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PARTIE II : LES FACTEURS D’INFLUENCE DU VIEILLISSEMENT COGNITIF

V. Les autres dimensions du style de vie : facteurs d’influence du vieillissement cognitif

2.1. L’alimentation

L’étude intitulée « Global Burden of Disease » met en évidence que la mauvaise alimentation demeure, depuis plus de 2 décennies, le principal facteur de risque pour la santé (Arthur, 2014). D’innombrables maladies chroniques sont causées ou accélérées par un régime alimentaire malsain (Kaczorowski, Campbell, Duhaney, Mang, & Gelfer, 2016). Parallèlement à ces effets sur la santé globale, les nutriments, les éléments non nutritifs, les composants alimentaires et les régimes entiers peuvent avoir un impact sur le vieillissement cognitif (pour revue : Vauzour et al., 2016). En effet, il a été démontré que le régime alimentaire pouvait influencer spécifiquement certains mécanismes moléculaires impliqués dans le fonctionnement cognitif (Gómez-Pinilla, 2008). L'alimentation jouerait ainsi un rôle sur la santé du cerveau et sur la cognition, en influençant la fonction neuronale ainsi que la plasticité synaptique (Gómez-Pinilla,

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2008). D’ailleurs, plusieurs hormones intestinales qui peuvent entrer dans le cerveau, ou qui sont produites dans le cerveau lui-même, influencent la capacité cognitive. En outre, des régulateurs bien établis de plasticité synaptique, tels que le facteur BDNF, peuvent fonctionner comme des modulateurs métaboliques, répondant à des signaux périphériques tels que l'apport alimentaire (Gómez-Pinilla, 2008).

Le régime méditerranéen (qui insiste sur l'huile d'olive et la consommation de fruits et légumes) a été particulièrement étudié dans le monde entier (e.g., Kesse-Guyot et al., 2013 ; Martínez-Lapiscina et al., 2013 ; Prinelli et al., 2015 ; van de Rest, Berendsen, Haveman-Nies, & de Groot, 2015). Ce régime est aujourd’hui reconnu pour diminuer de façon significative les risques de mortalité (Prinelli et al., 2015), et être corrélé avec une meilleure cognition chez les populations âgées (pour revue : van de Rest, Berendsen, Haveman-Nies, & de Groot, 2015). Une observation plus détaillée des principaux aliments étudiés pour connaître leurs effets sur la cognition mène à quatre catégories : (i) Les vitamines, et plus précisément la vitamine E (Devore et al., 2010 ; Engelhart et al., 2002 ; Morris et al., 2002) et la vitamine C (e.g., Engelhart et al., 2002) pourraient préserver la cognition et réduire les risques de développer la maladie d’Alzheimer. Cependant, plusieurs études ne trouvent pas de résultats significatifs des effets protecteurs des vitamines, rendant cet aliment particulièrement controversé (Laurin, Masaki, Foley, White, & Launer, 2004 ; Luchsinger, ang, Shea, & Mayeux, 2003). (ii) Les fruits et les légumes : une consommation accrue de légumes est associée à un ralentissement du déclin cognitif lié à l’âge et à un risque plus faible de démence, mais ces effets ne sont pas toujours significatifs pour les fruits (e.g., Kang, Ascherio, & Grodstein, 2005 ; pour revue : Loef & Walach, 2012). Cependant, une récente étude conclut que la consommation de légumes, ainsi qu’une forte consommation de fruits, sont bénéfiques à diverses fonctions cognitives (Dong et al., 2016). L’étude de Barberger-Gateau et al. (2007) est particulièrement intéressante dans la mesure où elle évalue l'association entre diverses catégories d'aliments et le risque de démence. Les auteurs ont mesuré la fréquence de consommation de viande et volaille, poisson / fruits de mer, œufs, lait et produits laitiers, céréales / pain / amidons, fruits crus, légumes crus, fruits ou légumes cuits et légumineuses chez 8 085 participants non déments et âgés de 65 ans et plus. Les résultats mettent en évidence que la consommation quotidienne de fruits et de légumes a été associée à une diminution du risque de développer la maladie d’Alzheimer ou d’autres démences (Barberger-Gateau et al., 2007). Ces résultats sont également significatifs pour la consommation de poissons et d’oméga 3, ce qui nous mène à la catégorie suivante. (iii) Les lipides (ou graisses alimentaires) : une consommation élevée de graisses alimentaires est associée à un risque accru de démence

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(Kalmijn et al., 1997). En effet, la consommation accrue de certaines graisses, telles que les d'acides gras saturés provenant du lait (Laitinen et al., 2006), a été associée à des effets néfastes sur la cognition et à un risque accru de démence ou de maladie d’Alzheimer. Cependant d’autres graisses semblent jouer un rôle bénéfique pour la cognition. Par exemple, une augmentation d’un écart-type de la consommation d’acides gras trans (Taux : 0,80 ; IC 95% : 0,65 ; 0,97) et d’acides gras saturés (Taux : 0,83 ; IC 95% : 0,70 ; 0,98) ont toutes les deux été associées à un risque réduit de maladie d’Alzheimer (Engelhart et al., 2002). De plus, l'apport modéré de graisses insaturées à la mi-vie semble préserver des démences et de la maladie d’Alzheimer (Laitinen et al., 2006). Plus précisément, de nombreuses études suggèrent un effet protecteur de la consommation de poisson (Barberger-Gateau et al., 2007 ; Kalmijn et al., 1997 ; Morris et al., 2003) et d’acides gras oméga-3 (Cunnane et al., 2009 ; Morris et al., 2003). L’ensemble de ces études conduit à penser que certains acides gras semblent favorables au bon fonctionnement du cerveau et à sa préservation contre un déclin pathologique. (iv) Les glucides : Il est démontré que le cerveau consomme à lui seul environ 25% de l'énergie totale de glucose consommée, à condition de compromettre moins de 2% du poids corporel total (Sokoloff, 1999). En effet, les glucides représentent la principale source d'énergie pour le cerveau et font ainsi partie des aliments essentiels pour le bon fonctionnement cérébral (pour revue : Wahl et al., 2016).

Cependant, l’alimentation que semblent préconiser les résultats obtenus par ces études ne sont pas toujours en lien direct avec les habitudes alimentaires que souhaitent induire les campagnes mises en places par le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports. En effet, depuis l’arrêté du 27 Février 2007, diverses informations alimentaires à caractère sanitaire prévues à l'article R. 2133-1 sont transmises en France lors de messages publicitaires et promotionnels visés à l'article L. 2133-1 : « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour », « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » et « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas » (Arrêté du 27 février 2007 fixant les conditions relatives aux informations à caractère sanitaire devant accompagner les messages publicitaires ou promotionnels en faveur de certains aliments et boissons).

Cette campagne de prévention nommée « Programme National Nutrition et Santé » (PNNS) avait pour objectif initial de stopper l’augmentation de la prévalence de l’obésité adulte, du surpoids infantile, du diabète et de l’hypertension. Ce programme a inspiré des plans similaires dans plusieurs autres pays (e.g., la Belgique), et constitue aujourd’hui une référence au niveau de l’Europe. Prévues pour lutter contre plusieurs maladies métaboliques, ces préconisations ont-elles

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des effets sur la cognition ? A notre connaissance, aucune étude n’a pour le moment porté sur l’impact de ces recommandations alimentaires sur les fonctions cognitives.