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Organisation du manuscrit

1.2. Les Bétons Fibrés à Ultra Hautes Performances (BFUP)

1.2.2.2. Comportement en traction

Le comportement en traction des BFUP peut être ductile grâce à la présence des fibres qui pontent les fissures et qui permettent de reprendre les efforts de traction après la rupture de la matrice. Le comportement post-fissuration est cependant fortement dépendant de l’efficacité des fibres : qualité de l’ancrage des fibres (qualité de la matrice), pourcentage volumique, orientation réelle des fibres… Ainsi, le BFUP peut être caractérisé par deux comportements distincts en traction :

- le BFUP est écrouissant et présente une augmentation de la contrainte après la fissuration de la matrice,

- le BFUP est adoucissant et la première fissuration est synonyme de localisation de l’endommagement et de perte locale de résistance.

En ce qui concerne la flexion, pour la grande majorité des BFUP (et l’ensemble de ceux conformes à la norme française (AFNOR, 2016b)), même si le comportement en traction est adoucissant, la capacité de reprise des efforts de traction par les fibres est suffisante pour conférer à une éprouvette donnée un comportement écrouissant en flexion.

1.2.2.2.1. Comportement écrouissant en traction

Le comportement en traction des BFUP est dit écrouissant lorsque, après avoir dépassé le domaine de comportement élastique, la contrainte résistante continue à augmenter (voir Figure 11).

Figure 11: Comportement simplifié d’un BFUP écrouissant et d’un BFM en traction (Redaelli, 2009)

Ce comportement s’explique par la présence de fibres en quantité importante et par la disposition des défauts dans la matrice. La perte de linéarité correspond à la contrainte de première fissuration. Une fois cette dernière atteinte, les fibres entrent en action dans la section fissurée et confèrent à cette dernière une résistance supérieure à celle de la matrice d’autres sections qui fissurent à leur tour : un grand nombre de micro-fissures se développent ainsi. Cette phase de multifissuration est dite « pseudo-écrouissante » car s’il en résulte une augmentation de la résistance à la traction, cet accroissement est le fruit d’un endommagement du matériau (multi-microfissuration) qui diffère de celui entrainant le comportement écrouissant des aciers par exemple.

Lorsque la contrainte appliquée devient supérieure à la résistance conférée par les fibres dans une des sections fissurées, l’endommagement se localise dans une fissure et la phase adoucissante débute. L’endommagement n’est alors plus diffus mais localisé et le suivi du comportement du matériau est alors réalisé grâce à l’étude non plus de la déformation mais de l’ouverture de fissure.

Page 39 sur 443 Ainsi, alors qu’avant la localisation l’endommagement est diffus et la déformation intrinsèque au matériau, ce n’est plus le cas après la localisation.

Le comportement décrit ici est celui constaté en traction directe, cependant, la mise en place d’essais de traction directe étant complexe, la caractérisation du matériau est souvent réalisée à l’aide d’essais de flexion trois points et/ou quatre points [(AFGC, 2013), (AFNOR, 2016a), (Baby et al., 2013b)]. Les essais de flexion trois points sur éprouvettes entaillées ne permettent pas de déterminer avec certitude le caractère éventuellement écrouissant du matériau en raison de la création d’une section « faible » qui empêchera le processus de microfissuration exposé plus haut et qui conduira inévitablement à la localisation immédiate de la fissure au droit de l’entaille. (Baby, 2012) a notamment clarifié comment utiliser les résultats d’essais de flexion 4 points pour déterminer le type de comportement en traction directe du matériau.

Afin de parvenir à déterminer le type de comportement en traction directe du matériau grâce aux essais de flexion 4 points, (Baby, 2012) a comparé les profils de fissuration d’un grand nombre d’éprouvettes testées en flexion 4 points et en traction directe. L’analyse qualitative de ces profils de fissuration a montré que les BFUP écrouissants en traction directe possèdent un comportement multi-microfissurant en flexion 4 points avec un profil de fissuration comportant de nombreuses fissures fines et peu espacées (espacement inférieur à trois quarts de fois la longueur des fibres) [voir Figure 12 a)]. Les BFUP adoucissants en traction directe présentent, quant à eux, une multi-macrofissuration avec un espacement plus important (voir Figure 12b))

Figure 12: Profil de fissuration d'essais de caractérisation en flexion 4 points. a) BFUP écrouissant en traction directe (multi-microfissuration); b) BFUP adoucissant en traction directe (multi-macrofissuration). (Baby, 2012)

1.2.2.2.2. Comportement adoucissant en traction

Lorsque la répartition ou l’orientation des fibres est défavorable par rapport à la direction de l’effort de traction ou lorsque la quantité de fibres est trop faible, le comportement des BFUP en traction directe peut être adoucissant avec localisation d’une fissure critique dès la première fissuration (comportement qualitativement similaire à celui du béton de fibres métalliques de la Figure 11). Ce comportement révèle que la résistance apportée par les fibres est inférieure à la résistance de la matrice.

Malgré un comportement adoucissant en traction, la capacité de reprise des efforts de traction par les fibres est normalement suffisante pour assurer un comportement écrouissant en flexion (c’est le sens de la « condition de non fragilité » de la norme NF P 18-470 (AFNOR, 2016a)). Cependant, d’après (Baby, 2012) dans le cas où le matériau est écrouissant en flexion mais adoucissant en

Page 40 sur 443 traction directe, le profil de fissuration est multi-macrofissurant avec un développement de plusieurs rotules non-linéaires d’une longueur comprise entre une demi-fois et une fois la hauteur du corps d’épreuve.

Dans le cas plus rare où le comportement en flexion est également adoucissant, le profil de fissuration en flexion sera composé d’une seule fissure dans laquelle sera concentrée l’ensemble de l’endommagement de l’éprouvette après fissuration.

La détermination du comportement du BFUP sous les sollicitations élémentaires (traction et compression) permet également d’appréhender son comportement sous des sollicitations plus complexes (par exemple le cisaillement) en ramenant l’étude dans le repère des contraintes principales. En effet, les critères de fissuration ou de rupture sont souvent établis sur la base de l’étude de la contrainte principale de traction et/ou de la contrainte principale de compression. Enfin, la présence d’efforts complexes dans un élément de structure peut impacter le caractère localement écrouissant ou non du comportement. En effet, la présence éventuelle d’un frettage peut améliorer sensiblement l’ancrage des fibres et donc leur capacité à reprendre des efforts de traction.

1.2.2.2.3. Comportement à l’échelle « structure »

Le fonctionnement des structures en BFUP est souvent déterminé de façon critique par l’apparition de modes de rupture se traduisant par une fissuration que la modélisation s’efforce de traduire. Dans ces conditions, la modélisation doit être cohérente avec le type de fissuration, et non avec le caractère écrouissant ou non du matériau lors des essais de caractérisation. Ainsi, si le comportement est multimicrofissurant, celui-ci peut être modélisé par une loi élasto-plastique pseudo-écrouissante ce qui n’est pas le cas si le comportement du matériau est multimacrofissurant où une approche discrète en « contrainte-ouverture de fissure » est nécessaire.

On s’est jusqu’ici intéressé au comportement des BFUP sous sollicitations uniaxiales. Si la compréhension de ces comportements est indispensable à la modélisation à l’échelle de la structure, elle n’est pas suffisante. En effet, dans les structures et en particulier dans les cas qui nous intéressent (concomitance cisaillement-flexion), le matériau est sollicité de manière multiaxiale. Des éléments permettant de mieux appréhender le comportement des BFUP sous ce type de sollicitations sont fournis à la section 1.4.2.

1.2.3. Premiers enseignements

Cette première partie a permis, en plus de présenter le contexte d’utilisation des BFUP, de préciser les caractéristiques attendues des matériaux qui sont considérés comme étant des BFUP dans l’ensemble des travaux de thèse.

Ainsi, les BFUP présentent un comportement en compression linéaire jusqu’à 85 à 90% de leur résistance ultime et une ductilité limitée. La résistance en compression des BFUP est supérieure à 150 MPa et leur résistance en traction est importante devant celle des bétons ordinaires. Le comportement en traction peut-être écrouissant (augmentation de la résistance après la première fissuration de la matrice) ou adoucissant (diminution de la contrainte de traction dès la première fissuration).

Page 41 sur 443 La connaissance du comportement du matériau sous sollicitation de traction et de compression n’est pas suffisante pour modéliser l’ensemble des phénomènes qui interviennent dans une structure. La suite des travaux s’intéressera à la sollicitation de jonctions en BFUP de manière complexe (concomitance de cisaillement longitudinal et de flexion transversale).

Nous présentons dans la suite de ce chapitre les données disponibles dans la littérature sur le comportement des jonctions sous sollicitations multiaxiales. Les données disponibes n’étant pas suffisantes pour réaliser une modélisation analytique des jonctions, nous présentons ensuite des éléments sur le comportement des poutres (et sur leur modélisation) sous sollicitation de flexion cisaillement qui permettront de definir une base de modélisation du comportement des jonctions « âme-table » des poutres en Té (voir chapitre 2).

L’adaptation du modèle de flexion-cisaillement au cas des jonctions monolithiques nécessitera d’avoir un certain nombre de données sur le comportement du matériau. La troisème partie de ce chapitre présentera donc des éléments de comportement des matériaux cimentaires à l’échelle du matériau. Cette partie sera également l’occasion de présenter des éléments sur le comportement des matériaux cimentaires sous sollicitation de cisaillement pur qui permettront de mieux appréhender le comportement à la rupture des jonctions qui atteignent la rupture en cisaillement-glissement.

Pour chacun des thèmes abordés, nous nous intéressons aux données disponibles concernant les BFUP mais également les bétons ordinaires (armés ou non) et les bétons de fibres. Cette approche permet d’obtenir une continuité de compréhension de l’origine des phénomènes qui interviennent et de mieux déterminer les élements de modélisation qui peuvent être extrapolés au cas des BFUP.

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