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2 Présentation de la réanalyse des lames d’eau

2.2 La mesure radar des précipitations

Dans cette partie, nous présentons brièvement les principes généraux et les limites de la mesure radar pour les précipitations plus largement décrits par Champeaux et Lorandel (2009).

2.2.1 La formation des précipitations

L’eau à l’état gazeux dans l’air se condense pour former les gouttelettes de nuage. C’est la nucléa- tion. S’il fait suffisamment froid, il se produit une condensation solide et la vapeur d’eau se trans- forme directement en cristaux de glace. Ce sont les gouttelettes de nuage et les cristaux de glace qui constituent le contenu des nuages.

Par différents processus, ces éléments grossissent jusqu’à devenir trop grands pour rester en sus- pension dans l’air : ils chutent, le contenu du nuage précipite, il pleut ! La gouttelette de pluie est d’environ 100 fois plus grande que la gouttelette de nuage. C’est la taille des éléments qui différen- cie les précipitations des nuages (Tableau 1).

Particules de nuage et précipitation Taille des particules (mm)

Gouttelette de nuage 0,02 Gouttelette de bruine 0,1 à 0,5 Gouttelette de pluie 0,5 à 5,0 Flocon de neige 2,0 à 5,0

Grêlon 5,0 à 50,0

Tableau 1 : Taille des éléments qui constituent les nuages et précipitations.

2.2.2 Principe de la mesure radar

Le nom de RADAR, acronyme du terme anglais « RAdio Detection And Ranging », que l’on peut tra- duire par « radiolocalisation » en français, désigne le procédé de repérage d’objets par ondes radio. On utilise communément ce nom pour définir le dispositif qui mesure la distance d’un obstacle par l’émission et la détection d’ondes radioélectriques réfléchies à sa surface. Marshall et al. (1947) sont les premiers à montrer qu’il est possible de déterminer l’intensité des précipitations avec ce type de mesure.

Le radar émet dans l’atmosphère des impulsions électromagnétiques puissantes, très brèves, à des intervalles réguliers et à des fréquences élevées. En fonction de la fréquence d’émission des ondes radar, on est capable de déterminer la longueur d’onde du signal :

= Eq. 1

Chapitre 2 : Présentation de la réanalyse des lames d’eau

57 En météorologie, les radars utilisés pour la détection des précipitations sont en bande X, C ou S (voir Tableau 2). En France, les radars météorologiques sont de type bande C dans les régions tem- pérées et bande S (dans le sud de la France et en Bretagne à Plabennec). Quatre radars en bande X ont récemment été installés dans le Sud-Est de la France, dans le cadre du projet RYTHMME6 mais nous n’en parlerons pas au cours de cette thèse puisqu’ils n’ont pas été utilisés pour la production de la réanalyse.

Bande de fréquence K X C S L

Fréquence (GHz) 30 10 6 3 1.5

Longueur d’onde (cm) 1 3 5 10 20 Usage Nuages Précipitations Précipitations Précipitations Aéronautique

Tableau 2 : Visibilité du radar en fonction de longueur d’onde du faisceau radar émis

La longueur d’onde conditionne la dimension de l’aérien (i.e. l’antenne parabolique et son radome de protection), la cible détectée et la profondeur de pénétration : des longueurs d’onde trop grandes traversent les précipitations sans interagir tandis que les longueurs d’onde les plus courtes sont les plus atténuées par la traversée de la pluie mais les mieux réfléchies (Tableau 2). En effet les ondes radioélectriques émises par le radar se propagent à la vitesse de la lumière et réagissent avec le milieu. Les cibles absorbent une partie du faisceau radar et rayonnent dans toutes les directions. Une fraction très faible est renvoyée vers le radar : c’est le signal utile.

L’intensité du signal est normalisée en réflectivité qui mesure l’efficacité avec laquelle une cible intercepte et renvoie l'énergie radioélectrique. La réflectivité dépend de la taille, de la forme, du coefficient d'aspect et des propriétés diélectriques de la surface de la cible. Dans le cas d’un radar météorologique, d’après la loi de Rayleigh, la surface équivalente radar des cibles varie comme la sixième puissance du diamètre d’une sphère d’hydrométéore. La mesure radar de réflectivité est calculée à partir de la puissance reçue par le radar et du délai entre émission et réception qui per- met de calculer la distance de la cible au radar:

= .² Eq. 2

avec Pr la puissance reçue par le radar du signal utile, r la distance au radar, C une constante radar

et Z le facteur de réflectivité en mm6.m-3 (sur le volume de résolution). Le facteur de réflectivité est souvent exprimé en dBZ par la conversion suivante : Z(dBZ) = 10.log Z (mm6

.m-3).

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RHYTMME : Risques Hydrométéorologiques en Territoires de Montagnes et Méditerranéens (2008-2013). Ce projet qui entre dans le cadre du Contrat de projet État-Région 2007-2013, est cofinancé par l'Union Européenne, le Ministère en charge de l'écologie - DGPR (Direction Générale de la Prévention des Risques) et la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il est coordonnée par Irstea et Météo-France. Pour plus d’information : https://rhytmme.irstea.fr/.

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Il existe un lien entre la réflectivité et la distribution de la taille des cibles (nombre de particules par unité de volume d’air en fonction de leur diamètre). Par exemple, une distribution uniforme des gouttelettes d’eau de 1 mm de diamètre à raison de 1 goutte par litre équivaut à une réflectivité de 1000 mm6/m3 soit 30 dBZ. Un radar peut aussi bien détecter des particules d’eau dans l’atmosphère que des avions, oiseaux ou montagnes (écho de sol). La Figure 1 présente les plages de réflectivité pour quelques cibles susceptibles d’être détectées par les radars météorologiques.

Figure 1 : Lien entre distribution de la taille des cibles et réflectivité (Champeaux et Lorandel 2009).

Un autre lien existe entre la distribution du diamètre des gouttes dans un nuage et son intensité de précipitation, on est donc capable de déterminer les intensités de précipitation en fonction de la réflectivité. La réflectivité Z (en dBz) mesurée par un radar est statistiquement reliée à l’intensité de précipitations R (en mm/h) par une relation empirique. Il s’agit des relations Z-R de type :

= . Eq. 3

Les coefficients a et b de ces relations dépendent du type de précipitation observée, il existe donc un grand nombre de relation Z-R. C’est la relation de Marshall-Palmer (1947) qui est généralement utilisée en France métropolitaine puisqu’elle est valide pour les pluies stratiformes. Cependant, cette relation n’est plus optimale pour les précipitations convectives et pour la neige. A titre d’exemple, voici quelques relations utilisées par Météo-France pour convertir les mesures radar de réflectivité en intensité de précipitation en fonction du type de précipitation :

• Pluie stratiforme : = 200. . (loi de Marshall-Palmer) Eq. 4

• Pluie convective : = 300. . Eq. 5

• Neige : = 1780. . Eq. 6

Dans le cas de la réanalyse, les radars utilisés ne reconnaissent pas le type de précipitation obser- vée et la relation de Marshall-Palmer a été choisie pour convertir les mesures de réflectivité en in- tensité pluvieuse : la précipitation est supposée à l’état liquide et stratiforme. Ainsi, l’intensité plu- vieuse peut être sous-estimée s’il s’agit de neige. De plus, la mesure radar est affectée par de nom- breuses erreurs qui nuisent à la quantification des précipitations.

Chapitre 2 : Présentation de la réanalyse des lames d’eau

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2.2.3 Les limites de la mesure radar

Le radar permet d’estimer des intensités de précipitation dans l’atmosphère à partir des mesures de réflectivité. Cependant des obstacles peuvent gêner la propagation du faisceau, ce qui induit de nombreuses erreurs sur l’estimation des précipitations au sol. Les différentes sources d’erreur ren- contrées dans la mesure des précipitations par radar sont les suivantes :

Echos fixes : ils sont liés à la détection d’obstacles par le radar (relief, bâtiments…). Le signal reçu est interprété comme des précipitations.

Masques : Dans les zones d’écho fixe, les obstacles masquent partiellement ou totalement le faisceau émis par le radar. Les intensités pluvieuses dans ces zones sont sous-estimées.

Echos de ciel clair : le radar peut mesurer la présence de précipitation dans l’atmosphère alors qu’il ne pleut pas et qu’il y a absence de nuage (ciel clair). Cette perturbation du signal est causée par des interférences avec d’autres cibles que celles des précipitations (oiseaux, insectes, avions, leurres militaires…).

Propagation anormale : le faisceau peut être dévié vers le sol dans des conditions atmos- phériques particulières (fortes stratifications en température, au-dessus des surfaces évapo- rantes …). Le signal est alors parasité par les échos du sol et le radar mesure des précipita- tions qui n’existent pas.

Phénomène de bande brillante : Le changement d’état de l’eau dans l’atmosphère autour de l’isotherme 0°C entraîne un pic de réflectivité. L’intensité pluvieuse est surestimée dans cette zone.

Altitude du faisceau : Lorsque la distance au radar augmente, l’altitude augmente (selon l’angle de site du radar et la rotondité de la Terre) et la résolution diminue. A partir d’une certaine altitude, il peut y avoir de grandes différences avec les intensités mesurées au sol (évaporation des précipitations dans l’atmosphère). En pratique, la limite de visibilité du ra- dar est comprise entre 80 et 100 km.

Variabilité de la loi Z-R : Si le radar ne reconnait pas le type de précipitation (pluie, neige ou grêle) et la relation Z-R reste fixée et identique indépendamment du système précipitant, les précipitations sont alors mal estimées car elles sont dans un état différent du domaine d’application de la relation Z-R.

Atténuation : S’il y a plusieurs cibles sur un même parcours, le faisceau peut être atténué par les fortes pluies et la seconde cible peut ne pas être détectée. L’atténuation du signal dépend de la longueur d’onde et de l’intensité pluvieuse. Pour les radars de bande S, l’atténuation est faible mais peut aller jusqu’à l’extinction du signal en bande C et X.

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Les données radar brutes doivent impérativement être analysées pour identifier et corriger ces er- reurs de mesures. Les traitements sont effectués à la fois sur les cartes de réflectivité (en dBZ) et sur les cumuls horaires (mm/h) après transformation par la loi Z-R.