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2.4 Endommagement de la poutre en granite

2.4.2 Mesures de l’endommagement

Le protocole pr´ec´edemment d´ecrit fait apparaˆıtre diff´erentes mesures r´ealis´ees au cours de l’exp´erience. Celles effectu´ees pendant la phase de chauffage ont ´et´e directement inspir´ees par les ´etudes portant sur la fracturation thermique dont Chernis et Robertson (1993) est un bon exemple. Ainsi, afin de v´erifier l’effet du traitement appliqu´e `a la poutre, nous avons suivi la temp´erature, au contact entre celle-ci et la plaque ainsi que les ´

emissions acoustiques (AEs), caract´eristiques de la cr´eation des fissures dans le mat´eriau (Yong et Wang (1980)). Schiavi et al. (2011) indiquent que les AEs, correspondant `a la cr´eation de micro fissures, sont classiquement mesur´ees dans la bande de fr´equence 100 kHz – 1MHz mais que des signaux plus basse fr´equence, dans la bande de 1kHz `a 10kHz, sont ´egalement enregistr´es. Ces derniers sont alors appel´es ´emissions ´elastiques (ELEs). Ils sont caract´eris´es par une fr´equence plus basse mais ´egalement une plus forte amplitude que les AEs du fait qu’ils caract´erisent la croissance de fissures de taille plus importante que celles dont les AEs sont caract´eristiques. Ne disposant pas du mat´eriel sp´ecifique `a la d´etection des AEs nous avons utilis´e ici les acc´el´erom`etres pr´ec´edemment pr´esent´es pour d´etecter les ELEs `a l’instar du travail effectu´e par Schiavi et al. (2011). L’objectif est seulement d’obtenir un suivi qualitatif de l’endommagement de la poutre au cours du temps. ELEs et AEs seront donc d´esign´ees sous la d´enomination commune d’´emissions acoustiques, abr´eg´ee ´egalement AEs.

Le signal brut enregistr´e par l’acc´el´erom`etre au sommet de la poutre durant les 30 minutes de chauffage a ´et´e trait´e pour obtenir l’historique de la figure 2.8. Le traitement a consist´e en un comptage du nombre, par seconde, d’´ev´enements d´epassant un seuil arbitrairement choisi au dessus du niveau de bruit estim´e. La figure 2.8 montre alors que des ´emissions acoustiques sont d´etect´ees en nombre croissant `a partir du moment o`u la temp´erature d´epasse environ 160C. L’activit´e acoustique connaˆıt ensuite un pic pendant les cinq minutes qui suivent pour d´ecroˆıtre enfin, alors que la temp´erature continue `a aug-menter et se stabilise autour de 250C. Cette dynamique temporelle est similaire `a celles que Chernis et Robertson (1993) ont pu observer. L’interpr´etation de cette d´ecroissance d’activit´e avec une temp´erature ´elev´ee est que l’endommagement est principalement cr´e´e lors de l’expansion thermique des grains avec l’augmentation de temp´erature avant d’at-teindre un nouvel ´etat d’´equilibre une fois la temp´erature ´elev´ee. L’activit´e r´esiduelle est probablement due `a la diffusion progressive de la chaleur dans le reste de la poutre, affectant alors `a chaque instant de nouveaux grains.

Par ailleurs, la diff´erence de la temp´erature seuil observ´ee sur la figure 2.8 (autour de 160C) avec celle pr´edite `a environ 80C est vraisemblablement la cons´equence, `a la fois, de sa mesure `a la surface de la poutre dans notre exp´erience (et non dans le mat´ e-riau), et de sa dynamique temporelle rapide. En effet, dans l’´etude cit´ee pr´ec´edemment, l’´echantillon est plac´e dans un four dont la temp´erature augmente progressivement, per-mettant un ´equilibre entre la temp´erature mesur´ee sur les bords externes de l’´echantillon et la temp´erature r´eelle dans le mat´eriau. Le d´ecalage temporel de cette courbe de tem-p´erature croissant rapidement est donc `a l’origine du biais dans la d´etermination de la temp´erature seuil dans notre exp´erience.

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Figure 2.8 – Historique temporel des ´emissions acoustiques (en noir) et de la temp´ era-ture pendant la phase d’endommagement (en rouge).

L’effet attendu du traitement par chauffage de la poutre est la d´egradation de ses propri´et´es ´elastiques et donc de son module d’Young. Comme il a ´et´e montr´e dans le chapitre 1, section 1.2, ce module ´elastique est li´e aux fr´equences modales de la poutre. Une d´egradation du premier cause une diminution des derni`eres. Les phases d’acquisition pre- et post-endommagement ont ´et´e effectu´ees dans le but de v´erifier cette hypoth`ese et de quantifier l’endommagement. En effet, le traitement de ces enregistrements avec la m´ethode dite de Random Decrement Technique (RDT) pr´esent´ee en d´etails dans le chapitre 3, permet de suivre notamment les fr´equences propres de vibration de la poutre au cours du temps. Les r´esultats de ce suivi, `a long terme, des fr´equences propres des cinq premiers modes avant et apr`es la phase de chauffage sont regroup´es dans la figure 2.9. Les chutes des fr´equences propres associ´ees `a l’endommagement sont indiqu´ees, en pourcentage de la valeur initiale, dans le tableau 2.6.

Mode 1 Mode 2 Mode 3 Mode 4 Mode 5

∆F

F (%) -0.63 -4.43 -2.33 -1.87 -2.81

Table 2.6 – Chutes de fr´equence relative ∆FF de chaque mode suite `a l’endommagement de la poutre en granite.

Diff´erentes m´ethodes existent afin de localiser et quantifier un endommagement local dans une poutre. L’une d’entre elles, est propos´e par Roux et al. (2014). Elle utilise uni-quement les chutes des fr´equences propres du plus grand nombre de modes possible et un mod`ele de poutre fournissant les d´eform´ees modales th´eoriques correspondantes. Cette technique, comme le pr´ecisent les auteurs, n’est valable que pour les petites perturba-tions, n’entraˆınant en particulier aucune alt´eration des d´eform´ees modales entre l’´etat

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Figure 2.9 – Suivi temporel de la fr´equence propre de chaque mode la poutre en granite (en noir) avant et apr`es la phase d’endommagement. Le suivi temporel, apr`es lissage, est superpos´e `a sa version brut, en bleu, pour la p´eriode pr´ec´edent la phase d’endom-magement et en rouge apr`es. La phase d’endommgament est la p´eriode d´elimit´ee par les lignes verticales de tirets rouges et d´esign´ee par le mot ”Heating” (chauffage). La p´eriode sans donn´ee autour de 45 heures correspond `a une interruption de l’acquisition (coupure d’´electricit´e).

intact et endommag´e de la poutre. Dans le cas o`u l’endommagement est plus important, les modifications des d´eform´ees modales sont alors utilis´ees pour localiser les dommages (Pandey et al. (1991), Pandey et Biswas (1994)). Dans notre cas, les chutes de fr´equences sont importantes. En effet, elles s’´etendent de 0.63 % au minimum `a 4.43 % au maxi-mum alors que Roux et al. (2014) indiquent rester dans le cas d’application des petites perturbations avec des chutes de fr´equence inf´erieures `a 0.25 %. Avec des d´egradations des fr´equences propres plus de 10 fois sup´erieures `a celles des auteurs, il semble ainsi difficile de consid´erer notre cas comme respectant les conditions d’application de leur m´ethode. Le tableau 2.7 montre cependant que les d´eform´ees modales sont strictement identiques, `a la pr´ecision des mesures pr`es. On note en effet des valeurs MAC sup´erieures `

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de ces formes modales n’est donc ´evidemment pas applicable car elle ne donnerait alors, tout simplement, aucun r´esultat.

Mode 1 Mode 2 Mode 3 Mode 4 Mode 5 MAC 0.9972 0.9986 0.9976 0.9979 0.9963

Table 2.7 – Valeurs MAC comparant les d´eform´ees modales exp´erimentales de la poutre en granite dans son ´etat intact et endommag´e.

N´eanmoins, une estimation globale de l’endommagement peut ˆetre obtenue. En effet, si l’on note Eendomm le module d’Young effectif de la poutre de granite endommag´ee, celui-ci satisfait alors la relation :

Eendomm= Eintact− ∆E (2.2)

o`u Eintact est le module d’Young de la poutre intacte et ∆E la r´eduction du module E quantifiant alors l’endommagement `a l’´echelle de la poutre enti`ere. Eendomm est alors une mesure apparente pour l’ensemble de la poutre r´esultant d’une moyenne des diff´erentes valeurs locales. L’invariance des d´eform´ees modales et donc leur accord avec les formes th´eoriques, montre que l’on peut utiliser le mod`ele d’Euler-Bernoulli, `a l’instar de la poutre intacte, pour obtenir le module d’Young effectif de la poutre endommag´ee `a partir des nouvelles fr´equences. Le module Eendomm ainsi calcul´e est de 49.4 GPa. Pour rappel, Eintact vaut 52.3 GPa. La r´eduction ∆E est donc de 2.9 GPa, soit 5.5% de la valeur intacte.

Roux et al. (2014) montrent, dans leur ´etude, qu’une alt´eration locale de 25% du module d’Young sur 1% de la hauteur de la poutre provoque une r´eduction de seulement 0.25% des fr´equences propres et donc une alt´eration du module ´elastique du mˆeme ordre de grandeur. On peut ainsi supposer, dans notre cas, que la diminution locale du module d’Young sur une hauteur d’environ 15% de la taille totale, est nettement sup´erieure `a celle estim´ee globalement. Si la mˆeme proportionnalit´e est valable entre ces grandeurs pour notre cas d’´etude, la d´egradation locale du module d’Young due au traitement thermique serait de l’ordre de 30%.

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