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Chapitre III. Acquisition de données morphologiques par imagerie microtomographique à rayons

III.1. Mesures non-invasives en milieu fracturé

L’acquisition de données minéralogiques et structurales est nécessaire pour beaucoup d’études géologiques détaillées. Les matériaux, qui ont une structure tridimensionnelle, sont souvent représentés dans les modèles sous des formes simplifiées, comme des arrangements de sphères, de tubes capillaires ou de réseaux périodiques, dont il est possible d’extraire les différentes propriétés physiques afin d’y simuler l’écoulement et le transport. Cependant, les milieux naturels présentent souvent une structure plus complexe. L’accès aux paramètres permettant de décrire l’ouverture de fractures et l’agencement de réseaux de fractures est de prime importance pour comprendre et déterminer les écoulements et le transport d’éléments dans les milieux fracturés. Les fractures constituant des chemins préférentiels pour l’écoulement, de surcroît lorsqu’elles sont situées dans des milieux de faible perméabilité de matrice, elles font l’objet de recherches actives en milieu pétrolier ou dans le cadre du stockage de déchets en profondeur. Il existe différentes méthodes non-invasives qui permettent de caractériser la géométrie de fractures à différentes échelles.

III.1.1. De l’échelle du terrain à l’échelle du laboratoire

III.1.1.1. A l’échelle du terrain

Aux grandes échelles, seules les méthodes directes d’observation à l’échelle régionale ou les méthodes géophysiques permettent de renseigner sur la présence de discontinuités. Parmi les méthodes géophysiques, on distingue la sismique réflexion (ou réfraction), où les ondes sismiques sont générées en un point donné, et dont les ondes réfléchies (ou réfractées) sont mesurées au niveau de plusieurs récepteurs. Les méthodes électriques permettent d’identifier des fractures saturées en eau, de conductivité plus élevée que la roche non fracturée. De la même manière, la résonance magnétique du proton permet d’identifier les zones suivant leur saturation en eau. Également le radar, où l’onde radar, émise à haute fréquence (entre 10 et 1000 MHz), se propage différemment suivant la valeur de constante diélectrique et de conductivité électrique du milieu, et met en évidence la présence de discontinuités. Ces méthodes permettent de détecter des fractures uniquement à large échelle.

A l’échelle du puits, les fractures peuvent être repérées grâce à des caméras vidéo descendues dans les forages. Cependant, cette technique permet seulement de caractériser les fractures situées à proximité du puits. D’ailleurs, leur présence résulte assez souvent d’endommagements liés au forage lui-même, ce qui peut fausser les interprétations. Des méthodes indirectes de pompage et de traçage existent pour déterminer les paramètres statistiques de la distribution des ouvertures, et de leur transmissivité. Les essais de pompages peuvent être réalisés au voisinage de la fracture en isolant cette dernière du reste du puits par des packers. La transmissivité déduite de ces essais peut ensuite être reliée à la moyenne géométrique de la fracture (am) en l’approximant grâce à la loi cubique (cf. 6Chapitre V).

III.1.1.2. A l’échelle du laboratoire

A l’échelle du laboratoire, une meilleure résolution peut être atteinte, et les expériences menées permettent de mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent l’écoulement et le transport. Différentes méthodes expérimentales ont été mises en œuvre pour caractériser la géométrie et la distribution des ouvertures dans une fracture. Parmi elles, on distingue des méthodes destructives, supplées plus récemment par des méthodes non-destructives.

Différentes techniques ont été développées pour caractériser la géométrie des objets. Citons entre autres la reconstitution 3D sous microscope à partir de sections polies imprégnées d’une résine ou d’un alliage à basse fusion, comme l’alliage de Wood (Hakami et Larsson [1996]), la microscopie à force atomique, la microscopie à effet tunnel, la microscopie confoncale (Fredrich [1999], Montoto [2004]), la reconstruction tridimensionnelle de la topographie de surfaces à partir d’images stéréographiques obtenues en microscopie à balayage électronique (Ammann et Bouchaud [1998]), la

l’on considère le nombre de lame minces à confectionner pour arriver à obtenir une image 3D) et surtout endommageantes ou destructives ; elles ne peuvent donc pas s’appliquer aux études dynamiques.

Parmi les méthodes non-destructives, on trouve la profilométrie, qui est une technique permettant de mesurer, de façon répétée sur une multitude de profils 1D, la topographie d’une surface avec une bonne précision. A partir de la topographie de chaque surface d’une fracture ouverte, il est alors possible de déduire la cartographie de l’ouverture. Le principe consiste à faire se déplacer une pointe ou un dispositif de mesure optique le long d’un profil topographique et à mesurer l’élévation résultante pour chaque pas de mesure fixé. Les résolutions horizontale et verticale peuvent atteindre des valeurs proches du micron. Cette technique a été appliquée notamment par Gentier [1986] pour étudier le comportement hydromécanique de fractures dans un granite sous contrainte, par Glover et al. [1997], Brown [1987], Méheust [2002] et Méheust et Schmittbuhl [2000] pour caractériser les écoulements dans des fractures rugueuses auto-affines, par Sausse et al. [2001] pour évaluer les effets de l’altération sur la morphologie de plusieurs fractures dans un granite, et par Durham et al. [2001] pour décrire l’évolution structurale d’un marbre fracturé au cours d’une expérience de dissolution. Bien que cette méthode soit très précise, il est difficile de l’appliquer au cours d’expériences dynamiques, comme l’ont fait Durham et al. [2001]. En effet, l’utilisation répétée de cette méthode suppose d’ouvrir et de refermer la fracture, ce qui oblige à référencer spatialement et de façon précise les deux blocs composant la fracture, sans quoi la distribution d’ouverture peut être mal estimée (Keller [1998]), ou bien le champ d’écoulement peut être modifié entre les différentes étapes expérimentales, à cause d’un mauvais ajustement des surfaces.

D’autres méthodes sont non-destructives mais aussi non-invasives. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (NMRI, pour Nuclear Magnetic Resonance Imagery) a été utilisée pour visualiser les écoulements dans une fracture, notamment par Oswald et al. [1997], Brown et al. [1998], Dijk et al. [1999] et Dijk et al. [2002]. Cette méthode est basée sur l’imagerie du champ magnétique du proton (composant de la molécule d’eau) en réponse à un champ magnétique pulsé à une fréquence de résonance donnée. Elle permet de visualiser la densité du fluide circulant et de mesurer des composantes de la vitesse dans les différentes directions de l’espace. La morphologie de l’interface fluide-roche est déduite du champ de densité de l’eau (lorsque la matrice ne contient pas ou peu d’eau) ou du champ de vitesse (car la vitesse est nulle aux épontes). Cette méthode peut s’appliquer, avec une résolution d’environ 0,2 mm, sur plusieurs types de roche comme des dolomies, calcaires, grès, granites, du gypse ou de la halite, à condition que ces matériaux ne renferment pas de composants paramagnétiques susceptibles d’interférer avec la méthode de mesure (Dijk et al. [1999]). Les mesures sont valides uniquement si l’écoulement est permanent pendant la durée de l’acquisition. Dans le cadre d’expériences dynamiques, il est donc possible d’imager l’échantillon à différents intervalles de temps. La tomographie à émission de positons (PET ou PEPI, pour Positron Emission Tomography ou

Positron Emission Projection Imaging) permet d’imager l’activité d’une solution radioactive (cuivre

irradié-EDTA) circulant dans une fracture. De la même façon que la NMRI il est possible, en plus de visualiser le déplacement d’un traceur, de déterminer le champ d’ouverture de la fracture (Loggia et al. [2004]). Cette technique présente l’avantage de temps d’acquisition très courts (Degueldre et al. [1996]).

Enfin, la tomographie à absorption de rayons X (XRCT, pour X-Ray Computed Tomography) apparaît aujourd’hui comme un outil adapté et performant pour l’étude dynamique de la géométrie d’objets géologiques. Cette technique peut s’appliquer aussi bien aux milieux poreux que fracturés. Le champ de vue est fonction du nombre de détecteurs sur la caméra, multiplié par la taille de chaque détecteur. L’adéquation entre la taille de l’objet et la résolution de l’image obtenue permet d’imager des échantillons de taille infra millimétrique à décimétrique, respectivement avec une résolution s’échelonnant de 0,3 µm à quelques centaines de microns.

III.2. Utilisation de la tomographie à rayons X dans les sciences de