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2.2 Diagnostic et symptômes

2.6.1 La détection du risque de dépression postnatale à partir des symptômes

La tristesse n’est pas le symptôme principal chez toutes les mères affectées par une dépression postnatale car un certain nombre de mères souffrant d’une dépression montrent plutôt d’autres symptômes tels que l’anxiété et l’irritabilité (Beck et Indman, 2005). Des signes révélateurs d’un état dépressif tels que le reproche envers soi-même, le sentiment de solitude, les troubles de sommeil, les troubles de nature somatique et l’anxiété ne se traduisent pas forcément par un sentiment de tristesse (Manzano et al, 1997).

Les femmes ayant formulé plus de plaintes somatiques pendant la grossesse (maux de tête, démangeaisons, frissons et étourdissements) figurent parmi les mères déprimées à la période postnatale dans l’étude longitudinale de Riguetti-Veltema et al. (1998).

Lors d’une autre étude longitudinale, Sugawara et al. (1999) rapportent une corrélation positive entre la présence de symptomatologie somatique en période prénatale et de symptomatologie dépressive en période postnatale évaluée à 18 mois après la naissance. Ces auteurs ont relevé divers symptômes prénatals chez les mères déprimées : diminution de l’appétit et de la libido, perte de poids ou faible gain de poids, constipation et tachycardie pendant la grossesse. Ces symptômes, considérés de nature physique attribuables au fait même d’être enceinte, sont pourtant exclus des questionnaires. Toutefois, en observant certaines composantes de type affectif et cognitif de la symptomatologie prénatale, les auteurs ont pu établir des liens autres que ceux considérés auparavant entre la période prénatale et la période postnatale en rapport au risque de DP.

Différents facteurs d’ordre social et culturel semblent influencer la reconnaissance de la souffrance maternelle chez certaines femmes déprimées puisque généralement la maternité est associée à la normalité et au bonheur. Par crainte d’être considérées dans l’anormalité, certaines femmes auraient tendance à minimiser ou à nier leurs manifestations

psychologiques (Riguettti-Veltema et al, 1998). C’est justement pour bien identifier les troubles émotionnels de la femme enceinte que Bydlowski et Pons (1998) ont conçu un modèle de consultation conjointe, obstétricien/psychiatre. Les résultats de leur étude montrent que 30% des femmes enceintes présentaient des problèmes de santé physiques : 10% des troubles émotionnels graves tels que l’anorexie, la toxicomanie, la psychose ; 25% ont signalé une histoire obstétricale considérée à risque en raison d’avortements répétés, de naissances prématurées et finalement, un pourcentage de 25% de femmes présentaient un pathologie de type somatique (Bydlowski et Pons, 1998). Ce dernier pourcentage est assez notable pour soulever des questions à propos des symptômes somatiques.

Pour Cooper et Murray (1998), la relation de couple, la situation économique et le soutien social qui marquent la vie d’une femme enceinte sont des variables associées à l’adaptation de la femme à sa grossesse, à l’accouchement et à la naissance. Ces facteurs constituent des sources d’anxiété pour la femme et, de ce fait, ils la prédisposent à la symptomatologie dépressive prénatale. Et cette symptomatologie peut présenter différentes formes non nécessairement spécifiques à la dépression.

Riguetti-Veltema et al. (1998) ont identifié comme « marqueurs » certains facteurs de risque de dépression postnatale présents durant la grossesse entre autres, le fait d’avoir présenté plus de plaintes somatiques. En effet, les nausées prolonguées au-delà du 4ième mois, le faible gain de poids et une hyperactivité somatique à la présence du fœtus ont été déjà signalés par Saucier et al. (1993) comme facteurs annonçant une symptomatologie dépressive prénatale. Enfin, dans une étude plus récente publiée par Riguetti-Veltema et al, (2006) les auteurs constatent que 14% des femmes présentent des démangeaisons moyennes à très importantes, 38% ont eu des douleurs dorsales moyennes à très importantes et 43% des femmes ont présenté des troubles du sommeil moyens à très importants pendant la grossesse.

Il semblerait logique que, lorsque différents facteurs de risque interférent durant la période prénatale et que la femme souffre d’une symptomatologie somatique ou clairement dépressive, une symptomatologie dépressive puisse apparaître après la naissance ; surtout, si ces problèmes n’ont pas été résolus et que la situation de la femme soit encore plus fragile en raison du stress naturel crée par une naissance. Il reste à vérifier dans quelle mesure certains symptômes de type somatique peuvent cacher une dépression chez des femmes qui, à cause de leurs caractéristiques personnelles et sociales présentent davantage une symptomatologie dépressive somatique (plus acceptée durant la période prénatale) et une symptomatologie clairement dépressive à la période postnatale, évidente seulement quelques mois après la naissance lorsqu’elle ne peut plus être dissimulée en raison d’une accumulation de stress, de fatigue et d’une baisse des résistances internes.

2.6.2 Éléments à considérer dans un programme de prévention de la dépression postnatale

Selon Mamelle et al (1992, 1997), à la base de toute intervention prénatale chez les femmes qui éprouvent des difficultés psychologiques pendant la grossesse, il faudrait inclure une fonction maternante. Cette fonction pourrait prendre l’allure d’un travail d'écoute, de soutien et de soins psychothérapeutiques accompagnés d'exercices de relaxation.

Pour Kumar et Oyebode (2005) des interventions psychologiques et psychosociales peuvent prévenir la DP. L'intervention psychologique correspondrait à un ensemble de modalités susceptibles de renforcer la barrière de protection contre le stress, l'anxiété et la dépression prénatale. Le contact téléphonique, le suivi à domicile, les rencontres de groupe, le travail corporel et l'utilisation des ressources communautaires feraient partie de ces modalités (Mamelle et al 1992). Cependant, certaines femmes préfèrent l’approche de soutien à l’approche clairement psychothérapeutique. Cette dernière risque d’être vécue

comme une menace pour certaines femmes à cause de leurs antécédents psychologiques et d’une fragilité pour établir des liens avec les professionnels soignants (Toubin et al, 2006).

L'aide matérielle, l’assistance dans les tâches quotidiennes, une information adéquate et un bon soutien émotionnel constitueraient selon Neter et al (1995) des facteurs susceptibles de prévenir la dépression maternelle. Ainsi, les femmes qui auraient retiré le plus de satisfaction de l’aide reçue durant la grossesse sembleraient moins déprimées d’après l’étude de cet auteur.

Les rencontres de groupe constitueraient un autre type de soutien social. Le degré de soutien social dispensé aux femmes aurait un effet protecteur sur leur santé mentale (Dwenda et al, 1994). Comme le font observer Norbeck et Anderson (1989), la présence d'un bon soutien social tout au long de la période périnatale serait associée à un meilleur ajustement psychologique et à une meilleure relation avec le nourrisson. Enfin, le soutien entre pairs montre des résultats significatifs sur le risque de DP évalué avec l’EPDS, quand il est offert après la naissance par d’autres mères ainsi que constaté par Dennis (2003).

Pour Whiffen (1992), les interventions visant à l’amélioration de la relation du couple et de la transition au rôle parental seraient efficaces. En effet, la sensibilité nécessaire pour apporter à l’autre, au moment opportun, l’appui dont il a besoin serait, note Cutrona (1996), une composante très importante du maintien du contact avec l’autre et permettrait de réduire l’isolement émotionnel du couple.

Enfin, l’attachement mère-enfant est aussi un facteur à considérer pour la prévention de la DP. En effet, Priel et Besser (1999) ont démontré que les mères ayant expérimenté un lien traduisant l’attachement prénatal mesuré avec le AEAQ (Antenatal Emotional Attachement

Questionnaire) étaient protégées davantage des réactions psychopathologiques pré- et

postnatales. Selon ces auteurs, la capacité de créer un lien avec le fœtus augmenterait l’estime de soi et le sentiment de compétence maternelle de la femme, éléments qui à leur

tour, auraient un effet protecteur face à la dépression maternelle, mesurée avec le DEQ et le CES-D (Priel et Besser, 1999).

Des études portant sur différentes interventions préventives, appliquées aux périodes prénatales basées principalement sur un modèle d’orientation biologique ou non biologique pour améliorer la santé mentale de la mère à la période postnatale sont décrites ci-dessous.