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Cornées artificielles déjà utilisées ou en essai clinique

1 Introduction - Etat de l'art

1.3 Etat de l'art : cornée artificielle

1.3.1 Cornées artificielles déjà utilisées ou en essai clinique

Les cornées artificielles aujourd’hui utilisées sont totalement synthétiques et destinées à remplacer la partie opacifiée de la cornée. Les premiers dispositifs faits de matériaux rigides entraînaient des opérations complexes et les complications étaient très nombreuses, allant de l’extrusion au glaucome en passant par des infections. La rigidité, l’impossibilité pour les nutriments et l’oxygène de diffuser, ainsi que la faiblesse de la bio-intégration, sont également liées aux nombreux échecs. En plus de la transparence, d’un indice de réfraction adéquat et de propriétés mécaniques permettant d’assurer la fonction de barrière, des propriétés telles que la perméabilité aux nutriments et à l’oxygène, nécessaires pour la survie des cellules alentours, ainsi que la capacité à être colonisé par les cellules stromales de l’hôte sont primordiales pour une bonne intégration et pour éviter une inflammation (Hicks et al., 2002; Griffith et al., 2002). Il faut en outre éviter la vascularisation et l’opacification, synonyme d’une importante réponse inflammatoire conduisant à la biodégradation ou à la calcification du substitut cornéen. Dès 2001, Chirila développa un système basé sur une ceinture flexible, contenant des pores interconnectés de diamètre compris entre 10 et 30 µm, entourant une partie centrale transparente (Chirila, 2001). Le fait que la ceinture soit poreuse permet aux fibroblastes de croître et à la MEC de se déposer d’une manière similaire à ce qui a lieu dans le processus de cicatrisation pour permettre un meilleur ancrage du système

38 (Trinkaus-Randall, 2000; Griffith et al., 2002, 2005). La détérioration des tissus de la ceinture et l’extrusion de la cornée artificielle sont les principales causes des échecs liés à cette technique. En 2001, Kahn et al. proposent de recouvrir l’implant avec du tissu autologue (Kahn et al., 2001). La surface postérieure de l’implant devait alors inhiber l’attachement cellulaire dans le but d’empêcher la formation d’une membrane fibreuse opaque, autre inconvénient notable (Griffith et al., 2002). La nécessité de recouvrir la face antérieure de la cornée artificielle par une couche de cellules épithéliales confluentes a en revanche été moins étudiée. Cela est supposé améliorer la stabilité à long terme de l’implant, éviter l’infection bactérienne et protéger l’épithélium de la décroissance cellulaire (Griffith et al., 2002, 2005). L’optique centrale, en plus d’être transparente, possède un indice de réfraction similaire à celui de la cornée normale. L’utilisation de systèmes très hydrophiles comme les hydrogels de poly(2-hydroxyméthyl méthacrylate) (pHEMA) a permis de résoudre les problèmes d’extrusion, d’inflammation et de réactions immunitaires bien que des problèmes de calcification aient été signalés (Viyjazekaran et al., 2000). Des essais cliniques menés sur AlphaCor Kpro (Crawford et al., 2002) ont montré que le système, d’épaisseur cornéenne, était bien intégré dans la cornée grâce au recrutement de fibroblastes dans la partie périphérique de l’implant mais il n’y a pas eu de colonisation cellulaire sur la face antérieure du pHEMA. Il n’y a pas d’informations quant à la croissance de nerfs.

AlphaCor Kpro a été utilisé comme une alternative à la greffe de tissus de donneurs sur des patients pour qui une greffe classique présentait un risque d’échec trop élevé. Un certain nombre d’études ont décrit l’implantation de AlphaCor Kpro sur des patients avec diverses maladies (Hicks et al., 2002, 2003, 2005; Crawford et al., 2005) ce qui a permis de déceler différents problèmes comme une faible bio-intégration ou la formation d’une membrane « retroprosthetic » et une baisse des propriétés optiques (Hicks et al., 2003, 2006).

Une autre cornée artificielle a été beaucoup étudiée : la Boston Kpro (Figure 1-28) développée à l’origine par Dohlman-Doane (Doane et al., 1996).

39 Figure 1-28 : Schéma de la Boston Kpro

Il est devenu ensuite admis qu’il fallait que l’épithélium puisse se développer sur le système afin d’éviter les infections et extrusion (Sweeney et al., 2003). Les matériaux alors utilisés (PMMA, PVA, pHEMA) pour les cornées artificielles ne permettant pas l’adhésion cellulaire, des améliorations ont été apportées pour optimiser la capacité des cellules épithéliales à adhérer et migrer sur la surface. C’est ainsi que du collagène, de la fibronectine, de la laminine ou des peptides tels que RGD, IKVAV ont été greffés à la surface des cornées artificielles (Kobayashi & Ikada, 1991; Merrett et al., 2001; Wallace et al., 2005). La présence de ces protéines semble, in vitro, déclencher la sécrétion par les cellules de protéines de la MEC et la formation de complexes d’adhésion afin de créer une nouvelle membrane basale (Sweeney et al., 2003). La porosité ainsi que la topographie influencent également la colonisation cellulaire.

Des études montrent que la croissance des cellules épithéliales et leur adhésion étaient fortement améliorées en attachant un peptide (FAP) à de la laminine ou à de la fibronectine grâce à des chaînes de polyéthylène glycol (PEG) (Jacob et al., 2005; Wallace et al., 2005). Dans d’autres études, des dépôts à base de fibronectine RGD (Bruining et al., 2002), de laminine YIGSR (Merrett et al., 2001) et de peptide collagènique Gly-Pro-Nleu (Johnson et al., 2000) ont aussi montré l’amélioration de l’adhésion des cellules épithéliales.

Une autre manière d’améliorer « l’épithélialisation » consiste à utiliser des facteurs de croissance en particulier l’EGF (epidermal growth factor) qui stimule fortement la prolifération et la migration des cellules épithéliales. Il est également présent dans le processus de cicatrisation. Il a été montré que l’EGF lié de façon covalente à un substrat de PDMS via du PEG améliore significativement la colonisation du polymère (Klenkler et al., 2005). En outre les cellules sur les surfaces présentant de l’EGF produisent beaucoup plus de protéines de la MEC, nécessaires pour une bonne adhésion cellulaire. Le TGFβ, en raison de sa capacité à inhiber la croissance des cellules épithéliales au profit de la prolifération des cellules stromales, a été également utilisé. Cependant les résultats obtenus in vitro furent opposés à ce qui était attendu. La croissance des

40 kératocytes était inhibée alors que les cellules épithéliales proliféraient à la surface. Ceci met en exergue la complexité des interactions cellules-facteurs de croissance (Merrett et al., 2003). En 2001, Kim et collaborateurs publient une recherche montrant, à la fois in vitro et sur le lapin, la diminution de l’adhésion de kératocytes et de cellules inflammatoires à la surface d’un implant de PMMA sur lequel a été greffé du PEG (Kim et al., 2001).

La perméabilité à l’oxygène et aux nutriments est également une nécessité pour assurer le succès des implantations des cornées artificielles. Une étude menée par Liu et Sheardown en 2005 a montré qu’un réseau interpénétré de PDMS et d’hydrogel présentait une perméabilité au glucose proche de celle que possède une cornée humaine normale (Liu & Sheardown, 2005).

En 2005, Jacob et collaborateurs ont couplé des peptides d’adhésion cellulaire et diverses cytokines à du pHEMA/MAA (Jacob et al., 2005). Différents facteurs comme la fibronectine, la laminine, de l’IGF-1 ou le peptide RGD ont été utilisés afin de comparer leurs effets sur l’adhésion et la croissance des cellules épithéliales lorsqu’ils sont soit directement greffés sur la surface soit attachés via du PEG. Il a ainsi été montré que les molécules de PEG offraient un microenvironnement favorable pour les cellules épithéliales, celles-ci croissant jusqu’à la confluence, alors que très peu d’entre elles ont proliféré sur les surfaces où les facteurs étaient directement greffés.

En 2008, Myung et collaborateurs développèrent une cornée artificielle comprenant un double réseau de PEG et de PAA (poly(acrylic acid)) entouré par une ceinture de PHEA micro-perforée (Myung et al., 2008). Couplé à du collagène de type I, ce système a permis une bonne couverture de la surface par les cellules épithéliales in vitro et sur le lapin (Myung et al., 2009).