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Examen clinique :

MATERIELS ET METHODES (ANNEXE)

Fig 1 :

Enfant Badr avant traitement. (Observation N 1)

Fig 2 : Enfant Badr après traitement. (Observation N°1)

XI/ Discussion :

Définition :

La leishmaniose cutanée est une anthropozoonose, due à des parasites genre Leishmania, transmise par un insecte diptère dénommé phlébotome. Les réservoirs du parasite sont multiples tels que les rongeurs sauvages, l’homme et le chien.

Epidémiologie :

- La leishmaniose cutanée est relativement fréquente chez l’enfant, particulièrement au cours de la deuxième décennie, le sexe ratio est de 1.

- Elle sévit dans plusieurs régions du monde, on distingue l’Ancien Monde (Bassin méditerranéen, Afrique du Nord, Moyen Orient...) et le Nouveau Monde représenté par le continent Américain.

Au Maroc, les principales régions touchées sont le Rif, Ouazzane et Taounat, le Sud du pays…

- Le parasite incriminé est appelé Leishmania, il existe plusieurs espèces et sous-espèces responsables des différentes variétés et

formes cliniques des leishmanioses, chez les vertébrés (hôtes), ce parasite existe sous la forme amastigote, alors que chez les invertébrés (insectes vecteurs), il se trouve sous la forme promastigote. Au Maroc, la leishmaniose cutanée est due à trois espèces qui sont : L. tropica ; L. major ; L. infantum variété dermotrope.

- Le vecteur n’est autre que la femelle du phlébotome, qui, à la différence du mâle est hématophage et responsable donc de la transmission des parasites, il s’agit d’un insecte de 2 à 5mm de taille, ayant une activité essentiellement vespérale favorisée par une température avoisinant les 19-20C, ayant un rayon de déplacement d’environ 1 km. On recense actuellement plus de 600 espèces réparties de par le monde dont environ 70 espèces sont suspectes de vectrices et uniquement 20 espèces sont des vecteurs anthropotropiques prouvés. Au Maroc, uniquement 22 espèces sont inventoriés.

- Les réservoirs du parasite sont multiples, la situation épidémiologique au Maroc est comme suit :

▪ La leishmaniose cutanée à L. major est une zoonose dont le réservoir est le Meriones Shawi (rongeur).

▪ La leishmaniose cutanée à L. tropica est une

anthroponose dont le réservoir est strictement humain (L. tropica Mon-102).

▪ La leishmaniose cutanée à L. infantum

(variété dermotrope) est une zoonose dont le réservoir est représenté par le chien.

- Le cycle du parasite débute par l’ingestion de sang par le phlébotome lors de la morsure d’un animal ou d’un sujet infecté, ainsi, les formes amastigotes passent dans le tube digestif de l’insecte, se transforment en formes promastigotes (grâce à des enzymes protéolytiques sécrétées par l’insecte qui détruisent un

facteur présent chez l’hôte inhibant cette transformation), ces dernières se multiplient au niveau de l’intestin et colonisent les pièces buccales de l’insecte et seront inoculées à un autre hôte lors d’une morsure ultérieure.

- Effectivement, les zones endémiques de notre pays concordent parfaitement avec nos deux patients puisque :

▪ L’enfant Badr, même s’il réside à Rabat, est originaire de Taroudant, et dans ses antécédents on trouve une notion de voyage à Taroudant et l’apparition des lésions cutanées quelques mois après son retour de voyage

(Obs N 1).

▪ L’enfant Youssra, âgée de 11 ans (deuxième décennie) qui est originaire et habitant Ouazzane (Obs N 2).

- Une étude faite en 1997 par une équipe américaine au New jersey aux états unis (Joseph A. Samady and Robert A. Shwartz, MD, MPH) [41] [42] sur les espèces de leishmanies responsables de la leishmaniose dans l’Ancien monde, a permis d’identifier quatre espèces : L. tropica ; L. major ; L. infantum ; L. aethiopica. La même étude a confirmé l’implication de la femelle du phlébotome comme vecteur [43]. Les données de cette étude cadrent avec le statut épidémiologique au Maroc qui fait partie de l’Ancien monde.

Clinique :

- Les lésions cutanées siègent préférentiellement au niveau des zones découvertes accessibles aux morsures des phlébotomes (visage+++, cou, bras et jambes).

- Après une période d’incubation s’étendant sur quelques semaines à quelques mois et en fonction de la souche du parasite

infestant el de l’état immunitaire de l’hôte apparaissent les différentes manifestations cliniques spécifiques aux leishmanioses. - La forme typique se manifeste par une lésion caractéristique qu’on appelle Bouton d’Orient :

papule rouge indolore siégeant sur la peau au niveau des zones découvertes qui s’indure par la suite avant de s’ulcérer et de se recouvrir d’une croûte, deux types de lésions distinctes :

Forme dite sèche.

Forme dite humide avec une lésion plus creusante et évolution traînante et risque plus important de cicatrice inesthétique.

- Les autres formes cliniques sont très variées et moins fréquentes que la forme typique, elles surviennent sur des terrains particuliers et prêtent à confusion avec d’autres dermatoses rendant le diagnostic parfois difficile et nécessitant le recours aux examens complémentaires, parmi ces formes on se permet de citer : (voir chapitre Clinique pour une description détaillée)

Les formes de l’Ancien Monde : Forme impétiginoïde.

Forme verruqueuse. Forme végétante. Forme nodulaire. Forme lipoïde.

Forme infiltrée en nappe. Forme nécrotique.

Forme lymphangitique.

Les formes du Nouveau Monde : L’ulcère de Barru ou bouba. L’ulcère de Chicléros.

Le pian-bois. L’Uta.

Forme eczématiforme. Forme diffuse.

- Parfois, les sujets atteints de leishmaniose cutanée présentent également des manifestations d’atteinte viscérale en même temps : ce sont les formes associées de la leishmaniose cutanée. - Pour les deux enfants qui ont fait l’objet de notre étude, on note :

▪ Le siège de la lésion :

le front.

. Pour l’enfant Youssra (obs. N 2), la lésion intéresse la joue gauche.

Donc le visage constitue le siège de prédilection comme décrit ci-dessus.

▪ Les caractéristiques sémiologiques de la lésion cutanée :

Pour les deux enfants : papule érythèmateuse bordée d’un halo oedémateux, à base indurée, s’ulcérant par la suite et se recouvrant d’une croute, indolore.

Cependant, on note pour l’enfant Youssra (observation N 2), l’existence d’éléments vésiculeux et le caractère plus étendu de la lésion faisant évoquer une forme humide.

▪ L’atteinte viscérale :

Les deux enfants ont présenté une hépato-splénomégalie : il s’agit de formes associées de la leishmaniose cutanée.

- La même étude américaine, a montré que l’incubation était de quelques mois en moyenne et qu’elle pouvait atteindre un an, l’aspect clinique rencontré chez la quasi-majorité des patients était celui d’une papule érythémateuse, qui s’indurait par la suite puis s’ulcérait et se recouvrait d’une croûte, avec 63% des patients qui avaient une seule lésion et 95% qui avaient moins de

trois. La partie la plus atteinte était le visage dans une proportion de 60%, puis les membres et le tronc [44].

- Une étude turque [47], rapporte le cas d’un enfant de 8 ans, immunodéprimé avec lésions cutanées extensives atypiques et

atteinte viscérale concomitante (atteinte hépatique), les tests diagnostics étaient tous négatifs, l’enfant a bénéficié d’une transplantation hépatique.

Diagnostic :

- Le diagnostic est d’abord clinique et repose sur la notion de séjour en zone d’endémie et sur la mise en évidence de la lésion cutanée, la biologie permet à la fois la confirmation du diagnostic et le diagnostic positif lors des présentations atypiques, elle est basée essentiellement sur l’examen direct et la culture sur milieu

NNN après prélèvement au niveau de la lésion ainsi que sur la sérologie spécifique de la leishmaniose.

- Pour nos deux patients, les éléments qui ont permis le diagnostic :

. L’observation et la description cliniques des lésions (voir Clinique).

. L’étude parasitaire par prélèvement au niveau de la lésion et la sérologie de la leishmaniose toutes les deux positives.

- Une étude faite par Neill C Hepburn, [45] Consultant

Dermatologist à Lincoln County Hospital en 2000, portant sur les méthodes de diagnostic de la Leishmaniose, ayant concerné 475 enfants atteints de leishmaniose cutanée due à L. Major en Arabie saoudite, a apporté les résultats suivants :

∙ Diagnostic par biopsie cutanée dans 70% des cas : Sur frottis dans 50 à 80% des cas.

Par culture dans 50% des cas.

∙ Le diagnostic par sérologie n’a pas été utilisé dans cette étude, l’auteur estime que les anticorps tendent à être de titre faible voire indétectables. [46]

Traitement :

- On dispose actuellement d’une multitude de molécules utilisées pour le traitement de la leishmaniose cutanée, certains ont l’AMM dans cette indication et d’autres non, les moyens physiques

locaux sont très utiles et sont utilisés en complément du traitement médical spécifique.

- Une molécule de référence : l’antimoniate de N-méthylglucamine ou Glucantime* qui peut être utilisée par voie locale péri-lésionnelle dans les formes localisées, ou par voie IM ou IV dans les formes avec lésions multiples, formes avec lymphangite et formes associées (atteinte viscérale associée). La posologie recommandée pour usage systémique est de : [60mg/kg/j de sel d’antimoine (= 20mg/kg/j d’antimoine pentavalent ou SbV), elle peut atteindre 100mg/kg/j de sel d’antimoine en cas d’atteinte viscérale associée], la dose pleine est atteinte progressivement au 4ème jour (commencer par 25% de la dose totale à J1 puis 50% à J2, 75% à J3 et dose totale à partir de J4). En cas d’administration locale, il s’agit d’infiltrations de 2 à 5 ml de solution d’antimoniate en inta-lésionnel, il est préférable d’infiltrer une bonne dose thérapeutique en une seule séance, selon le résultat, une seconde infiltration peut être faite à 15j d’intervalle. - La tolérance de la Glucantime* est variable selon les sujets avec des manifestations de stibio-intolérance et de stibio-intoxication, parmi ces derniers, les plus redoutables sont les manifestations

cardio-vasculaires pouvant engager le pronostic vital. Chez l’enfant la tolérance est généralement bonne.

- La réponse au traitement est le plus souvent favorable, parfois des résistances ont été rapportées, le recours à une seconde cure d’antimoniate ou à la pentamidine permet généralement d’obtenir la guérison.

- Les autres molécules qui sont à notre disposition sont essentiellement :

▪ La pentamidine. ▪ L’amphotéricine B.

▪ Autres n’ayant pas l’AMM dans cette indication et moins souvent utilisées : Nivaquine*, les dérivés imidazolés (Flagyl*), l’allopurinol (zyloric*), certains antibiotiques (Rifampicine*)…

- Les moyens physiques : il s’agit essentiellement de la cryothérapie soit avec de l’azote liquide ou de la neige carbonique, elle permet une congélation qui intensifie le processus de nécrose tissulaire.

- Tel est le cas de nos deux patients qui ont été traités par Glucantime* par voie systémique (IM profonde) vu qu’ils ont présenté une forme associée, la posologie était de 100mg/kg/j atteinte progressivement au 4ème jour pour une durée totale de 21jour comme décrit ci-dessus. Ils ont également bénéficié de séances de cryothérapie comme complément du traitement systémique avec application d’antiseptiques locaux sur les lésions. - On rapporte une étude faite sur quatre enfants âgés entre 8 et 13 ans, qui avaient des lésions du visage et des extrémités, et qui ont été traités par de l’antimoine pentavalent à la dose de 10mg/kg/j par voie IM profonde pendant 10j avec en complément trois séances de cryothérapie (2 cycles de 20 secondes chacun) : la guérison a été obtenue 6 semaines après la fin du traitement avec disparition des lésions cutanées et normalisation des examens biologiques, après un an de suivi, aucune récidive n’a été notée et la pigmentation de la peau était normale.[48] [49]

Evolution :

- Il a été noté que la population infantile est plus sujette aux formes récidivantes.

L’évolution sous traitement est favorable dans la grande majorité des cas, avec régression des lésions. La tolérance du traitement est de loin, bonne chez les enfants.

- Nos deux cas ont parfaitement répondu au traitement avec bonne évolution clinique et régression des lésions cutanées et de l’atteinte viscérale (régression de l’hépato-splénomégalie) de même que la tolérance du traitement qui s’est avérée parfaitement bonne.

Prévention :

- Basée sur des mesures individuelles comprenant l’éviction des phlébotomes et la prévention de leurs morsures en utilisant des moyens physiques tels que le port de vêtements à manches longues, l’utilisation de moustiquaires et/ou des moyens chimiques tels que les insectifuges et les insecticides.

Et sur des moyens collectifs qui passent par une lutte à la fois mécanique, biologique, chimique visant à rompre le cycle de la maladie mais aussi sur la sensibilisation des populations exposées.

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