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PARTIE II : LES FACTEURS D’INFLUENCE DU VIEILLISSEMENT COGNITIF

III. Activité physique et vieillissement cognitif

IV.I nfluence des activités cognitives et des relations sociales sur le vieillissement cognitif

1.3. Lien entre style de vie cognitif et cognition

1.3.1. Programme d’entrainement cognitif

L’approche interventionnelle permet de mesurer les effets d’un programme d’entraînement cognitif sur les performances cognitives. Les exercices utilisés pour l’entrainement cognitif se présentent principalement sous format papier ou informatisé, et se réalisent individuellement ou en groupe. Diverses études interventionnelles, réalisées dans des conditions cliniques de laboratoire ou à petite échelle, se sont intéressées à l’impact d’un programme d’entrainement cognitif sur le déclin cognitif lié à l’âge. La plupart de ces travaux menés sur personnes âgées saines suggèrent que l’entrainement cognitif pourrait améliorer les performances cognitives (e.g , Anguera et al., 2013 ; Churchill et al., 2002 ; Reijnders, van Heugten, & van Boxtel, 2013). Par exemple, Anguera et al. (2013) s’intéressent à l’entrainement multitâche

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(i.e., accomplissement de plusieurs tâches simultanément) sous forme de jeu vidéo. Les auteurs remarquent que la performance multitâche décline de manière linéaire entre 20 et 79 ans. Cependant, les personnes âgées de 60 à 85 ans ayant participé à cet entrainement ciblé ont amélioré leur capacité multitâche par rapport à un groupe témoin actif et à un groupe témoin ne comprenant pas d’interactions sociales. Plus intéressant encore, les seniors entrainés ont atteint des niveaux supérieurs à ceux des jeunes de 20 ans non entrainés. Ces travaux présentent un indicateur prometteur vis-à-vis des effets directs d’un entrainement cognitif ciblé chez les personnes âgées. Cependant l’intérêt majeur réside désormais dans le fait que ces progrès puissent se transférer à d'autres tâches non travaillées dans le cadre de l’entrainement cognitif, et/ou qu’ils conduisent à une amélioration du fonctionnement cognitif au quotidien. Quelques auteurs se sont attelés à l’observation des effets directs et indirects induits par l’entrainement cognitif. Certains d’entre eux ont remarqué la présence de transferts, mais ceux-ci concernent uniquement des tâches cognitives issues du même domaine cognitif que celles travaillées au sein du programme d’entrainement (e.g , Kueider, Parisi, Gross, & Rebok, 2012 ; Van Muijden, Band, & Hommel, 2012). Cependant, une étude menée sur 2 832 participants âgés de 65 à 94 ans montre un effet bénéfique significatif et durable de l’entrainement cognitif sur les capacités cognitives ciblées, mais aucun effet sur le fonctionnement quotidien n’était observé après 2 ans (Ball et al., 2002). Quelques années plus tard, la revue « Nature » a publié une étude dans laquelle 11 430 participants ont reçu, plusieurs fois par semaine, un entrainement cognitif incluant des tâches cognitives conçues pour améliorer le raisonnement, la mémoire, la planification, les compétences visuo-spatiales et l'attention. Chacune des tâches cognitives entrainées présentaient des améliorations significatives après un entrainement de six semaines. Néanmoins, aucun résultat n’a permis de mettre en évidence un effet de transfert vers d’autres tâches cognitives, même lorsque celles-ci étaient proches des tâches ciblées par l’entrainement cognitif (Owen et al., 2010). Il semble ainsi important de reconnaître que l’entrainement cognitif manque parfois de validité écologique dans la mesure où les tâches cognitives ciblées présentent souvent très peu de similitudes avec les tâches cognitives utilisées dans le cadre de la vie quotidienne (Papp, Walsh, & Snyder, 2009). La généralisation des effets de l’entrainement cognitif sur le fonctionnement quotidien revêt pourtant d’une importance majeure pour préserver l'indépendance de nos aînés. À la lumière de ces limites, la promotion de stimulations cognitives écologiques pourraient présenter une alternative prometteuse.

61 1.3.2. Stimulation cognitive en milieu écologique

La stimulation cognitive correspond à une vision plus écologique et globale des activités permettant d’enrichir le style de vie sur le plan cognitif. Il ne s’agit donc pas d’un protocole standardisé, mais de l’évaluation d’une série d’activités pratiquées dans un contexte écologique et susceptibles d’engendrer une amélioration du fonctionnement cognitif (e.g., Kurz, Pohl, Ramsenthaler, & Sorg, 2009 ; Lapre, 2010 ; Moro et al., 2015). Diverses études transversales et longitudinales nous informent sur le rôle modérateur du style de vie cognitif sur la cognition. Au sein de ces travaux, certains auteurs se sont plus spécifiquement intéressés au niveau de participation à des activités considérées comme étant stimulantes sur le plan intellectuel (e.g , lecture, mots croisés) et à leur impact sur le vieillissement cognitif (Ghisletta, Bickel, & Lövdén, 2006 ; Salthouse, 2006 ; Soubelet, 2009). Ces études soutiennent très majoritairement l’idée selon laquelle un style de vie cognitif enrichi serait associé à de meilleures performances cognitives à un âge avancé (Arfanakis et al., 2015 ; Wilson, Scherr, Schneider, Tang, & Bennett, 2007). Par exemple, une récente étude portant sur 379 personnes âgées sans démence montre qu'une activité cognitive plus fréquente à la fin de la vie était associée à un niveau plus élevé de cognition globale (Arfanakis et al., 2015). Il est encore plus intéressant de constater que plusieurs études longitudinales suggèrent que la participation dans des activités cognitivement stimulantes permettrait non seulement de favoriser les performances cognitives, mais également de protéger contre le déclin cognitif lié à l’âge (Fabrigoule et al., 1995 ; Kramer et al., 2004 ; Scarmeas, Levy, Tang, Manly, & Stern, 2001 ; Wilson et al., 2013 ; Robert Wilson et al., 2002). L’étude de Wilson et al. (2002) s’intéresse à l’évaluation de plusieurs activités cognitives, qu’elle met en rapport avec des scores dans différents domaines cognitifs. L’échantillon de cette étude est constitué de 801 religieuses de 65 ans et plus, ne présentant pas de troubles cognitifs au début de l’étude. Les auteurs ont évalué ces femmes tous les ans pendant une durée de 4,5 ans en moyenne, sur leurs activités cognitives (i.e., lire des journaux, des magazines, ou des livres ; jouer à des jeux de cartes, de dames, des mots croisés, ou à des énigmes ; regarder la télévision ; écouter la radio ; et aller dans des musées). Par ailleurs, une batterie de tests de diverses fonctions cognitives était administrée et utilisée pour calculer un score composite de cognition globale. Les résultats de cette étude montrent qu’une augmentation de 1 point de participation à des activités cognitives mène à une diminution de 47% du déclin de la cognition globale, et à un risque de développer une démence de type Alzheimer diminué de 33% (Wilson et al., 2002). Des résultats selon lesquels la participation à une gamme d'activités cognitives réduit le risque de démence et la maladies d’Alzheimer ont également été trouvés au sein de travaux portant, cette fois-ci, uniquement sur

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des hommes (Carlson et al., 2008). Ainsi, un style de vie cognitif enrichi semble améliorer les performances cognitives, mais aussi réduire le déclin cognitif lié à l’âge ainsi que les risques de développer des démences. Cependant, ce lien n’est pas systématiquement observé. Par exemple, l’étude d’Aartsen et al. (2002) menée sur 2 076 participants âgés de 55 à 85 ans s’intéresse aux effets de diverses activités de la vie quotidienne, telles que visiter des musées, aller au théâtre, ou avoir suivi une formation au cours des six derniers mois. Les résultats suggèrent qu’aucune de ces activités ne permettrait d’améliorer le fonctionnement cognitif sur une période de 6 ans (Aartsen, Smits, van Tilburg, Knipscheer, & Deeg, 2002). Toutefois, une récente revue de littérature conclut que, dans l'ensemble, l'activité cognitive pratiquée tout au long de la vie serait liée à la cognition et aux risques de démence à un âge avancé. Ces auteur soulèvent également que davantage d’études portant sur l’impact du style de vie cognitif sur la cognition permettront d’approfondir la compréhension de la variabilité des trajectoires cognitives (Bennett et al., 2014). Au sein de cette thèse, une attention particulière sera accordée à la stimulation cognitive, dans la mesure où elle correspond à des activités que l’individu choisit naturellement de pratiquer dans le cadre de sa vie quotidienne et renvoie ainsi à une vision écologique du style de vie des individus.