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2.2 Diagnostic et symptômes

2.4.5 Les facteurs reliés au bébé

2.4.7.1 La maternité en milieu défavorisé

L’état de santé de la mère est conditionné par des facteurs tels que la pauvreté, l’accès aux soins, l’alimentation, le niveau de scolarisation, le statut social, l’état général de la femme et la méthode contraceptive utilisée (TALC, 1995). C’est pourquoi en milieu défavorisé, la maternité est une situation à risque. D’ailleurs, les auteurs d’une étude, réalisée à Ibadam, Nigeria, ont constaté que 30% des femmes pauvres avaient des troubles dépressifs déjà à la période prénatale. De plus, un total de 14% des femmes présentaient les mêmes troubles psychiatriques à la période postnatale (Aderibigbe et al, 1993).

Ce sont surtout les femmes de milieux défavorisés, les femmes moins scolarisées (Gotlib et

al, 1991), celles qui ont eu plusieurs enfants (O’Hara, 1986 ; Gotlib et al, 1991), les

femmes ambivalentes face à une grossesse non planifiée (Mamelle et al, 1992) qui présentent une symptomatologie dépressive en période prénatale. En effet, chez ces groupes de femmes, les symptômes dépressifs sont souvent prévalents pendant la grossesse (Norbeck et al, 1996). Ces symptômes prénataux deviennent chroniques après la naissance et se retrouvent chez une très grande partie des femmes défavorisées tel que constaté par Patel et al (2002).

Selon une étude réalisée au Québec au moyen de l'échelle de Beck (BDI), 46,9 % des femmes de milieux défavorisés présenteraient un type de réaction dépressive pendant la grossesse, alors que cette réaction ne se manifesterait que chez 20% des femmes enceintes de milieux favorisés (Séguin et al, 1995a). Les auteurs de cette étude ont observé une réaction dépressive de type modéré chez 12,2% des femmes défavorisées comparativement à 2,2 % chez les femmes appartenant à des groupes socio-économiques différents (Séguin et al, 1995a). Pour sa part, Hickey et al (1997) ont également observé une différence de symptomatologie dépressive plus importante chez les femmes défavorisées, à trente semaines de grossesse.

Il est fréquent d’observer divers problèmes chez les femmes appartenant à la classe pauvre. La difficulté de vivre la modification de l'image corporelle, l'absence de sentiment de plénitude pendant la grossesse, la hâte de mettre fin aux entrevues, la présence écourtée ou l'absence totale du père sont autant de variables qu’on a pu constater chez les femmes défavorisées ayant accouché prématurément (Mamelle et al, 1992). Lors de la conception d’une grille d’intervention spécifique pour les femmes enceintes défavorisées, les auteurs considèrent : la contraception, les grossesses répétées, le nombre d’enfants à la maison, la maternité monoparentale, le nombre d’enfants placés, les revenus, les drogues, l’alimentation, le poids du bébé à la naissance, la prématurité, les maladies préexistantes chez la femme, l’adaptation parentale, l’allaitement, la violence familiale et la dépression légère, modérée ou sévère ; ce sont tous des aspects que l’on peut retrouver chez les femmes enceintes défavorisées dont l’environnement psychosocial est très complexe (Perreault et al, 1997). Enfin, la création de réseaux sociaux est plus difficile pour les mères défavorisées. Pour elles la famille représente le seul groupe de personnes de confiance (Pichon, 2000).

Finalement, il est connu que le manque d’aliments chez des mères défavorisées peut conditionner les émotions postnatales. L’étude menée par Beard et al (2005) chez des femmes défavorisées montre qu’il existe une relation évidente entre le niveau de fer et la dépression, le stress et le fonctionnement cognitif des femmes évaluées avec l’EPDS à dix semaines et à neuf mois après la naissance. Selon ces auteurs le manque de fer et l’anémie exercent un effet cumulatif négatif sur le fonctionnement maternel. Enfin, la santé de l’enfant se verra affectée par le milieu social de ses parents (Chen et Millar, 1999).

2.4.7.1.1 Morbidité associée à la maternité chez la femme défavorisée

Il existe une corrélation entre un haut niveau de stress chez la femme enceinte et un déséquilibre émotionnel. Ce niveau élevé de stress se rencontre plus souvent chez les femmes défavorisées (Norbeck et Anderson, 1989).

Des auteurs tels que Rothberg et Lits (1991) ont tenté d’étudier les causes principales de stress pendant la grossesse afin d’offrir aux femmes un soutien psychosocial. Les variables suivantes seraient, selon eux, associées à un niveau élevé de stress dans l'ordre d’importance suivant: 1) décès du père du bébé; 2) divorce; 3) séparation des parents; 4) emprisonnement du père; 5) décès d'un proche; 6) blessure grave; 7) mariage pendant la grossesse; 8) perte d'emploi pour le père; 9) maladie grave chez un proche; 10) problèmes au niveau de la relation de couple. Selon cette étude, la part du père semble avoir une importance capitale pour la femme enceinte. Or, chez les femmes défavorisées, il est souvent absent, ou peu présent, sans emploi, ou déprimé.

Dans leur étude portant sur les mères défavorisées, Zayas et Busch (1992) ont constaté pour leur part que la plupart d'entre elles avaient eu très jeunes (20 ans et moins) un enfant à charge, n’avaient pas reçu les soins prénataux appropriés et avaient des grossesses rapprochées. Ils ont constaté également un plus grand nombre de cas de morbidité maternelle et infantile à la naissance du bébé; d’où le risque de transmission générationnelle de morbidité à cause d'une accumulation progressive de facteurs de stress (Zayas et Busch, 1992). En conclusion, pour les femmes défavorisées les conditions de naissance sont souvent plus difficiles, le respect, le confort et la dignité deviennent des facteurs de soins très importants car ils manquent souvent. Et ces facteurs influent sur le résultat de naissance (Nzama et Hofmey, 2005).

2.4.7.1.2 Morbidité associée au bébé né en milieu défavorisé

La malnutrition de la mère pendant la grossesse est un autre facteur relié à la pauvreté ; ce facteur a des effets néfastes sur la santé et le comportement du bébé (Oyemade et al, 1994). Par exemple, Mc Cullough et al. (1990) ont trouvé une corrélation significative entre le dosage de vitamine B6 chez la mère pendant la grossesse et les variables indiquant que le bébé était atteint au niveau neurologique, telles que la capacité de réponse du bébé aux gestes et aux paroles de consolation et la vitesse de ses réactions aux stimuli. En outre, chez l'embryon sous-alimenté, le risque que son cerveau soit endommagé par ce manque nutritionnel est élevé et le risque qu’il présente un retard dans son développement est aussi élevé; ce retard étant traduit par les variables d’orientation, de motricité, de réponse autonome et des réflexes mesurés au moyen du BNBAS (Brazelton Neonatal Behavioral Assessment Scale) a été constaté par Oyemade et al. (1994). Enfin, ces enfants ont un faible poids à leur naissance et de ce fait sont plus sujets à un retard de développement (Mc Cormick et al, 1996 ; Koller et al, 1997) et à de problèmes de santé tels que l’asthme (Chen et Millar, 1999).

La grossesse chez la femme défavorisée est souvent accompagnée d’un stress sévère dont le degré a un rapport inverse avec le poids du bébé à la naissance. Plus le degré de stress est élevé chez la femme, moindre sera le poids du nourrisson à sa naissance (Pagel et al, 1990). En revanche, lorsque la mère reçoit du soutien pendant la grossesse, le poids du bébé est plus élevé (Olds, 1990 ; Rothberg et Lits, 1991 ; Villar et al, 1992 ; Mc Laughlin, 1992 ; Norbeck et al, 1996). Ce soutien sert de tampon face aux facteurs de stress et protège autant la mère que son enfant.

En milieu défavorisé, les naissances présentent des taux plus élevés de prématurité et de faible poids (Roberts, 1997). Et, ainsi que nous l’avons expliqué ci-dessus, la santé du bébé est un élément important pour le bien-être de la mère. Enfin, même si l'on ne peut généraliser le lien entre famille défavorisée et milieu pathogène pour l'enfant, il est

important de prévenir les risques de perturbation de l'évolution de l'enfant, risque présent dans les milieux de carence matérielle, culturelle et intellectuelle. L’une des caractéristiques les plus fréquentes dans ce contexte de carence est le faible investissement du langage (Gauberti, 1993).

2.4.8 Autres facteurs de risque

La maternité est une période de vulnérabilité en soi à cause de tout un processus de changement avec soi-même et avec les autres. Le temps de la grossesse est un moment de remise en question continu (Barclay et al, 1997). La paix et l’inquiétude, le repos et le malaise alternent à différents moments.

La perception du processus de la grossesse et de la naissance donne lieu à une double interprétation. Certains considèrent la grossesse et la naissance d’un premier enfant comme une difficulté à surmonter, difficulté attribuable à des changements transitoires susceptibles de provoquer des réactions pathologiques chez certaines femmes névrotiques ou fragiles. Pour certains autres, la grossesse est comme un processus dans lequel entrent en cause les critères de féminité que la femme revendique et qu’elle doit intégrer à sa maternité. Cette interprétation suppose un état de crise chez la femme, lequel favorise son propre développement (Guerriera, 1990).

La crise de la grossesse se caractérise par des paroxysmes d’angoisse à des moments précis : au tout début de la grossesse, durant la formation du placenta, au moment des premières perceptions des mouvements du fœtus et, finalement, lorsque les mouvements deviennent bien perceptibles, au début du 9ème mois et dans les jours précédant la naissance, lorsque l’enfant se retourne. Une symptomatologie physique accompagnée de fantasmes concrets peut se présenter à chacun de ces moments critiques. C’est ainsi que la notion de

« somme pathologique » s’avère importante. La somme apparaît lorsque les trois secteurs de dysfonctionnement du psychisme (mécanique, énergétique et organique) coexistent et se manifestent à travers une rupture d’équilibre (Tourné, 1996 et 2002). La grossesse est une situation physiologique dont les composantes bousculent, à tous les niveaux, les régulations du corps de la femme afin de répondre à une priorité, soit l’alimentation et le développement du bébé in utero (Tourné, 2002). Chacun des systèmes biochimique, physiologique, endocrinien et comportemental sont impliqués et interreliés durant la grossesse, l'accouchement, la naissance et la période postnatale (Tourné, 1999). Les mères qui ont connu la tranquillité, la relaxation et des relations émotionnelles favorables avec leur bébé pendant la grossesse et l'accouchement ont manifesté davantage de joie lors du premier contact avec ce bébé et elles ont présenté moins de réactions dépressives au 3ème trimestre prénatal et à huit semaines après la naissance (Priel et Besser, 1999).