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Impact d’une mauvaise estimation des précipitations en entrée du modèle pluie-débit

1 Variabilité spatiale des précipitations en modélisation hydrologique

1.2 Le problème de la variabilité spatiale des précipitations

1.2.2 Sensibilité de la modélisation pluie-débit aux estimations des précipitations

1.2.2.2 Impact d’une mauvaise estimation des précipitations en entrée du modèle pluie-débit

d’entrée de précipitation et les erreurs induites par le modèle pluie-débit. Il est donc important de les distinguer :

(i) Les incertitudes provoquées par une mauvaise estimation des quantités d’eau en entrée du modèle pluie-débit. Il s’agit des effets « indirects » de l’hétérogénéité spatiale des précipitations qui entraîne une mauvaise estimation des volumes de pluie. Ces incertitudes sur les données d’entrée du modèle pluie-débit peuvent se propager aux volumes d’écoulements simulés, indé- pendamment des stratégies de modélisation choisies ;

(ii) Les incertitudes liées à la représentation de la variabilité spatiale des précipitations dans le mo- dèle pluie-débit. Il s’agit des effets « directs » de l’hétérogénéité spatiale des précipitations sur la transformation pluie-débit qui va influencer la dynamique des hydrogrammes. En effet, on peut penser que la variabilité spatiale des précipitations influence la répartition des débits au sein du bassin versant. Cette hypothèse suppose que, pour un volume de précipitation équiva- lent, la réponse du bassin versant (en termes de débits à son exutoire) est différente si les pré- cipitations reçues sont uniformes ou spatialement variables sur le bassin.

1.2.2.2 Impact d’une mauvaise estimation des précipitations en entrée du modèle pluie- débit

De nombreuses études ont analysé les incertitudes des simulations de débit en réponse aux estima- tions erronées des volumes de précipitation. Certaines d’entre elles proposent de calculer plusieurs séries de données d’entrée de précipitation en faisant varier le nombre de pluviomètres utilisés, puis d’étudier leur impact sur les débits simulés (Anctil et al., 2006; Andréassian et al., 2001; Arnaud et al., 2011; Biggs et Atkinson, 2011; Caracciolo et al., 2013; Dawdy et Bergmann, 1969; Dong et al., 2005; Faures et al., 1995; Michaud et Sorooshian, 1994a; Vaze et al., 2011; Wilson et al., 1979). Ces auteurs observent tous que les simulations de débit se dégradent lorsque la qualité des estimations de précipitation diminue :

• Dawdy et Bergmann (1969) diminuent progressivement le nombre de pluviomètres sur un bassin de 25 km². Ils concluent que des erreurs de 20% sur les débits de pointe peuvent être induites par une mauvaise estimation des précipitations lorsque le réseau de mesure est in- suffisant pour représenter la variabilité spatiale des précipitations.

• Andréassian et al. (2001) ont généré aléatoirement plus de 1000 sous-échantillons de plu- viomètres parmi les postes disponibles sur le bassin de l’Yonne (10700 km²), du Serein (1120 km²) et du Réal Collobrier (71 km²). Les débits sont calculés avec 3 modèles pluie-débit dif- férents pour chaque pluie de bassin estimée à partir de chaque sous-échantillon. Les per-

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formances des modèles pluie-débit (évaluées par rapport au débit observé) sont ensuite comparées en fonction de la qualité des estimations de pluie (par rapport à la meilleure es- timation possible des précipitations lorsque la totalité des pluviomètres disponible est utili- sée). Ils observent que les simulations de débit se dégradent lorsque la qualité des estima- tions de précipitation diminue.

• Dong et al. (2005) obtiennent d’importantes dégradations des simulations de débit en ré- duisant la densité du réseau de mesure de 5 à 1 pluviomètre sur leur bassin de 17000 km². Cependant, ils indiquent que les performances du modèle pluie-débit sont similaires quel que soit le nombre de pluviomètres compris entre 5 et 26 pour estimer les données d’entrée de précipitation.

D’autres travaux cherchent à améliorer la simulation des débits en affinant l’estimation des précipi- tations par l’utilisation des mesures spatialisées des radars (Borga, 2002; Carpenter et Georgakakos, 2004; He et al., 2013; Price et al., 2013; Sharif et al., 2011; Sun et al., 2000; Tarolli et al., 2013; Teague et al., 2013). Ils comparent ensuite les performances des modèles pluie-débit avec une utili- sation exclusive des données pluviométriques. Ils observent que les performances des modèles pluie-débit se dégradent à cause d’une mauvaise estimation des précipitations, lorsque la densité du réseau de mesure pluviométrique n’est pas adaptée aux variabilités spatiales des champs de précipitations. Il existe une limite à partir de laquelle l’augmentation du réseau pluviométrique n’améliore plus la modélisation pluie-débit (Biggs et Atkinson, 2011; Dong et al., 2005) et l’utilisation et les données radar produit de meilleures estimations des précipitations (pour la simu- lation des débits) lorsque la densité spatiale des pluviomètres est trop faible uniquement (Seo et al. 1990) :

• Sur un bassin versant de 1060 km² à Darwin (Australie), Sun et al. (2000) estiment les préci- pitations de trois manières différentes à partir (1) des pluviomètres uniquement, (2) du ra- dar uniquement et (3) du cokrigeage des données radars et pluviométriques. Certains pics de crue ne sont pas représentés par le modèle pluie-débit forcé avec les données pluviomé- triques, les erreurs sur les hydrogrammes calculés sont beaucoup plus importantes lorsque les données radar brutes sont utilisées, et c’est avec l’utilisation du cokrigeage des données radars et pluviométriques que les meilleures performances du modèle pluie-débit sont ob- tenues. Les auteurs concluent que la densité du réseau pluviométrique est insuffisante pour mesurer les champs de précipitation à forte hétérogénéité spatiale tandis que le cokrigeage permet d'estimer avec succès les variations spatiales des précipitations grâce à l’information spatialisée du radar. Avec une méthodologie similaire et les données issues du réseau radar NEXRAD (Etats-Unis), Teague et al. (2013) obtiennent de meilleures simulations de débit sur un bassin versant de 797 km² à Houston (Texas) par rapport à l’utilisation exclusive des plu-

Chapitre 1 : Variabilité spatiale des précipitations en modélisation hydrologique

37 viomètres. Ils attribuent les améliorations des performances du modèle pluie-débit à l’amélioration des estimations de précipitations grâce à l’information spatialisée des radars, notamment parce que la densité spatiale de leurs mesures ponctuelles est faible.

Cependant, Seo et al. (1990) remarquent que : « dans une certaine gamme de densité du ré-

seau de mesure pluviométrique, les estimations des précipitations par le cokrigeage des ra- dar-pluviomètre sont meilleures que les estimations pluviométriques lorsque la densité du réseau pluviométrique est la plus faible ». Ce constat est vérifié par Biggs et Atkinson (2011),

sur un bassin versant de 2065 km² situé au Pays de Galles. Ils obtiennent de meilleures per- formances du modèle pluie-débit avec les précipitations estimées par 12 pluviomètres par rapport à celles obtenues avec les données radar corrigées. Par contre, lorsque moins de 6 pluviomètres sont utilisés pour estimer la pluie de bassin, les performances du modèle pluie-débit chutent brutalement et deviennent inférieures aux estimations des données ra- dars corrigées. De même, sur un bassin versant de 3500 km² au Danemark, He et al. (2013) affirment que l’information supplémentaire des données radars conduit à de meilleures si- mulations des débits lorsque le nombre de pluviomètres diminue et qu’il n’est pas possible d’atteindre les performances obtenues avec la totalité du réseau de pluviomètres.

Les études d’impact de le variabilité spatiale des précipitations sur les débits dépendent du réseau de mesure, ce qui amène à des conclusions différentes selon la taille des bassins versants (Faures et al. 1995), mais l’hétérogénéité spatiale des précipitations reste importante à toutes les échelles (Andréassian et al. 2001). Sur une base de 240 bassins versant australiens entre 50 et 2000 km², Vaze et al. (2011) montrent que les grands bassins sont plus sensibles à la densité du réseau plu- viométrique que les petits bassins. De plus, ils observent que les améliorations induites par l’utilisation des données radar sont plus importantes sur les petits bassins parce que les bassins versants de grande surface contiennent généralement un plus grand nombre de pluviomètres. Des conclusions similaires sont proposées par Price et al. (2013) et Arnaud et al. (2011).

Par ailleurs, certains de ces résultats suggèrent que les performances optimales des modèles pluie- débit peuvent être atteintes avec des estimations de précipitation de moins bonne qualité a priori, obtenues avec une partie du réseau ponctuel de mesure disponible (Andréassian et al., 2001; Biggs et Atkinson, 2011; Dong et al., 2005; Obled et al., 1994). Borga (2002) montre que même si les er- reurs sur l’estimation des précipitations ne sont pas négligeables, leur impact sur la qualité des si- mulations de débit est limité. En comparant les pluies de bassin horaires estimées sur leur bassin de 135 km² situé au Sud-Est de l'Angleterre, ils observent des écarts absolus de 50% entre les données radar-ajustées et le krigeage de 49 pluviomètres, tandis que les performances du modèle pluie- débit varient de 10% seulement.

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Les modèles pluie-débit ont donc la faculté de tolérer les imperfections des données d’entrée de précipitations. Cette aptitude des modèles pluie-débit est attribuée au processus de calage qui par- vient à compenser les biais des données de précipitations via l’ajustement des paramètres (Troutman 1983; Seo et al. 1999; Andréassian et al. 2001; Price et al. 2013). Ceci dit, la compensa- tion d’erreurs dans les données d’entrées de précipitation par le calage des paramètres n’est pos- sible que si la densité du réseau de mesure pluviométrique est suffisante (Anctil et al., 2006; Biggs et Atkinson, 2011; Dong et al., 2005) et dans les cas où les erreurs sur les données d’entrée de pré- cipitation ne sont pas aléatoires (Seo et al. 1999; Oudin et al. 2006b). Enfin, même si les modèles pluie-débit atteignent de bonnes performances avec des données de précipitations estimées à par- tir d’un nombre limité de pluviomètres, la qualité des estimations de précipitation continue d’affecter la modélisation puisque la robustesse du modèle pluie-débit (i.e. la stabilité des jeux de paramètres calés) augmente avec la densité du réseau de mesure (Duncan et al. 1993; Andréassian et al. 2001).