; Depledge et Fossi, 1994). La peroxydation lipidique est estimée également par la mesure de l'activité des enzymes antioxydantes (Rodríguez-Ortega et al., 2002).

Figure 14 : Mécanisme en chaîne de la peroxydation des acides gras polyinsaturés et nature

des produits terminaux formés (Favier, 2003).