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Mener une réflexion sur la notion d’établissement scolaire à l’ère du numérique

L’établissement scolaire est avant tout un lieu physique avec une enceinte matérialisée par des barrières et un portail. La vie scolaire peut se définir comme tout ce qui se passe en dehors des cours. Or, les travaux de recherche ont démontré qu’une partie non négligeable du processus de socialisation, de construction identitaire de l’adolescent, se réalise dans un espace virtuel. L’environnement numérique dans lequel évolue l’ensemble de la communauté éducative nécessite de repenser l’établissement afin d’exploiter favorablement cet espace et lui apporter un cadre protecteur.

1) Effectuer une veille des réseaux

L’équipe de vie scolaire assure la surveillance au sein et aux abords de l’établissement. Ces abords ont été élargis aux réseaux sociaux sur lesquels les jeunes surfent en qualité d’élèves. J’ai constaté, à plusieurs reprises que les réseaux leur permettent également le partage d’informations sur leurs communautés d’appartenance (l’établissement, le quartier, la ville, …) de manière extrêmement rapide et ciblée.

C’est là qu’ils s’organisent, définissent les lieux et horaires de rencontres, invitent des connaissances à participer et s’invectivent parfois entre « bandes rivales ». Si on peut imaginer que les réseaux sociaux leur permettent de retrouver leurs amis, il ne faut pas oublier qu’ils leur donnent aussi l’occasion de rencontrer leurs ennemis et de leur fixer un rendez-vous. L’information y circule à une rapidité déconcertante leur permettant, dans un temps très court, de déjouer les plans des forces de l’ordre. Cette circulation de l’information doit également servir l’établissement à des fins de maintien de la sécurité. La veille des réseaux sociaux est alors un atout qu’il peut être intéressant de développer à des fins de prévention ; nous avons déjà réussi à intervenir avec les forces de l’ordre en amont d’une rixe grâce à une information qui provenait des réseaux.

2) Repenser les temps et les espaces

Cette réflexion sur l’établissement doit dépasser le cadre de la sécurité pour s’étendre à la sensibilisation et aux apprentissages.

L’établissement est un lieu sécurisé dans lequel les élèves peuvent mener des expériences tout en étant encadrés par des professionnels. Les accompagner dans cet usage des réseaux est essentiel.

Dans le cas de la formation au numérique, il convient d’assurer la mise à disposition de lieux physiques (des salles) et virtuels (espaces numériques) afin que les élèves puissent se familiariser avec les outils et les environnements. La difficulté vient souvent de la gestion de ces lieux qui nécessite une organisation spécifique en termes de sécurité d’accès en raison de la mise à disposition de matériels couteux. Il est par ailleurs nécessaire de réguler les activités qui s’y déroulent. La mise en œuvre de ces infrastructures et organisations ne sera efficace qu’en y associant les élèves sur la base d’une responsabilité collective.

Repenser les temps et les espaces conduit également à tirer les enseignements des résultats du questionnaire concernant l’usage intensif des réseaux sociaux. Le temps consacré aux réseaux sociaux par les élèves empiète sur le déroulé de leur vie dans le monde physique, y compris dans les lieux où le smartphone est proscrit. Les adolescents témoignent eux-mêmes

des difficultés qu’ils ont à se déconnecter et ressentent parfois une relation de dépendance, d’incapacité à de se détacher de leur précieux outil numérique. Il apparait alors plus que nécessaire de construire ou maintenir une politique d’encadrement réfléchi des usages des smartphones, une réflexion à mener en concertation probablement avec les principaux intéressés afin de mieux convaincre sans contraindre.

3) Intégrer la dimension numérique dans le travail sur le climat scolaire

Les notions de violence et de climat scolaire ont évolué au fil du temps pour intégrer de nouvelles problématiques. Outre l’ensemble des affaires de cyber-harcèlement pour lesquelles de nombreux ressources, protocoles et vadémécums existent, on n’a pas toujours conscience que de micro-violences et des incivilités commises par voie numérique ont lieu au sein même des classes et sont parfois aussi dirigées contre les enseignants.

1er retour d’expérience :

Le vidéoprojecteur de la salle où se tient le cours d’Espagnol dysfonctionne depuis plusieurs semaines, gênant le déroulement du cours, perturbant l’ambiance de classe et dégradant la relation avec l’enseignante ; il semble effectivement que ce dysfonctionnement ne soit pas si aléatoire qu’il ne paraît. Les investigations conjointes entre l’enseignante et la CPE nous amène à interroger quelques élèves. En recoupant les informations concernant les absences dans la classe, la constitution des demi-groupes, le relevé des dysfonctionnements constitués par l’enseignante et les témoignages recueillis, nous parvenons à identifier l’élève responsable du dysfonctionnement et nous sommes surprises de découvrir qu’il commande le rétroprojecteur à l’aide de son smartphone … Ce micro-événement nous fait prendre conscience qu’il est primordial d’intégrer les effets du numérique sur le climat scolaire … et que nous pourrions développer l’ingéniosité des élèves à des fins d’apprentissage.

2e retour d’expérience :

Des classes virtuelles ont été organisées dans le cadre de la continuité pédagogique nécessaire dans le contexte du Covid-19. Or, une classe a été perturbée par l’intrusion de personnes extérieures à la classe voire même à l’établissement auxquelles les élèves du lycée avaient communiqué les liens et les codes d’accès. Cet évènement nous invite à réfléchir d’une part aux moyens de sécuriser les classes virtuelles, et d’autre part à faire prendre conscience aux élèves que la classe virtuelle implique le respect de certaines règles au même titre que la classe en présentiel. Il paraît opportun de réfléchir aux moyens d’expliquer les règles et usages qui s’appliquent dans ces espaces dématérialisés et de les formaliser peut-être par une charte de bonne conduite. Il est également envisageable

d’inclure ces points lors d’une prochaine révision du règlement intérieur. Enfin, il appartient aux équipes enseignantes et d’éducation de sensibiliser et former les élèves à une utilisation responsable de ces nouveaux espaces de sociabilité qu’ils partagent avec les enseignants. Cet épisode est un autre exemple qui témoigne du besoin de renforcer la sociabilité de l’adolescent dans l’espace numérique, en l’occurrence au sein de l’établissement numérique.

4) Développer la visibilité et la contribution des EPLE sur les réseaux

sociaux

On note que plusieurs établissements ont créé un compte sur les réseaux sociaux. La consultation de ces comptes nous renseigne immédiatement sur le fait que ceux-ci sont gérés par un ou plusieurs personnels de l’établissement. Ils restent très « académiques », suscitent peu de réactions et sont faiblement suivis. Or, développer la contribution des collèges et lycées sur les réseaux sociaux est loin de n’être qu’une opération marketing ; c’est une excellente opportunité d’apprendre aux jeunes à communiquer sur un sujet tout en maîtrisant la diffusion et en acquérant les codes de cette communication. C’est également un moyen de partager entre jeunes et personnels de l’établissement sur ce sujet et de développer plus qu’une culture numérique commune : un sentiment d’appartenance à l’établissement … favorisant un climat scolaire serein.

Les résultats du questionnaire ont démontré la fonctionnalité créatrice des réseaux sociaux, particulièrement chez les filles. Pour l’ensemble des adolescents, les réseaux sociaux ont également, nous l’avons vu, une fonction de divertissement. Les établissements ont donc tout à gagner à utiliser ce « capital sympathie » de ces outils et essayer de détourner partiellement leur usage.

B. Impulser et développer une culture du numérique au