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Chapitre VII. Organisation des écoulements et motifs de dissolution

VII. 3.5.2.2 Réorganisation potentielle des écoulements

VII.3.6. Conclusion sur l’expérience et la modélisation

Cette étude montre les effets de l’acide chlorhydrique sur la dissolution de fractures de géométrie contrôlée aux épontes planes et parallèles. Trois expériences ont été conduites à des débits différents. La tendance globale est à la localisation de l’écoulement et à la formation de chemins préférentiels d’écoulement malgré l’apparente homogénéité de la perméabilité initiale à l’échelle de l’échantillon. La morphologie du système de chenaux dépend du débit d’écoulement et son degré de ramification augmente avec la diminution du nombre de Damköhler.

L’acide a un fort pouvoir dissolvant seulement aux faibles indices de saturation (Ω<0,15), car la présence d’un point d’inflexion dans le chemin réactionnel de dissolution de la calcite entraîne un saut de pH, qui est à l’origine baisse brutale de la cinétique de dissolution. Ce comportement cinétique

particulier de l’acide par rapport au CO2 est susceptible de favoriser le développement d’instabilités du front de réaction dans les zones où le fluide est le plus agressif. Il peut donc permettre d’expliquer la formation de chenaux à la morphologie très particulière dans ces expériences, alors que ceux-ci n’ont pas été observés dans les expériences avec le CO2. Néanmoins, cette hypothèse n’a pas pu être vérifiée au travers d’une modélisation, l’approche à l’échelle de Darcy n’étant pas adaptée pour traiter des hétérogénéités à l’échelle microscopique.

Pour les fortes valeurs de Da, la dissolution est localisée uniquement à l’entrée de l’échantillon, en

conséquence de quoi la perméabilité ne varie pas. Un chenal de petite taille est observé, même s’il n’est pas très bien individualisé. La présence d’argiles dans la roche est à l’origine d’une baisse légère de la perméabilité au cours du temps.

Pour les valeurs plus faibles de Da, la formation de chenaux d’écoulement préférentiel déstabilise l’interaction eau-roche au niveau du plan de fracture. La localisation de l’écoulement conduit à une augmentation rapide de la perméabilité dans l’échantillon. L’instabilité du front de réaction naît d’hétérogénéités présentes initialement dans la roche, comme les passées argileuses. L’écoulement a tendance à se localiser dans ces zones de meilleure perméabilité, et le fluide devient plus sous-saturé que s’il ne circulait à la même vitesse sur toute la surface de la fracture. Comme le pH du fluide qui

circule dans le chenal principal devient plus faible, la cinétique de dissolution de la calcite est plus élevée, et il en résulte une rétroaction chimique à la limite fluide-roche du front de dissolution (Steefel et Lasaga [1990], Ortoleva [1994], Renard et al. [1998]), qui peut accélérer localement la formation du chenal principal. Cette accélération est cependant susceptible de s’atténuer si la vitesse de fluide diminue au fur et à mesure que ce chenal croît, car le terme advectif de l’équation de transport en

rétroaction positive conduisant à une augmentation de la vitesse de croissance du chenal est sans doute transitoire.

Néanmoins il est difficile de quantifier tous ces paramètres sans passer par un outil de modélisation adapté, étant donné la variabilité de différents paramètres physico-chimiques dans l’espace et le caractère non stationnaire de l’écoulement réactif dans le temps. Le nombre de Damköhler qui est couramment utilisé pour décrire les effets du transport réactif sur les motifs de dissolution varie lui aussi dans l’espace et dans le temps : Da = Da(y,z,t), ce qui complique encore plus la prédiction du transport réactif aux différentes échelles d’espace et de temps (par exemple, pour l’échantillon CALH1FA il arrivera sûrement un moment ou le chenal conique percera, et à ce moment l’augmentation de perméabilité sera énorme ; ou bien si l’échantillon avait été moins long, on aurait déjà observé cette augmentation avant la fin de l’expérience).

VII.4. Conclusion

Les résultats de ces deux études montrent les effets de la géométrie, de l’écoulement et de la vitesse de réaction chimique dans l’évolution des motifs de dissolution au sein d’une fracture. Dans des conditions d’hydrodynamisme élevé et de déséquilibre chimique important, le couplage entre les hétérogénéités de la géométrie et des écoulements, les phénomènes de transport et la cinétique de dissolution non linéaire des roches carbonatées peut conduire à l’obtention d’une localisation rapide de l’écoulement, pouvant avoir des conséquences fortes sur les variations de perméabilité au sein d’un système. Le transport est également affecté. Malgré l’absence d’un modèle adapté à l’échelle des phénomènes, nous avons essayé d’évaluer l’effet des hétérogénéités chimiques, hydrodynamiques et structurales sur l’évolution de la géométrie et du transport au sein d’une fracture. Dans cette optique, différentes simulations conceptuelles du transport réactif dans des fractures de géométrie bien contrôlée ont été réalisées à l’aide du code HYTEC. L’effet du nombre de Damköhler sur l’évolution des profils de dissolution a été testé. La variation de Da intervient dans les différentes simulations par le biais de la variation de la vitesse d’écoulement (alors que le nombre de Péclet variait dans le même temps en sens inverse). La modélisation conceptuelle confirme donc la tendance observée sur les échantillons PIM. Aux forts Da, l’écoulement à tendance à se localiser plus facilement dans les zones de meilleure perméabilité et la rétroaction de l’écoulement sur la chimie et le transport favorise l’apparition de chenaux d’écoulement préférentiel.

Chapitre VIII. Variabilité des systèmes naturels.