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Matériaux biomimétiques comme supports pour la régénération

1 Introduction - Etat de l'art

1.3 Etat de l'art : cornée artificielle

1.3.5 Matériaux biomimétiques comme supports pour la régénération

La croissance 3D des cellules, ou encapsulation, n’a été obtenue que pour très peu de polymères synthétiques : l'oxyde de polyéthylène, l'oxyde de polypropylène et le poly(N-isopropylacrylamide) (PNiPAAm) (Lee & Money, 2001; Hoffman, 2002). A l'opposé, les hydrogels naturels faits à partir d'alginate, de chitosan, d'agarose, d'albumine ou de collagène sont très souvent utilisés à des fins d'encapsulation de cellules. Le collagène I est très intéressant pour l'élaboration d'une matrice "support" puisque, en plus d'être le composant majoritaire de la cornée, il possède de bonnes propriétés mécaniques ainsi qu'un motif arginine - glycine - acide glutamique permettant l'attachement cellulaire (Pierschbacher & Ruoslahti, 1987). A faible concentration en collagène, il faudra cependant le réticuler chimiquement (Hoffman, 2002) car ses propriétés mécaniques seront insuffisantes.

Un polymère de NiPAAm ou son analogue modifié avec le peptide YIGSR, co-polymérisé avec du collagène I de bovin a permis d'obtenir un hydrogel transparent pouvant être moulé en forme de cornée (Li et al., 2003).

En outre, des hydrogels de collagène associé à du TERP5 ont été greffés sur des cochons nains. Le second œil de chacun des cochons n'était pas traité alors que des allogreffes servaient de contrôle. Cette étude a constitué le premier cas de croissance des cellules stromales et épithéliales dans l'implant pour recréer le tissu cornéen. La régénération

43 des cellules a aussi été constatée et la sensibilité au toucher des animaux traités retrouvée après 6 semaines. Les allogreffes de contrôle n’ont pas permis de restaurer les cellules nerveuses et donc la sensibilité après 6 semaines. Duan et Sheardow montrèrent qu'en remplaçant le TERP par des dendrimères multifonctionnels, les propriétés mécaniques étaient améliorées. Autre avantage, l'utilisation de ces dendrimères permet d'ajouter différents groupes fonctionnels d'intérêt biologique sur les hydrogels (Duan & Sheardow, 2005, 2006).

Liu et al. en 2009 ont mis en place une cornée artificielle à partir de collagène et d'un lipide synthétique appelé phosphorylcholine (Liu et al., 2009). Dans ce système, il y avait un réseau de collagène réticulé avec du 1-ethyl-3-(3-dimethyl aminopropyl) carbodiimide et du N-hydroxysuccinimide. Un second réseau comprenait du polyéthyène glycoldiacrylate réticulé avec du 2-methacryloyloxyethyl phosphorylcholine (MPC). L'hydrogel obtenu possédait de bonnes propriétés mécaniques et une meilleure résistance à la digestion enzymatique par la collagenase. Malgré les faibles propriétés d'adhésion cellulaire du MPC, ces hydrogels ont favorisé la croissance des cellules cornéennes et des cellules nerveuses aussi bien avec le modèle animal sain qu'avec les animaux présentant une cornée endomagée (brûlure chimique). En outre ces hydrogels présentaient non seulement des propriétés optiques adéquates, mais aussi une bonne perméabilité au glucose et à l'albumine (Liu et al., 2009). En 2010 McLaughlin et collaborateurs ont réalisé un implant de collagène-MPC dans toute l'épaisseur cornéenne de cochons d’inde. La régénération nerveuse a été obtenue dans les 8 mois suivant l'opération et le tissu cornéen reconstruit grâce à la croissance des cellules dans l'implant (McLaughlin et al., 2010).

A ce jour, seules des cornées artificielles de collagène III humain recombiné et réticulé avec de l'EDC ou du NHS ont été testées sur l'humain. En Suède, une étude de greffe lamellaire a été menée sur 10 patients. Après 24 mois, il y avait eu régénération de l'épithélium et croissance dans l'implant des cellules stromales. Une croissance partielle des nerfs a également été constatée (Fagerholm et al., 2010)

Torbet et al. (2007) ont également mis au point un scaffold avec des lamelles orthogonales de collagène aligné et orienté magnétiquement.

Tanaka et al. ont également réussi à obtenir une cornée artificielle stratifiée avec, comme principal composant, du collagène I (Figure 1-29). Les différentes lamelles (2 à 5 µm d'épaisseur) assemblées sont obtenues par du "flow-casting" orienté (Tanaka et al., 2010). Ainsi, les fibrilles d'une lamelle vont dans une direction perpendiculaire à celles de la lamelle adjacente. L'ensemble possède une bonne transparence grâce à plusieurs cycles de vitrification et de réticulation avec de l'EDC et du NHS (Figure 1-30). Ce système permet également d'avoir des propriétés mécaniques supérieures à la cornée humaine.

44 Figure 1-29 : Caractérisation structurale de 20 couches de collagène après un traitement de clarification optique. Coupes des couches stratifiées de collagène avec les directions parallèles (A, C, E, et G) et perpendiculaires (B, D, F et H). A et B : image en lumière polarisée de coupes gelées. C et D : imagerie SEM. E et F : images TEM à faible grandissement. G et H images TEM à fort grandissement (figure tirée de Tanaka et al., 2010).

Figure 1-30 : A et B : schéma expliquant la formation des couches de fibrilles orientées par flow-casting. (A : laminage parallèle, B : laminage orthogonal). C : la taille est contrôlée par le nombre de couches ajoutées. (Tanaka et al., 2010)

45 Le procédé de fabrication de cornées artificielles à partir de collagène développé par Calderon-Colon et al. comporte principalement trois étapes : une gélification suivie d'une vitrification puis une réhydratation. Ils obtiennent une transparence de 85% et un module d'Young de 12MPa (Calderon-Colon et al., 2012). Les molécules de collagène réticulent pendant la vitrification durant un processus d'auto-assemblage illustré par la Figure 1-31.

Figure 1-31 : Réticulation du collagène durant la vitrification. On voit l’impact du temps de vitrification sur la microstructure. (Calderon-Colon et al., 2012)

Les paramètres de synthèse ont une grande influence sur la structure du système et la densité des fibrilles. Concernant la transparence, le paramètre déterminant est la taille des fibrilles et l’homogénéité du matériau (homogénéité dans le diamètre des fibrilles et dans l’interdistance) ainsi que la quantité d’eau. Le temps de vitrification est un paramètre important car plus il est grand, plus le matériau obtenu est transparent. Cela est sans doute dû au fait que l'espace inter-fibrillaire devient plus régulier et plus proche de celui de la cornée. Une autre possibilité est que l’indice de réfraction des fibrilles devienne plus proche de celui de l’eau. Dans ce système les matériaux les plus transparents sont ceux avec les fibrilles dont le diamètre moyen est le plus grand, soulignant ainsi l’importance de l’homogénéité ou la correspondance des indices de réfraction. La température de vitrification est également importante. Une température plus élevée entraîne une accélération de la réticulation et donc un matériau plus dense. Plus récemment, une cornée artificielle obtenue à partir d'écailles de poisson (Tilapia) a été proposée comme support à la régénération du tissu cornéen (van Essen et al., 2016). Les écailles, composées de collagène de type I et organisées d'une manière semblable à la cornée (Okuda et al., 2007), sont décellularisées, décalcifiées et passées sous irradiation

46 gamma. Les matrices alors obtenues faisaient environ 1 mm de diamètre pour 0,25-0,5 mm d'épaisseur. Les résultats obtenus ont montré la bonne adhésion et la bonne prolifération des cellules épithéliales à la surface ainsi que la biocompatibilité des matrices (Figure 1-32). Les cellules expriment également le bon phénotype.

Figure 1-32 : Prolifération des cellules épithéliales des deux côtés de l'écaille, (van Hessen et al., 2016).

En outre les essais menés in vivo sur des lapins se sont avérés plutôt concluants malgré la présence de quelques scarifications à proximité de l'implant. L’implant s'est révélé stable et n'a pas engendré de réponse immunitaire mais l’auteure ne précise pas sur quelle durée.