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2.2 Diagnostic et symptômes

2.4.5 Les facteurs reliés au bébé

2.4.8.3 La symptomatologie dépressive prénatale : prévalence et lien

La symptomatologie dépressive prénatale a été associée à la dépression postnatale dans certaines études (O’Hara et al, 1991b ; Neter et al, 1995). Toutefois, la présence de signes prénataux précurseurs de la dépression postnatale a été contestée (Cooper et Murray, 1998). Un certain nombre de femmes se montrent déprimées à la période prénatale et ceci pourrait devenir un risque de DP pour les mères.

Les évaluations concernant les problèmes de dépression pendant la grossesse fluctuent dans une proportion de 3% à 31%. Généralement, ce pourcentage est plus élevé selon que la dépression est mesurée à partir d’un inventaire auto-administré du rapport à soi ou que la mère est évaluée pendant le premier trimestre de la grossesse (Berthiaume et al, 1998). Plus récemment, d’autres auteurs trouvent que la prévalence de dépression prénatale affecte entre 10% à 25% des femmes (Anderson et al, 2004 ; Marcus et al, 2004). D’après l’étude de Berthiaume et al (1998), le pourcentage de femmes présentant un niveau modéré ou sévère de symptômes dépressifs mesurés au second trimestre de grossesse à l’aide du questionnaire abrégé de Beck était de 7,43%.

L’étude réalisée en Europe par Manzano et al (1997) révèle que 19,8% des femmes étudiées présentent un “syndrome de dépression prénatale ”, syndrome qui se caractérise par un sentiment de solitude, des auto-reproches, de l’anxiété, des troubles du sommeil et des troubles somatiques. La prévalence de la symptomatologie dépressive prénatale serait sous-estimée, les symptômes prénataux étant différents des symptômes postnataux selon ces auteurs. Or, dans la plupart des études, ces symptômes sont mesurés avec les mêmes instruments (Manzano et al, 1997).

Parmi les femmes pauvres, les femmes plus âgées mères de plusieurs enfants, celles qui ont vécu des avortements, les femmes vivant une relation de couple difficile, les femmes isolées et celles qui avaient déjà des problèmes de santé avant la grossesse, sont identifiées comme à risque élevé de dépression maternelle. Une évaluation effectuée à huit mois de grossesse au moyen du SSQ (Shona Symptom Questionnaire) et comparée à une entrevue clinique révisée, a permis de confirmer ce fait. Sur un échantillon de 500 sujets, il a été relevé un total de 19% de femmes identifiées comme à risque élevé et modéré de dépression postnatale. Les auteurs de cette étude en ont conclu que les femmes souffrant de troubles psychologiques avant la naissance étaient plus sujettes à développer une DP que celles qui n’avaient pas eu de problèmes à la période prénatale (Nhiwatiwa et al, 1998). Plus récemment, lors d’une étude longitudinale réalisée auprès de 214 femmes évaluées

avec le EPDS, deux mois avant, deux mois après la naissance et à un an postnatal, les auteurs Seimyr et al (2004) trouvent des corrélations positives entre les symptômes dépressifs prénataux et les symptômes postnataux (r= 0.61 et r= 0.45).

Dans une étude comparant des femmes déprimées et des femmes non déprimées observées à la fois, à la période prénatale et à la période postnatale, les auteurs constatent que les mères déprimées montrent une augmentation des scores CES-D autant après qu’avant la naissance ; et, les mères déprimées avant et après la naissance et les mères déprimées seulement à la période prénatale présentent une augmentation significative des scores CES- D comparativement aux mères non déprimées et aux mères déprimées seulement à la période postnatale (Diego et al, 2005).

Compte tenu de la difficulté à cibler la totalité des femmes à risque, peut-on cerner véritablement le problème de la dépression prénatale et postnatale? Certains auteurs ont signalé le manque de corrélation entre la dépression prénatale et la dépression postnatale (O'Hara, 1986). Selon certains auteurs, la dépression postnatale serait, pour certaines femmes, la continuité d’un épisode dépressif initié à la période prénatale ; il s’agirait alors de faux cas de DP (Whiffen, 1992). L’observation des cas de dépression prénatale et postnatale permet tout au plus une estimation du nombre de femmes déprimées aux deux périodes (Whiffen, 1992). En conséquence, il s’avère nécessaire de bien identifier les femmes à risque de développer des états dépressifs maternels, et cela, aussi bien avant qu’après la naissance, quelle qu’en soit l’intensité, pour intervenir ensuite le plus rapidement possible (Chardeau, 2000).

En conclusion, l'analyse des études portant sur les déterminants de la dépression postnatale permet de penser qu'il y a un bon nombre de facteurs susceptibles de déclencher la DP. Le rôle primordial des facteurs psychosociaux est bien reconnu ; la solitude et la rupture de liens en l’absence de soutien social rendent les mères plus vulnérables, surtout quand des événements difficiles accompagnent la naissance.

La plupart des facteurs de risque de la DP sont déjà présents pendant la grossesse : dépression et anxiété prénatale, stress pendant la grossesse, manque de soutien social, antécédents personnels de dépression et faible ajustement de la relation du couple (O’Hara et Gorman, 2004). Ce fait expliquerait en partie, le lien entre la dépression prénatale et la dépression postnatale. Toutefois, jusqu'à maintenant, les auteurs n’ont offert que peu d’éclaircissements quant à la possibilité d’un lien de causalité direct entre plusieurs de ces facteurs et la DP. De plus, la diversité culturelle dans les études de facteurs de risque n’est pas assez clarifiée et la méthodologie des essais cliniques est parfois faiblement rigoureuse (Halbreich, 2005) ce qui amène à une certaine réserve avant de se prononcer sur les facteurs prédictifs. Enfin, selon Riguetti-Veltema et al. (2006) l’existence d’une symptomatologie dépressive pendant la grossesse permet d’identifier un groupe de femmes qui présenteront une symptomatologie dépressive après la naissance. Il reste à améliorer cette prédictibilité.

2.5 Les programmes de prévention en périnatalité

La période prénatale est une occasion privilégiée pour les intervenants de s’adresser au moins à deux personnes: la future mère et son bébé. L’intervention pourrait également aider le père (Polomeno, 1998a ; Polomeno, 2000). Or, bien que, de l’avis de Dyke (1999), ce dernier manifeste le désir de s’impliquer et d’exprimer ses propres besoins comme parent et qu’il réponde volontiers aux questions qu’on lui pose au sujet de son enfant, ce père est actuellement laissé pour compte dans bon nombre de programmes périnataux (Polomeno, 1998a ; Polomeno, 2000). Le Camus (1995) distingue trois types d’orientation de l’intervention prénatale au sujet desquels il observe une différence marquée entre la place accordée à la mère et celle réservée au père:

a) Une orientation issue de la conception médicale traditionnelle selon laquelle la grossesse est l’affaire de la femme en raison du processus physiologique de l’enfantement. C’est alors que le médecin est appelé à veiller sur sa santé. Puis, au moment de la naissance, le mari est également écarté de l’intervention pour ne jouer qu’un rôle d’observateur. Enfin les interventions qui suivent la naissance sont orientées vers la santé physique de la mère et de l’enfant. Aucune action n’est donc prévue pour le couple parental ;

b) Une orientation fondée sur une conception plus humaniste qui amène le couple à partager l’événement de la grossesse à la naissance. Les parents choisissent ensemble le gynécologue qui pourra soigner la mère tout en offrant au couple le soutien nécessaire. Chez les parents qui optent pour cette approche, la naissance devient un événement heureux. Ils sont contents de se rendre au bout d’une expérience de projet commun (Le Camus, 1995). En effet, la grossesse n’affecte pas seulement le bien-être de la femme, de l’enfant et de la famille, mais elle a également un impact non négligeable sur la relation du couple (Malnory, 1996) ;

c) Une troisième orientation s’inspire à la fois de l’approche médicale et de l’approche humaniste de façon à offrir une intervention de complémentarité (Le Camus, 1995).

Quant aux programmes périnataux ils se divisent apparemment en trois catégories : 1) ceux qui s’intéressent à la période prénatale (que ce soit dans une conception traditionnelle ou autre); 2) ceux qui s’intéressent à la période postnatale; et, 3) ceux référant les interventions qui tiennent compte des deux périodes. On ne retiendra pas maintenant les programmes postnataux adressés surtout au bien être de l’enfant. Nous exposerons, ci-dessous, seulement les programmes prénataux car ils constituent une référence générale pour les études de prévention de la DP et, une référence concrète pour l’intervention étudiée ici.