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SECTION I : L’état du marxisme en France avant et après

Chapitre 1 : Le marxisme en France avant et après la Révolution

1. Le marxisme en France avant

Qu’est-ce qu’était donc le marxisme français d’avant 1917 (ou plutôt 1914) ?

Sur le plan historique il y a un problème à considérer quels étaient les conditions spécifiques de l’implantation du marxisme en Żrance et quels étaient les présupposés historiques et intellectuels de la naissance du PCF.

Daniel Lindenberg38 dans son livre Le marxisme introuvable se donne la tâche d’explorer non seulement l’histoire du marxisme en Żrance, mais le non-dit du marxisme. Donc, il s’agit pour lui de lier l’implantation du marxisme avec l’idéologie française, mais aussi de rattacher le destin du marxisme au sort des intelectuels de gauche qui y ont adhéré. Lindenberg appelle la première période du marxisme français, entre 1887 et 1914 (le début de la première guerre mondiale), la période de vulgarisation. Il souligne d’ailleurs que l’histoire du marxisme en Żrance avait un caractère fondamentalement discontinu, « faite de ruptures, d’oublis et de résurgences. »39

Lindenberg est convaincu que la Żrance à travers ses intellectuels et ses militants-ouvriers n’a connu le marxisme que dans sa forme la « plus tératologique : l’idéologie bolchevique-soviétique ».40Il va jusqu’à affirmer que le marxisme en Żrance a été « mort-né, et sa mort-naissance se rejoue, tel un psychodrame rituel, à chaque génération. ».41

Lindenberg affirme que le marxisme en Żrance a vécu « une vulgarisation de 1887 à 1914 à un niveau très médiocre par le guesdisme, contemporain d’un refoulement (dont le grand agent est Durkheim, relayé au plan politique par Herr, père de l’idéologie réformiste française), et une tentative de passage à l’offensive , qui fonctionne au niveau pratique dans certains aspects du syndicalisme d’action directe, et dont la grande figure méconnue est George Sorel. »42

38Daniel Lindenberg (né en 1940) est un historien des idées français. Aux années 1960 il adhéra à l’Union de

étudiants communistes. Ensuite, il rompu avec le marxisme et devint historien des idées.

39 Daniel Lindenberg, Le marxime introuvable, Paris, Calmann-Lévy, 1975, Coll. 10,18, 318 p., p. 14 40 ibidem, p. 10 41 ibidem, P. 25 42 ibidem p. 15

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Les historiens indiquent que bien que dans les années 1880 les socialistes français étaient repartis en différents groupes et que leur poids politique n’était pas encore important, leur conviction révolutionnaire était puissante. Cependant il ne s’agissait pas encore de réunification de ces cercles en un parti unique. M. Winock constate la très grande diversité et la tardive

unification du socialisme en France. 43

« Au début du XXe siècle, - écrit Stéphane Courtois, la gauche française repose sur deux composantes majeurs : un mouvement socialiste et un mouvement syndicaliste. Le premier a été longtemps déchiré entre diverses tendances, les unes révolutionaires, autour du marxiste Jules żuesde et de son Parti ouvrier français, et du blanquiste Édouard Vaillant et de son Comité central révolutionnaire, devenu Parti révolutionnaire français, les autres plus réformistes, autour de l’ancien communard Jean Allemane et de son Parti socialiste ouvrier révolutionnaire, ou de personnalités indépendantes comme Lucien Herr et Jean Jaurès, tous deux fortement impliqués dans la défense du capitaine Dreyfus. »44

C’est à la réunification du courant socialiste et du courant syndicaliste sous la direction de l’Internationale socialiste que naîtra en 1904 un Parti socialiste unique, la section française de l’Internationale Ouvrière (SŻIO).

On voit ainsi se constituer au cœur du mouvement marxiste en Żrance, un parti révolutionnaire, bâti par Jules żuesde.

D. Lindenberg dit avec raison que l’apparition du guesdisme est comparable avec l’émergence des mouvements marxistes dans d’autres pays, par exemple les organisations bâties par Plekhanov en Russie ou Andréa Costa en Italie. Ces marxismes prétendaient prendre la place de l’idéologie religieuse et s’enrichissaient largement du darwinisme et du positivisme. De surcroît, le marxisme français de l’époque, selon la réflexion de Lindenberg, était plutôt un social-darwinisme ou un positivisme. En d’autres termes, la pénétration du marxisme était relativement faible par rapport à la tradition républicaine, qui comportait un certain messianisme la rapprochant des ideés marxistes.

Les historiens Courtois et Lazar, eux aussi, parlent de la faiblesse de la pénétration de la théorie marxiste en Żrance et critiquent le guesdisme:

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Voir M. Winock, Le socialisme en France et en Europe, p. 74-75

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« Le guedisme avait été le diffuseur patenté des idées de Marx et Engels, rêvant de suivre en Żrance l’exemple de la social-démocratie allemande. Il s’agissait d’un marxisme très dogmatique, que n’enrichirent guère żuesde et ses amis. Jaurès intégra du marxisme ce qu’il estima le plus important, l’analyse économique du capitalisme, sans renoncer à l’humanisme républicain qui avait été sa première culture politique. »45

D’ailleurs, le rapport de Jules żuesde au marxisme était complexe et controversé. Par exemple, Lindenberg affirme dans son livre que le but de żuesde n’était pas de développer la théorie marxiste. Le guesdime selon Lindenberg se basait sur deux principes qui ne sont pas emprunté à Marx, ni à Blanqui, mais à Lassalle : la loi d’airain des salaires (loi économique proposée par Lassalle qui met en dépendance la hausse démographique et la dynamique des salaires) et la loi de la révolution automatique « qu’on ne fait pas, mais qui se fait ».46

En 1871 J. Guesde soutenait la Commune de Paris. Pendant son séjour à Milan, żuesde a pris contact avec l’Association internationale des travailleurs (la Première Internationale) fondée par Marx. Après son retour en Żrance, żuesde dirige, avec P. Lafargue, le gendre de Marx, la rédaction du journal l’Égalité qui diffusait des idées qui se voulaient marxistes. żuesde a aussi initié l’édition des oeuvres de Marx et Engels en Żrance.

La sélection des ouvrages de Marx et Engels traduits et diffusés par les guesdistes en Żrance n’était pas exhaustive. Lindenberg n’indique que cinq ouvrages classiques traduits par eux vers 1895.

żuesde avait le projet de créer un parti centralisé et révolutionnaire. En 1878 a été organisée la Żédération du parti des travailleurs socialistes en Żrance, qui a connu sa première scission en 1881, lorsque les blanquistes, avec E. Vaillant, ont créé le Comité révolutionnaire central. En 1882, lors du congrès de Saint-Étienne a eu lieu la seconde scission, qui a opposé les proudhoniens (les « possibilistes ») de P. Brousse aux marxistes, avec J. Guesde et P. Lafargue en tête, qui ont alors créé le Parti Ouvrier Żrançais (POŻ). A la fin du XIXesiècle, Jules żuesde fut souvent considéré comme un organisateur d’un parti révolutionnaire et pourrait être comparé à Lénine. Le Parti ouvrier bâti sur la discipline de fer avait, selon Lindenberg, le seul but « de constituer un lobby ouvrier puissant, capable de défendre les intérêts matériels des travailleurs. »47

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ibidem, p. 80

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Lindenberg, op. cit., p. 77

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Il est intéressant de mentionner que J. żuesde n’a pas prêté beaucoup d’attention à l’affaire Dreyfus, et qu’il n’a pas rejoint activement le camps des dreyfusards comme plusieurs intellectuels de gauche l’ont fait. Ce comportement a été la raison de sa rupture avec P. Lafargue qui s’impliquait avec ferveur dans la cause des dreyfusards.

Les guedistes voulaient être considérés par tout le monde comme les seuls représentants du marxisme en Żrance. Néanmoins, avant la naissance du PCŻ il y avait plusieurs « sectes » socialistes, et chacune « a possédé son marxisme »48. L’évolution du guesdisme tendait vers le parlementarisme. J. Guesde lui-même voulut devenir un pédagogue des masses, puis un député de l’opposition. Lindenberg caractérise le guesdisme comme un « marxisme imaginaire », comme « un jacobinisme ouvrier »49, qui était à la recherche d’une couverture doctrinale. Le marxisme d’ailleurs avait d’autres voies de diffusion importantes : par le Parti allemaniste et les syndicats.

Nous ne voulons pas, bien sûr, polémiquer avec ceux qui, comme Lindenberg, critiquaient – et sans doute avec raison - le « guesdisme » qui mélangeait le marxisme avec d’autres théories socialistes (« le collectivisme », etc.) et aboutit au socialisme parlementaire, mais aussi aux tendances « antisyndicalistes » en 1911, « bellicistes » en 1914 et « anticommunistes » en 191750. Notons tout de même que le rapport à la révolution chez Marx et Engels eux-mêmes est compliqué et qu’il a évolué au cours de l’histoire. Ainsi, en parlant de la révolution elle-même, Engels a admis dans les années 1880 que la lutte électorale, pacifique, était à l’ordre du jour, et non les barricades, et que grâce au suffrage universel, les ouvriers pouvaient prendre le pouvoir.

Les guesdistes contrôlèrent la Żédération nationale des syndicats pendant plusieurs années et voulurent subordonner le syndicat au parti. Ils avaient d’ailleurs des rivaux : les « possibilistes » de Paul Brousse. La vocation profonde du guesdisme, comme le dit A. Kriegel, était de constituer une contre-société avec toutes ses organisations alignées (syndicats, coopératives etc) et de se comparer aux modèles allemands et belges, ce qui n’a réussi que dans une seule région – dans le Nord51

. En 1890-1891 s’organise le Parti Ouvrier Socialiste- Révolutionnaire allemaniste qui défend l’idée de la grève générale comme instrument révolutionnaire.

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Lindenberg, op.cit. p.121

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ibidem p. 135 (en italique dans le texte)

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Voir ibidem

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En 1893 les divers partis socialistes obtiendront une cinquantaine de sièges à la Chambre des députés. Le chef du socialisme parlementaire était Jean Jaurès. Le guedisme perd alors ses attributs révolutionnaires et commence à s’intégrer au Parti républicain. żuesde affirme que « réformes et révolution n’étaient pas incompatibles et que, sur l’exemple allemand, le suffrage universel pouvait devenir l’outil de l’émancipation ouvrière. »52

C’est pendant le Congrès de Londres de 1896 qu’apparaîtront deux courants opposés face au problème de l’action politique. D’un côté se trouvent les syndicalistes, les anarchistes et les allemanistes, qui sont pour la lutte des classes et l’action révolutionnaire directe du prolétariat sans intermédiare d’un parti, et qui sont aussi des partisans de l’organisation syndicale et de l’autre côté il y a les socialistes qui, comme żuesde et Jaurès, optent pour le parti comme instrument décisif de la révolution sociale.

L’histoire des deux branches du socialisme français (le mouvement socialiste et le mouvement syndicaliste)est différente de celle des mouvements ouvriers du Centre et du Nord de l’Europe. L’histoire du socialisme français, faiblement influencée par le marxisme, mais attachée à l’idée républicaine, aboutit à la création en 1904 d’un parti politique, un parti parlementaire, plutôt qu’un parti ouvrier, tandis que la Confédération żénérale du Travail (CżT) « reprend le flambeau révolutionnaire» de l’action directe.

. Le marxisme français face à la guerre mondiale et à la Révolution russe de Février 9

Le marxisme français au début du XXesiècle s’était trouvé face à la guerre mondiale et à la révolution russe. Ces deux événements historiques qui ont été liés entre eux par un lien complexe, ont contribué à la « scission » des marxistes en deux camps. On peut se demander si dans le marxisme ont existé des présupposés pour ce genre de scission, autour de la question de la guerre impérialiste. Il est connu que Marx et Engels ne restaient pas silencieux face aux guerres, prenant fait et cause celles qui représentaient le progrès historique en faveur de la victoire future de la classe ouvrière. Dans ce sens ils soutenaient les révolutions bourgeoises contre le féodalisme. Dans le Manifeste communiste, Marx et Engels ont jetté les fondements de la compréhension systématique de la lutte des classes. Marx et Engels s’appuyaient sur l’internationalisme du prolétariat et y déclaraient que le capitalisme est son propre fossoyeur. Donc, la conclusion de Lénine que la guerre mondiale est engendrée par la lutte des classes et

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qu‘il est temps pour le prolétariat mondial de s’armer contre le capital semble logique. Cependant, ces thèses n’impliquent pas nécessairement ni le défaitisme léniniste, ni le patriotisme socialiste. Ces deux visions sont apparues face à un événement historique réel, grâce à la réaction des intellectuels à cet événement et ne résultent d’aucune théorie marxiste.

Lénine affirmait que l’impérialisme, - et, donc, la guerre mondiale, - a été « le prélude de la révolution sociale du prolétariat. »53 A la différence de la majorité des socialistes français, allemands, russes (p.ex. Plekhanov), etc., qui se sont prononcés pour la défense de leurs pays, Lénine soulignait le caractère de classe de la guerre mondiale. Dans l’ouvrage intitulé

« L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », écrit en 1916, mais édité en 1917, il montre

que la guerre mondiale est la suite objective du développement du capitalisme financier, du partage du monde qu’il provoque et de la redistribution des richesses.

Lénine écrit :

« [...]la guerre de 1914-1918 a été de part et d'autre une guerre impérialiste (c'est-à-dire une guerre de conquête, de pillage, de brigandage), une guerre pour le partage du monde, pour la distribution et la redistribution des colonies, des "zones d'influence" du capital financier, etc. […]la preuve du véritable caractère social ou, plus exactement, du véritable caractère de classe de la guerre, ne réside évidemment pas dans l'histoire diplomatique de celle-ci, mais dans l'analyse de la situation objective des classes dirigeantes de toutes les puissances belligérantes. 54»

Les socialistes français ont été surpris par le début de la première guerre mondiale. Le rapport des socialistes envers la guerre a subi un brusque changement : le 14 juillet 1914 la SFIO était en train d’adopter une motion contre la guerre, le mouvement ouvrier étant antimilitariste et internationaliste. Mais après le déclenchement de la guerre, les socialistes français, comme dans la plupart d’autres pays, ont rejoint les rangs de l’Union sacrée. Cela s’explique surtout par le fait que les citoyens des États de l’Europe ont été élevés dans un esprit patriotique. L’Europe de l’époque gardait les traits d’une vieille civilisation morale avec l’héroïsme militaire considéré comme la principale vertu civique55.

53 Lénine. L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Préface aux éditions française et allemande, V. Lénine

Œuvres P-M, t.22, pp. 201-327, Œuvres choisies, p. 677

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ibidem

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Cependant dès l’hiver 1914-1915, la guerre qui « avait été annoncé courte et facile... se révélait longue et très meurtrière »56, et lors du Congrès de la SŻIO en décembre 1915, la minorité des socialistes opposée à la guerre conteste la seule responsabilité des capitalistes allemands. Une conférence destinée à coordonner toutes les actions dans tous les pays pour la paix se réunit à Zimmerwald du 5 au 8 septembre 1915. Mais Lénine parle déjà en août 1915 de la faillite de la IIe Internationale et de la situation révolutionnaire avec cette formule, devenue

célèbre : « Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas, habituellement, que la « base ne veuille plus » vivre comme auparavant, mais il importe encore que « le sommet ne le puisse plus»57

Mais il n’est pas seulement un socialiste-pacifiste, un tolstoïen, à la manière de Pierre Monatte58et d’autres. Le but final de Lénine est de voir la guerre impérialiste se transformer en guerre civile et en révolution mondiale. Les conditions pour une telle transformation sont déjà forgées au sein de la guerre, qui oppose les classes en donnant aux opprimés l’arme de l’expérience et de l’instruction, qui lui permet de combattre les oppresseurs. Cette aspect de la guerre, selon Lénine, n’était pas compris par les leaders de la IIe Internationale.

« L'expérience de la guerre, comme aussi l'expérience de chaque crise dans l'histoire, de chaque grande calamité et de chaque tournant dans la vie de l'homme, abêtit et brise les uns, mais par contre instruit et aguerrit les autres, et, dans l'histoire mondiale, ces derniers, sauf quelques exemples isolés de décadence et de ruine de tel ou tel État, ont toujours été en fin de compte plus nombreux et plus forts que les premiers »59

Au premier abord, il semble que Lénine défend ici l’idée que la lutte contre la guerre est étroitement liée à celle du renversement du système capitaliste. Quoi d’autre pourrait inspirer les propos de J. Jaurès tels que le « capitalisme porte en lui la guerre comme la nue dormante porte l’orage », ou ceux de J. żuesde comme « la guerre sort du capitalisme comme les épidémies du delta du Gange »60? D’ailleurs, J. żuesde lui aussi, croyait que la guerre est la mère de la révolution, mais c’est pour cette raison qu’il a adopté les positions patrioriques et voté pour l’Union Sacrée.

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Courtois, Lazar op. cit. p. 27

57Lénine, La faillite de la Deuxième Internationale, sept. 1915 , Le Communiste, Editions Sociales 1953, p.17 La

même pensée « C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer à vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher.» Lénine La maladie infantile communisme Editions du Progrès, Moscou, 1982

58 Pierre Monatte (1881-1960) est un syndicaliste français. Il fut un des responsables de la CżT, mais il démissionna

en 1915 en s’opposant à la Première żuerre mondiale. En 1923 rejoint le PCŻ, mais il est exclu(« purgé ») en 1924.

59 Lénine, La faillite de la I

Ie Internationale, Lénine Œuvres, Paris-Moscou, t. 21, pp. 207-266, cité par Lénine, La Żaillite de la II Internationale, Moscou : Editions Sociales, Editions du Progrès, p. 20, 94 p.

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Cela signifie qu’un ouvrier ou un paysan qui va à la guerre devait penser trahir sa classe, ce qui n’était pas le cas, car le sentiment national prévalait à l’époque sur celui de classe. Il ne faut pas oublier que dans Le Manifeste du parti communiste on affirme que les ouvriers n’ont pas de patrie. Quant aux propos de Lénine, il s’agit sans doute d’un programme défaitiste des bolcheviques, qui ne voient aucune chance pour l’installation des institutions démocratiques en Russie, sans un bouleversement radical de tout le système social et économique, et ne regrettent aucunement les défaites militaires de la Russie.

Les historiens de droite, comme Żuret, sont enclins à présenter la Révolution d’Octobre seulement comme la prise du pouvoir par les bolcheviques, sans parler de la lutte des classes, des processus objectifs qui y ont conduit. En premier lieu vient donc la question idéologique très discutable de l’état du pays d’avant la révolution, sur les plans national et social. Ces analyses sont souvent assez partiales, car ces historiens ne s’efforcent pas de rendre compte du contenu de la révolution, elles ne sont pas guidées par la question du sens de la révolution, du projet d’émancipation, du marxisme, etc.

« Les traits essentiels de la révolution russe, - écrit Żuret, - s’expliquent par l’effondrement national et social qui en forme le cadre, et qui est lui-même une conséquence de la désintégration des forces armées. De Żévrier à Octobre, aucun homme, aucun parti ne parvient à maîtriser l’anarchie; de crise en crise, le pouvoir dérive toujours plus à gauche, jusqu’à ce que les bolchévicks le ramassent dans les rues de Saint-Pétersbourg à l’automne. »61

Nous allons revenir aux raisons de l’échec de la IIeInternationale, à la position de Lénine,

aux premiers partisans et aux premiers critiques de la Révolution d’Octobre en Żrance dans les paragraphes qui suivent. Ce qui importe pour nous dans la partie historique, c’est de montrer quelles forces et quelles idées ont amené les socialistes à la création d’un parti communiste français, et quel rapport cela avait avec les événements en Russie.

. Le marxisme en France face à la Révolution d’Octobre

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Pour revenir à la situation en Żrance, on voit que la Żrance, comme le montre bien Lindenberg, devient un pays de mission pour le marxisme vers 1920. Lindenberg parle de la reception du marxisme dans le milieu ouvrier aussi bien que dans le milieu intellectuel, en