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Notre Contribution

5.1. ÉTUDE 2 : APPLICATION DE L’ANALYSE SPECTRALE À LA VOIX CHANTÉE.

5.1.2. Matériel et méthode.

L'appareil utilisé est l'analyseur fréquentiel 3561 A de Hewlett-Packard[117]. Nous avons opté pour un examen court et rapide (environ 15 minutes). La population est constituée de 60 sujets appariés en fonction de leur niveau d'étude de chant classique. Vingt sujets forment le groupe contrôle et ne pratiquent pas l'étude du chant. Vingt autres poursuivent des études de chant en académie. Les vingt derniers ont terminé le Conservatoire et se destinent à la carrière de chanteur. Les sujets émettent successivement 3 voyelles [a1], [u], [i] et un [a2] à 440 Hz à 30 cm du micro (modèle Beyer m260 200 Ohms), dans une cabine anéchoïde. La pertinence de ces

trois voyelles a fait l'objet de recherches (Sundberg (1970)[303]). Durant l'expérience, les soprani éprouvent des difficultés à émettre un son [a1] chanté sur leur fréquence fondamentale. Elles nous disent que cette émission ne correspond pas à leur tessiture. Aussi, pour éviter cet inconvénient, nous avons ajouté l'émission d'un [a] à 440 Hz. L'échelle de fréquence est déterminée en fonction du formant du chanteur soit 0 à 4000 Hz, l'intensité est exprimée en décibel volt.

Figure 27 A : Représentation spectral du son [a] émis par une femme non-chanteuse. La fréquence fondamentale est de 240 HZ, l’intensité de –87.44 dBV.

5.1.3. Résultats.

Le tableau 47 montre l'identification du formant du chanteur dans les trois groupes. Le formant du chanteur et le vibrato sont mieux identifiés dans le groupe 1 sur [a1] et [i], pour le groupe 2 sur [a1], [a2], et [i]. Le vibrato est identifié dans le groupe 3 sur toutes les voyelles, le formant du chanteur, lui, apparaît mieux sur le [a2].

Tableau 47 : Observation du formant du chanteur dans les 3 groupes pour chaque voyelle

émise.

Groupes [a1] [u] [i] [a2] Totaux

1 4 1 4 --- 9/60

2 7 2 8 8 25/80

3 18 11 11 20 60/80

Le tableau 48 résume la présence du vibrato. Dans le groupe 1. cinq sujets ont un vibrato qui est plus marqué sur [a2] et [i]. Il apparaît sur les derniers harmoniques du tracé. Dans le groupe 2 et ce, plus fréquemment sur le [a2] et le [i], nous enregistrons le vibrato chez 13 sujets. Il apparaît autour des 3000 Hz. Dans le groupe 3. presque tous les chanteurs présentent un vibrato ; pour certains d'entre eux, il apparaît déjà à 800 Hz.

Tableau 48 : Observation du vibrato dans les 3 groupes pour chaque voyelle émise.

Groupes [a1] [u] [i] [a2] Totaux

1 3 2 4 --- 9/60

2 9 4 8 5 26/80

3 14 13 14 14 55/80

Tableau 49 : Observation du formant et du vibrato en fonction de la tâche et du groupe (Test

binomial).

Formant [a2] vs [u] [u] vs [i] [a2] vs [i]

Groupe 1 NS NS NS Groupe 2 NS NS (0.070) NS Groupe 3 0.016 NS NS (0.070) Vibrato Groupe 1 NS NS NS Groupe 2 NS NS NS Groupe 3 NS NS NS

La différence d'acquisition du formant est fonction du groupe de façon significative. Plus le sujet pratique le chant, plus nous observons la présence d’un formant.

Tableau 50 : Comparaison de l'acquisition du formant du chanteur et du vibrato en fonction

des 3 groupes.

Test de Cochran Gradation 1<2<3<

Test exact de Fischer

Formant 1 vs 2 2 vs 3 1 vs 3 [a2] <0.001 NS <0.001 <0.001 [u] <0.001 NS 0.006 0.001 [i] <0.023 NS NS 0.048 Vibrato [a2] <0.001 NS (0.082) NS 0.001 [u] <0.001 NS 0.010 <0.001 [i] <0.001 NS NS 0.004

5.1.4. Discussion et Conclusion.

Le formant du chanteur est observé plus fréquemment chez les chanteurs que chez les non-chanteurs. Selon Sundberg (1987)[306], le formant résulte de l'aperture buccale, souvent pratiquée par les chanteurs, notamment pour atteindre les fréquences aiguës. Une telle ouverture, exagérée par rapport à la voix parlée, facilite l'abaissement du larynx. Le pharynx ainsi largement ouvert suit mieux les sons glottiques pour prendre place dans les résonateurs pharyngés et buccaux, provoquant ainsi des sensations vibratoires au niveau des os du crâne, excellent point de référence pour une bonne diffusion vocale. Comme Sundberg (1987)[306], nous trouvons que chez les sujets appartenant aux groupes 1 et 2 [figures 27 B et 27 C]. le formant est plus présent chez les hommes, principalement sur des fondamentaux bas [Figures 27 D et 27 E].

Figure 27 B : Représentation spectrale du son [a] émis par un homme non-chanteur. La fréquence fondamentale est de150Hz et l’intensité de –150.45 dBV.

Figure 27 C : Représentation spectrale du son [a] émis par un chanteur en académie. La fréquence fondamentale est de 120 Hz et l’intensité de –91.92 dBV. Nous notons une amplification de la courbe dont le centre du formant se situe à 2562 Hz. Un vibrato naissant se distingue dans les derniers harmoniques.

Figure 27 D : Représentation spectrale du son [a] émis par une mezzo. La fréquence fondamentale est de 230 Hz et l’intensité de –69.74 dBV. Nous notons une amplification de la courbe dont le centre du formant est situé à 2818 Hz, ainsi qu’un vibrato apparaissant au 7ème harmonique.

Figure 27 E : Représentation spectrale du son [a] émis par une basse. La fréquence fondamentale est de 110 Hz et l’intensité de –78.34 dBV. Nous notons une amplification très claire de la courbe soit un formant du chanteur dont le centre est situé à 2469 Hz. Le vibrato est présent à partir du 8ème

Nous observons un formant du chanteur chez les femmes essentiellement dans les groupes 2 et 3 [Figure 27 F], tant chez les soprani que chez les alti.

Figure 27 F : Représentation spectrale du son [a] émis par une mezzo étudiant en académie. Le fondamentale est de 250 Hz et l’intensité de –81.52 dBV.

Le fait que le formant est moins apparent chez les chanteuses peut être expliqué comme suit :

Les femmes chantent une octave plus haut que les hommes. Il semblerait dés lors inutile qu'elle développe un formant. Leur tessiture plus aiguë leur permet d'être facilement au-dessus de l'orchestre particulièrement pour les soprani. Ce n'est pas le cas des chanteurs qui le développeraient pour parer à un accompagnement bruyant. Le formant du chanteur serait dés lors le résultat de la nécessité d'être entendu, mais également de son travail et du talent qu'il déploie.

L'emploie du son [a] est utile en analyse spectrale. Le fondamental du son [a] s'avère être plus bas, il recouvre un maximum d'harmoniques pour une même échelle de fréquences. Nos résultats montrent que le vibrato et le formant apparaissent en plus grand nombre sur [a]. Son spectre montre autant d'informations dans les fréquences graves que dans les fréquences aiguës. Le son [u], par contre, ne facilite pas l'apparition de ces critères. Seuls les chanteurs chevronnés seraient capables de faire émerger le formant. Nous le considérons donc comme étant intéressant dans la mesure ou sur une étendue plus fine, il nous permet d'évaluer les capacités d'un chanteur, et de son placement vocal. Le son [i] n'apporte pas beaucoup plus d'éléments que le [a], si ce n'est une meilleure observation des harmoniques aigus.

Cependant, il est assez étonnant de constater que ce son facilite peu l'apparition du formant chez les chanteuses du groupe 3. alors qu'il est souvent choisi pour sa facilité d'émission : il transmet aisément des vibrations au niveau des os du crâne. Il ne nécessite pas une grande intensité pour apparaître. Ceci pourrait s'expliquer par leur tessiture plus aiguë, puisque les seules présentant un formant sur le [i] sont les mezzo-soprani.

Pour identifier le vibrato, nous avons mis en relation ce que nous percevions auditivement et l'image spectrale correspondante. Les vibrati relevés sont essentiellement ceux qui se marquent sur les courbes spectrales par un élargissement des pics et une configuration en dents de scie. Les résultats semblent logiques. Plus nous avons à faire à des chanteurs professionnels, plus le vibrato s'observe sur les premiers harmoniques, s'affirme et se régularise. Le fait que nous puissions aisément l'identifier chez les chanteurs du groupe 3 et qu'il s'identifie sur toutes les voyelles traduit une aisance dans la production vocale. Il est moins présent dans le groupe 2 vraisemblablement parce que les chanteurs sont en cours d'apprentissage et que le vibrato (quoique présent de manière naturelle chez certains apprentis chanteurs) n'a pas encore eu le temps de se développer de façon régulière et de s'amplifier. Une autre explication serait que la moyenne choisie (30 RMS23) n'a pas permis de le faire apparaître de manière évidente sur la courbe. Cela traduirait cependant que le vibrato est moins régulier et moins stable que chez les professionnels. Les quelques vibrati observés dans le groupe 1 se marquent sur les derniers harmoniques. Leur présence signifierait qu'ils sont naturels et inhérents à la voix.

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Le RMS: correspond à "root-mean-square" ou encore niveau efficace mesuré par la racine de la moyenne des carrés des amplitudes instantanées. Plus l'étendue fréquentielle est grande, plus cette fonction décroît rapidement à l'écran. En la fixant à 30. la durée d'extraction du son est de plus ou moins 10 secondes. Ce temps phonatoire peut paraître court, mais certains sujets du premier groupe n'auraient pas pu sonoriser au-delà de