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PARTIE II : LES FACTEURS D’INFLUENCE DU VIEILLISSEMENT COGNITIF

III. Activité physique et vieillissement cognitif

3.4. Le MET, un indice de la dépense énergétique liée à la pratique physique

Le MET est utilisé comme unité de mesure représentant la dépense énergétique obtenue à partir de la combinaison de la durée, de la fréquence et de l’intensité exprimée en coût métabolique. Le coût métabolique est estimé en kilojoule (KJ) en fonction de la classification des intensités d'activité physique. La formule de calcul du MET la plus utilisée correspond à la dépense d’énergie en kilocalorie (kcal) par kilogramme de poids de corps (kg) et par heure (h) :

7 Quantité d'énergie consommée ou produite pendant une unité de temps lors de la pratique d’une activité utilisant l'oxygène comme principale source de combustion des sucres fournissant l'énergie à l'organisme.

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En se basant sur des recommandations de santé publique (Pate et al., 1995 ; Stand, 1990), Vuillemin et ses collaborateurs (2005) proposent quatre niveaux d’activité en prenant en compte les METs : 1) Inactivité, lorsqu’aucune activité physique n’est rapportée ; 2) Activité irrégulière, lorsque la pratique d’une ou plusieurs activité(s) physique(s) d’une dépense énergétique < 3 METs (e.g., marche à 4 km/h) est déclarée ; 3) Activité modérée, lorsque l’individu rapporte pratiquer une activité physique d’une dépense énergétique comprise entre 3 et 4 METs (e.g., marche à 5 ou 6 km/h) pendant au moins 2,5 heures/semaines ; 4) Activité vigoureuse, lorsque la pratique d’1 heure/semaine minimum présente une dépense ≥ 6 METs (e.g., marche en montée à environ 5 km/h) pendant au moins 20 minutes/session (Vuillemin et al., 2005). D’autres auteurs utilisent les informations livrées par les METs pour discerner les groupes de sédentaires et d’actifs en fonction de la médiane (e.g., Boucard et al., 2012). La prise en considération des METs constitue une précaution permettant de réduire l’aspect subjectif des classifications par groupes d’intensité en niveaux « faibles », « moyens », ou « intenses » d’activité physique. Cette précaution aurait favorisé le classement des niveaux d’intensité de pratique des participants des 15 études longitudinales (12 cohortes) incluses dans la méta-analyse de Sofi et al. (2011). En effet, ces études se basent sur différents questionnaires d’évaluation de la pratique d’activité physique. Certains travaux classent les individus suivant leur temps de pratique par jour (i.e., < 30 min, entre 30 et 60 min, et > 60 min), d’autres considèrent leur temps de pratique par semaine (> 4h, < 4h), certains utilisent un partage statistique (e.g., en fonction des quartiles), ou d’autres ne donnent qu’une valeur subjective « faible, modérée ou haute ». Les auteurs de la méta-analyse ont malgré tout réussi à synthétiser les données en créant trois catégories : individus pratiquant un haut niveau d’activité physique, ceux pratiquant un niveau modéré, et enfin ceux pratiquant un niveau faible. Suite à cette méta-analyse portant sur 33 816 individus non déments, les résultats montrent que tous les participants ayant pratiqué une activité physique présentent un risque de déclin cognitif diminué par rapport aux personnes non actives. L’importance de cet aspect protecteur varie en fonction du niveau de sollicitation de l’activité physique, allant d’un risque réduit de détérioration des fonction cognitives de 35% chez les personnes pratiquant un niveau faible à modéré, à 38% chez les personnes présentant un haut niveau d’activité physique (méta-analyse, Sofi et al., 2011).

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Ainsi, quelle que soit la méthodologie employée, la plupart des études avancent des résultats convaincants en faveur des bienfaits procurés par l’activité physique modérée à intense et régulière sur le vieillissement cognitif. Une récente étude menée auprès de personnes âgées de 60 à 75 ans (26 femmes, 10 hommes), nous indique que si l’amélioration de la condition cardiorespiratoire apparait dès la 10ème semaine de pratique d’une activité aquatique, les bienfaits sur les fonctions exécutives ne sont observables, quant à eux, qu’à partir de la 21ème semaine du programme d’intervention (Albinet et al., 2016). Ces résultats suggèrent que l'échelle de temps diffèrerait entre les améliorations physiologiques (e.g., condition cardiorespiratoire) et les améliorations cognitives (e.g., fonctions exécutives), et montrent l’importance de pratiquer l’activité physique sur une durée prolongée pour obtenir des bénéfices au niveau cognitif. En effet, dans la mesure où nous nous intéressons aux effets chroniques, un temps de pratique suffisamment important semble nécessaire pour engendrer la modification de l’anatomie de certaines structures cérébrales susceptibles, à leur tour, d’entrainer des effets chroniques observables au niveau comportemental (Audiffren, 2011). Concernant ces questionnements, la méta-analyse de Colcombe et Kramer (2003) apporte des éléments de réponse qu’il semble intéressant de noter. Ces auteurs avaient pour objectif d’examiner l'hypothèse selon laquelle l'entraînement aérobie améliore la cognition des personnes âgées saines mais sédentaires. Leurs résultats, basés sur 18 études interventionnelles, montrent que les effets les plus grands sont observés suite à des programmes d’intervention dont la durée excède 6 mois. Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces effets ne sont pas toujours proportionnels à la durée de pratique. En effet, les programmes courts (1 à 3 mois) présentent des effets d’amplitude significativement plus importants que les programmes de durée moyenne (4 à 6 mois). Les effets plus importants des programmes très courts constatés dans ces études pourraient être liés à des phénomènes d’apprentissage à court terme et/ou de motivation (Audiffren, 2011). Cependant, il est souvent considéré que la période d’intervention optimale pour observer des bienfaits cognitifs se situerait sur une durée allant de 3 à 5 mois (e.g., Albinet et al., 2016 ; Albinet, Boucard, Bouquet, & Audiffren, 2010 ; Audiffren, Abou-Dest, Bouquet, André, & Albinet, 2010).

Toutes ces études interventionnelles ont été essentielles pour approfondir les connaissances sur plusieurs variables de confusion et tirer des conclusions sur la relation dose-réponse. De plus, cette méthodologie permet d’établir un lien de causalité qui semble montrer que l’activité physique mène vers une meilleure cognition, et non pas l’inverse. Cependant, la pratique d’une activité physique intense imposée à raison de 3 séances de 30 minutes minimum par semaine, et ce pendant plusieurs mois consécutifs n’est pas représentative de la pratique «

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naturelle » des individus, et encore moins au sein de la population vieillissante, ce qui engendre une difficulté à traduire ces programmes d’interventions en praxis (Jäger et al., 2015). Le challenge demeure désormais dans le fait de transposer les constatations apportées par les études interventionnelles dans un contexte naturel, dans lequel les individus sont rarement soumis à une pratique physique « injectée ». Pour ce faire, des constats essentiels issus des études interventionnelles semblent importants à retenir. En premier lieu, les études interventionnelles sont les seules à apporter des éléments indicatifs de la relation de causalité. Les bienfaits significatifs de la plupart des programmes d’interventions suggèrent que le lien de causalité partirait de la pratique d’une activité physique pour mener à de bonnes performances cognitives, et non l’inverse (e.g., Kramer et al., 2006). En second lieu, l’activité physique doit être prise en considération en incluant plusieurs paramètres importants : l’intensité, la durée de la séance et la fréquence de pratique (e.g., Rahl, 2010). En dernier lieu, une durée de pratique prolongée dans le temps semble nécessaire pour permettre la modification de l’anatomie de certaines structures cérébrales susceptibles d’engendrer les effets chroniques de l’activité physique sur la cognition (e.g , Audiffren, 2011).

Modérateurs des effets de l’activité physique sur la cognition

En plus des principales caractéristiques optimales de l’activité physique développées ci-dessus, divers facteurs modérateurs sont également à prendre en considération. Ceux-ci portent par exemple sur des facteurs génétiques tels que (i) des bienfaits cognitifs de l’exercice physique chronique plus importants observés chez les individus porteurs du génotype APOE*4 (e.g., Rovio et al., 2005) ; (ii) le rôle du gène catéchol-O-méthyltransférase (COMT) dans la concentration de dopamine corticale et dans les performances dans différentes tâches cognitives, suggéré par plusieurs études utilisant l’imagerie cérébrale chez l’homme (e.g., Mattay & Goldberg, 2004), ou encore (iii) l’augmentation significative de la concentration intracérébrale du gène nommé le « facteur neurotrophique dérivé du cerveau » (BDNF) avec la pratique régulière d’une activité physique (Cotman, Berchtold, & Christie, 2007). Cependant, le rôle de ces modérateurs ne sera pas développé dans le cadre de cette thèse. Notre attention se portera davantage sur deux modérateurs démographiques impactant la relation entre activité physique et déclin cognitif mis en évidence par la méta-analyse de Colcombe et Kramer (2003) : la période de vie de la pratique et le sexe.