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Organisation du manuscrit

1.4. Comportement à l’échelle du matériau

1.4.1.3. Matériaux cimentaires fibrés

1.4.1.3.1. Etat de l’art des essais de cisaillement direct sur matériaux cimentaires fibrés

Les conclusions majeures des campagnes expérimentales portant sur des matériaux fibrés de (Tan et Mansur, 1990), (Balaguru et Dipsia, 1993), (Valle et Büyüköztürk, 1993), (Khaloo et Kim, 1997), (Mirsayah et Banthia, 2002), (Barragan et al., 2006), (Lee et Fooster, 2006), (Ahmed et Ansell, 2010), (Boulekbache et al., 2012), (Khanlou et al., 2013) sont résumées ci-après :

- L’apport premier des fibres est de conférer à la section considérée une meilleure résistance ultime à la sollicitation de cisaillement pur ainsi qu’une meilleure ductilité. - Le comportement des surfaces monolithiques sollicitées en cisaillement décrit

clairement un phénomène de treillis (Mansur et al, 1990), (Valle et Büyüköztürk, 1993). Dans le cas des bétons avec une faible résistance en compression, la rupture est pilotée par l’écrasement des bielles locales (Mansur et al, 1990) [voir faciès de rupture Figure 59].

BO BO renforcé par

fibres BHP BHP renforcé par fibres

Figure 59: Faciès de rupture constatés par (Valle et Büyüköztürk, 1993)

- Si l’augmentation de l’ancrage des fibres permet dans une certaine mesure d’augmenter la résistance du matériau, il faut prendre garde à ne pas créer un ancrage trop important. En effet, si l’ancrage empêche le glissement des fibres et implique donc une rupture de celles-ci, l’énergie dissipée lors de la fissuration est moins importante et le comportement est moins ductile (Valle et Büyüköztürk, 1993). (Lee et Foster, 2006) ont ainsi constaté que lors de l’utilisation de fibres avec crochets permettant l’augmentation de l’ancrage, les corps d’épreuve ont présenté une ductilité bien plus faible que dans le cas des corps d’épreuve fabriqués avec des fibres droites. (Boulekbache et al, 2012) aboutissent à la même conclusion : la rupture des BTHP (Bétons à Très Hautes Performances) fibrés qu’ils ont testés intervient par rupture des fibres et présente une ductilité beaucoup plus faible que celle des BHP ou des BO qui rompent par glissement des fibres (voir Figure 60).

Page 110 sur 443 Figure 60: Résultats obtenus par (Boulekbache et al., 2012)

- Le comportement naturel des bétons fibrés semble être de développer un mécanisme de treillis. Ce type de comportement ne permet pas de mesurer une relation directe entre la contrainte de cisaillement présente dans une fissure et le glissement de celle-ci. Afin d’y parvenir, certains auteurs choisissent d’entailler les corps d’épreuve (Mirsayah et Banthia, 2002), (Kanakubo et al., 2010), (Boulekbache et al, 2012), (Khanlou et al, 2013). L’entaillage permet ainsi de mesurer plus précisément le comportement au droit d’une fissure. Néanmoins l’entaille impose la rupture du corps d’épreuve dans une section qui n’est pas forcément la plus faible et peut ainsi conduire à une surestimation de la résistance au cisaillement.

A partir des considérations précédentes, la participation des fibres à la résistance vis-à-vis d’une sollicitation de cisaillement direct peut-être identifiée à deux niveaux :

o Reprise directe des efforts de cisaillement (Barragan et al., 2006), (Lee et Foster, 2006) à partie des mécanismes suivants (voir Figure 61) :

 Rupture de la fibre  Arrachement de la fibre

 Endommagement du béton (similaire à ce qui apparait lors de l’étude de l’effet de goujon en présence d’armatures)

La rupture intervient selon l’un de ces modes (ou une combinaison d’entre eux) en fonction de l’orientation des fibres et de leur caractéristiques – ancrage et résistance notamment.

a) Rupture de la fibre b) Arrachement de la fibre c) Endommagement du béton Figure 61: Différents modes de rupture des fibres (Lee et Foster, 2006)

Page 111 sur 443 o Reprise des efforts de traction dans le cas d’une fissuration en treillis.

A ce titre, le gain de résistance apporté à la section cisaillée par la présence des fibres s’additionne avec celui apporté par les armatures. En effet, (Ahmed et Ansell, 2010) constatent que l’augmentation de résistance ultime apportée par les fibres est constante quelle que soit la quantité d’armatures passives mises en place (voir Figure 62).

Figure 62: Cumul d'un renforcement par fibres métalliques et par armatures passives (Ahmed et Ansell, 2010)

1.4.1.3.2. Modélisations du comportement du béton fibré sous cisaillement pur Dans la littérature, plusieurs types de modélisation analytique sont proposés pour retranscrire le comportement des sections en béton fibré soumises à des sollicitations de cisaillement. Ces approches sont principalement empiriques.

1.4.1.3.2.1. Estimation théorique de la contrainte de cisaillement maximale : approche empirique

Certains auteurs proposent d’estimer la résistance ultime au cisaillement grâce à des relations prenant en compte la résistance en compression du béton, le taux de fibres et éventuellement les caractéristiques géométriques des fibres. Ainsi, (Boulekbache et al., 2012) proposent d’estimer la résistance au cisaillement de la façon suivante :

= 0,72 , + 0,08

Avec :

fc la résistance en compression du matériau, Vf le volume de fibres mis en place en %, L la longueur des fibres utilisées,

d le diamètre des fibres utilisées.

(Khanlou et al., 2013) lui préfère une relation quelques peu différente :

= 0,75 + 4 ,

Avec :

fc la résistance en compression du matériau Vf le volume de fibres

Page 112 sur 443 Il est possible de constater que seulement l’un des modèles prend en compte la géométrie des fibres (élancement) et donc la capacité d’ancrage des fibres mais qu’aucun des deux ne prend en compte la résistance et/ou la limite élastique des fibres. Ainsi, le mécanisme de rupture est considéré comme étant lié uniquement à l’arrachement des fibres et non à leur rupture. Ces modèles semblent donc adaptés aux BFM classiques mais la question se pose pour leur extrapolation au cas des BFUP.

1.4.1.3.2.2. Modélisation de la loi « Cisaillement-glissement » pour le cas des BFM : approche empirique à l’échelle du matériau

D’autres auteurs (Khaloo et Kim, 1997) considèrent qu’il est possible d’approcher la loi de comportement des matériaux fibrés par une courbe bilinéaire (voir Figure 63).

Figure 63: Modélisation du comportement d'une surface sollicitée en cisaillement pur d'après (Khaloo et Kim, 1997) Pour les bétons fibrés, la contrainte de cisaillement de fissuration τcr est exprimée comme suit :

= ( + + + )

Avec :

Vf le volume de fibres,

Ac, Bc, Cc et Dc des coefficients à déterminer.

La contrainte ultime est estimée grâce à la formule suivante :

= ( + + + )

Avec : Au, Bu, Cu et Du des coefficients à déterminer

Les valeurs des coefficients (A, B, C et D) ont été déterminées par régression sur les résultats des essais réalisés par (Khaloo et Kim, 1997), elles sont regroupées dans le Tableau 5.

Page 113 sur 443 La prise en compte du volume de fibre Vf, notamment par le biais d’une approche polynomiale au-delà du premier ordre, est assez discutable dans le cas de la contrainte de cisaillement de fissuration. En effet, celle-ci est liée essentiellement à la limite de linéarité en traction du matériau composite et de la matrice cimentaire (pouvant être exprimé à partir de ) et non au volume de fibre présent.

Coefficient Fissuration Elancement des fibres Ultime

29 58 29 58

A 0,650 0,650 0,650 0,650

B -0,393 0,150 0,123 0,460

C 0,800 -0,080 0,080 -0,080

D -0,347 0,040 -0,013 0,000

Tableau 5: Valeurs des coefficients obtenues

Pour les matériaux non fibrés, le comportement est considéré comme linéaire jusqu’à la rupture, ainsi la contrainte de fissuration et la contrainte de rupture sont confondues. La valeur adoptée pour ces deux grandeurs est déterminée de la façon suivante :

= = 0,65

Il reste à déterminer les pentes de chacune des portions de courbes pour obtenir une loi de comportement complète. Les auteurs considèrent que le module de cisaillement en phase élastique n’est pas impacté de façon sensible par les différents paramètres expérimentaux (caractéristiques du béton, des fibres…). Ainsi, ce module de cisaillement est pris égal à 33,1 MPa/mm pour l’ensemble des matériaux. Cette hypothèse rentre en contradiction avec les constatations réalisées par (Mansur et al., 2008) dans le cas de bétons non fibrés, pour lesquels ils considèrent que le module d’élasticité varie en fonction de la résistance en compression de la matrice (voir Figure 58).

Dans la phase de la loi de comportement où le matériau est endommagé, les auteurs proposent l’expression suivante :

= + ( − )

Le module de cisaillement Gpc est, dans cette phase, pris égal à :

= 0,686 , , ,

Les auteurs ont ainsi déterminé complètement la loi de comportement bilinéaire.

1.4.1.3.2.3. Modélisation de la loi de cisaillement direct dans le cas des BFM : approche structurelle

Les modèles présentés ci-dessus considèrent que le comportement en cisaillement pur des bétons fibrés est intrinsèque au matériau. (Tan et Mansur, 1990) adoptent une vision

Page 114 sur 443 différente puisqu’ils approchent le comportement de ce type de matériau en modifiant le modèle physique de (Hsu et al., 1987) basé sur un comportement de treillis qu’ils alimentent notamment par des lois de comportement en traction et en compression adaptées aux cas des BFM. Ainsi, la vision du comportement s’inspire d’un comportement constaté qui est en réalité issu de la mise en place d’un mécanisme de rupture complexe et pas uniquement de la contrainte de cisaillement.

Cette partie a mis en évidence certaines caractéristiques du comportement des BFM sous sollicitation de cisaillement pur. Nous avons notamment évoqué l’influence de la nature des fibres utilisées et de leur interaction (ancrage notamment) avec la matrice. Il semble important d’obtenir une rupture par glissement des fibres afin d’éviter des ruptures fragiles. Dans le cas des BFUP, la rupture intervient bien par arrachement des fibres sous sollicitation de traction directe ; cependant ; il n’est pas assuré que la rupture intervienne également par glissement sous sollicitation de cisaillement pur.