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Application : Investigation des effets du transport réactif sur la géométrie et l’écoulement au sein d’une fracture

Chapitre V. Caractérisation des écoulements dans une fracture

V.2. Application : Investigation des effets du transport réactif sur la géométrie et l’écoulement au sein d’une fracture

V.2.1. Résumé du contenu de l’article

Les résultats de cette étude ont été soumis sous forme d’un article dans « Groundwater in Fractured Rocks », International Association of Hydrogeologists - Selected Papers, que nous allons résumer. L’étude a concerné la percolation d’une eau acide (eau + 0,01 M NaCl équilibrée à la PCO2 de 1bar) dans un calcaire argileux fracturé, qui contient environ 10 % d’éléments silicatés, principalement des argiles, mais aussi du quartz. L’échantillon, dont le nom n’est pas mentionné dans l’article, est l’échantillon OCA1FB décrit au 6Chapitre II (6Tableau II.1). Le débit d’écoulement a été fixé à 10 cm3.h-1. Trois scanners de l’échantillon ont été réalisés, avant l’expérience (t0), et après 70h30 (t1) et 118h30 (t2) d’expérience.

La caractérisation morphologique de l’échantillon montre que la dissolution apparaît hétérogène à deux échelles différentes : à l’échelle du minéral, la dissolution préférentielle de la calcite par rapport aux minéraux silicatés entraîne une augmentation de la rugosité de surface ; à l’échelle de l’échantillon, la formation de chenaux préférentiels d’écoulement fait que la distribution des ouvertures, initialement comparable à une distribution gaussienne, évolue vers une distribution bimodale. Les deux épontes qui sont initialement très bien corrélées se décorrèlent progressivement. Alors que la mesure des ions relargués par l’échantillon permet de calculer la vitesse globale de dissolution à l’échelle de l’échantillon, la soustraction des images de l’ouverture aux différents temps permet d’évaluer localement la vitesse de dissolution (à l’échelle du pixel), en faisant l’hypothèse d’un état géochimique stationnaire entre deux étapes de dissolution et en choisissant la valeur de surface réactive égale à celle de la surface géométrique projetée des épontes. Les résultats montrent que la vitesse de dissolution est plus élevée à l’entrée de l’échantillon et au niveau des chenaux d’écoulement préférentiel. Après la première étape de percolation, la vitesse de dissolution devient faible, voire

qui réduisent fortement par endroits la vitesse de dissolution de façon indirecte, car il y a apport de matière supplémentaire.

Les topographies des surfaces extraites à partir des images obtenues en XCMT sont ensuite utilisées pour mailler la fracture afin d’y simuler l’écoulement avec le logiciel Fluent®. Les profils de vitesse

qui étaient initialement paraboliques et centrés (40 % des profils) acquièrent une forme non parabolique au cours de l’expérience, suite à la décorrélation des surfaces, à l’augmentation de la rugosité et au développement de chenaux d’écoulement préférentiel. La comparaison de l’ouverture calculée par différentes méthodes est faite : ouverture chimique déduite du calcium en solution (ac), ouverture mécanique calculée à partir de l’imagerie (am), ouverture hydraulique mesurée (ah-EXP), ouverture hydraulique calculée par l’approximation de Reynolds (ah-REY) (éq. V.18) et ouverture hydraulique calculée à partir de la modélisation (ah-NS). A t0, la valeur de ah-NS est très proche de ah-EXP tandis que des valeurs plus éloignées de am et ah-REY expriment un écart à la loi cubique et à la loi cubique locale. Seulement à partir de t1, les résultats de ah-EXP divergent considérablement des autres valeurs. En examinant plus précisément la morphologie de la fracture, on s’aperçoit que des minéraux silicatés persistent dans la fracture, en formant par endroits une couche microporeuse. Cette couche n’est pas prise en compte dans le maillage de la fracture, et donc les pertes de charges sont largement sous estimées dans la simulation, puisque les paramètres de segmentation utilisés pour extraire la topographie des surfaces ne tiennent pas compte de cette phase microporeuse qui est assimilée à du vide. La présence de cette phase peut donc expliquer la différence entre ah-EXP et les autres valeurs d’ouverture. Dans l’approximation de l’équation de Reynolds, Patir et Cheng [1978] expriment l’écart à la loi cubique en fonction du rapport am/σa. Dans l’expérience, bien que la fracture s’ouvre, le rapport am/σa n’augmente pas. L’augmentation de la rugosité peut donc expliquer pourquoi l’écart entre ouverture mécanique et ouvertures hydrauliques calculées (écart à la loi cubique) ne diminue pas malgré l’ouverture de la fracture (en effet, les rapports am/ah-REY ou am/ah-NS ne varient pas dans le temps).

La connaissance du champ d’écoulement initial ne prédispose pas à la prédiction de l’évolution de la géométrie de la fracture au cours du transport réactif. En effet, il n’y a pas, entre t0 et t1, de corrélation entre le champ d’écoulement initial et la formation des chenaux d’écoulement préférentiel. Le transport des produits de la réaction est normalement accentué dans les zones où la vitesse d’écoulement est la plus élevée. Dans la théorie d’instabilité d’infiltration réactive décrite par Ortoleva

et al. [1987a] et Ortoleva et al. [1987b], la rétroaction positive entre la réaction chimique et le

transport conduit à l’accélération de la croissance des chenaux de meilleure perméabilité initiale. Dans le cas présent, la présence des minéraux silicatés semble jouer un rôle déterminant dans l’évolution morphologique de la fracture. La couche microporeuse, qui est présente sur les bords de la fracture, réduit considérablement le transport des éléments puisque la vitesse d’écoulement y est faible. C’est dans cette zone que la vitesse locale de dissolution est très faible, voire nulle. Là où le chenal principal d’écoulement s’est formé, les particules ont été emportées par l’écoulement. Il semble donc que si une roche contient plusieurs minéraux ayant des cinétiques réactionnelles différentes, qui vont créer des hétérogénéités structurales, la prédiction du transport réactif ne soit pas aussi simple que celle prédite par les expériences ou modèles sur des systèmes monominéraux.

V.2.2. Publication n°2 (insérée en ANNEXE 5)

Time-resolved 3D characterisation of flow and dissolution patterns in a single rough-walled fracture

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Résumé

L'application de la microtomographie à rayons X à la mesure de la géométrie 3D de fractures est présentée. L'étude démontre les capacités de la XCMT à mesurer périodiquement et de façon non- invasive l'ouverture et les épontes d’une fracture au cours d'une expérience de percolation réactive. La méthode permet d’évaluer la vitesse de dissolution à l’échelle locale et globale, dans un échantillon de calcaire percolé par une eau acide. Puis, les épontes extraites sont utilisées comme paramètre d’entrée pour modéliser d'écoulement, afin de comparer l'ouverture hydraulique calculée par la simulation numérique à d’autres types d'ouverture : ouverture hydraulique mesurée à partir de la chute de pression pendant l'expérience, ouverture mécanique mesurée par la XCMT, et ouverture chimique déduite du calcium en solution. Les effets du transport réactif sur la géométrie et l’écoulement sont ensuite discutés. La dissolution semble hétérogène à la fois à petite échelle, à cause de la présence d’argiles insolubles dans la roche, et à grande échelle, avec la formation de chenaux d'écoulement préférentiel. La formation de ces motifs de dissolution hétérogènes ne peut pas être prédite simplement à partir de l’identification des zones où le fluide circule initialement plus vite, où le transport des produits de réaction (c’est à dire la vitesse d'ouverture) est présumé être plus important.

V.3. Conclusion

La description précise de l’écoulement dans une fracture passe par la résolution des équations de Navier-Stokes, qui est rendue difficile à cause de la présence de termes non linéaires. La loi cubique, qui est une solution des équations de Navier-Stokes pour une configuration de type plaques parallèles, est souvent mal adaptée pour décrire les écoulements dans les fracture dont la géométrie est souvent éloignée de la configuration de Poiseuille plan. Il est cependant possible, sous certaines conditions, de réduire ces équations aux équations de Stokes ou à l’équation de lubrification de Reynolds. La réduction aux équations de Stokes est souvent adaptée à la résolution de l’écoulement, lorsque les forces de viscosité dominent sur les forces inertielles (c'est-à-dire pour des faibles valeurs du nombre de Reynolds). La résolution de l’équation de Reynolds, encore appelée loi cubique locale, est souvent utilisée dans les études numériques grâce à sa facilité de mise en œuvre, même si certains auteurs en critiquent la validité.

Le code Fluent, qui est succinctement présenté, a ensuite été appliqué à la caractérisation de l’écoulement dans une fracture à différents stades de dissolution. L’ouverture de la fracture est calculée par diverses méthodes expérimentales, empiriques et numériques, et les résultats sont comparés afin d’évaluer les déviations à la loi cubique. Il ressort de cette étude que la présence de minéraux accessoires dans la roche perturbe le champ de vitesse et laisse présager que le transport des éléments en solution en est également affecté.

PARTIE

III

PROBLÉMATIQUE DU