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Partie V : Discussion générale et perspectives

II- 1-3-1 les marqueurs isotopiques

Il s’agit pour cette méthode d’analyse des isotopes stables d’éléments légers de C, H, N et O. Cette méthode est utilisée depuis longtemps dans les domaines de la physique, de la géologie, et bien d’autres. Hobson et Norris (2008) rapportent que c’est la publication de Rundel et al. (1988) qui constitue l’un des premiers ouvrages en écologie mettant en application l’utilisation des isotopes stables dans les domaines des sciences de l’écologie et des sciences environnementales. Cette méthode se base sur le principe de variation du ratio des isotopes stables d’un élément en fonction des précipitations (isotopes stables d’hydrogène, δ H), du type photosynthétique de la plante hôte (isotopes stables de carbone, δC) et d’autres facteurs environnementaux. L’utilisation de cette méthode pour l’analyse de la dynamique des populations dans le domaine de l’écologie repose sur l’analyse des tissus organiques qui une fois générés ne sont plus (ou très peu) sujets au métabolisme général de l’organisme et donc conserve une signature isotopique liée à leur origine géographique ou trophique en fonction de l’isotope stable analysé. Chez les insectes, les ailes et la chitine sont utilisées pour ces analyses qui permettent de connaître l’origine trophique et géographique des larves (Gould et al. 2002). Les valeurs d’isotopes stables d’hydrogène sont calculées suivant cette formule décrite par Werner et Brand (2001):

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où « X » représente l’élément chimique analysé (C, H, N…), « R » correspond au ratio entre la masse de l’élément considéré (2H/ 1H, 13C/ 12C, 15N/14N …) et la valeur « δX » représente le ratio de la masses d’isotopes de l’élément considéré par rapport à un ratio standard (Rcontrol) pour mile

a) Les isotopes stables d’hydrogène (δH: Deutérium et Protium).

Les données d’isotopes stables d’Hydrogène sont utilisées généralement pour les études de migration aussi bien chez les insectes que chez d’autres animaux. Bien que ce soit généralement les isotopes Protium (1H) et Deutérium (2H) qui sont le plus souvent rencontrés dans la littérature pour les études de migration, il existe un 3éme isotope d’hydrogène très peu utilisé en raison de sa rareté: le tritium (ou Hydrogène3) (Gurov et al. 2004). Pour les études de migration des insectes, le ratio 2H/ 1H (δ H) obtenu des ailes est analysé et corrélé à celui de l’eau de précipitation des points géographiques spécifiques. L’origine géographique des populations d’insectes est alors déterminée en superposant les valeurs de δ H obtenues des ailes des insectes à celles obtenues de l’eau de précipitation. Pour améliorer la précision des résultats, il est nécessaire de mesurer au préalable le fractionnement isotopique ; en effet, il existe une différence entre le ratio isotopique (δ H) obtenu des ailes ou chitine des insectes et le ratio isotopique de l’eau de précipitation. Cette différence représente le fractionnement isotopique qui est constant pour une population.

Depuis une vingtaine d’année, cette méthode connait un essor dans l’étude de la migration des populations. Dans la littérature plusieurs études utilisent les isotopes stables d’hydrogène pour comprendre les déplacements des populations d’insectes. Notamment, Wassenaar et Hobson (1998) ont déterminé en analysant les isotopes stables d’Hydrogène, les différentes étapes de la longue migration saisonnière des monarques (Danaus plexippus) du Mexique vers le Nord de l’Amérique. En France, Ouin et al. (2011) ont également utilisé les valeurs d’isotopes d’Hydrogène pour déterminer l’origine géographique du syrphe (Episyrphus balteatus), un auxiliaire prédateur de pucerons des céréales.

L’analyse des isotopes stables d’Hydrogène est l’un des outils les plus précis pour l’étude de la migration des populations d’insectes. En effet, les variations des valeurs d’isotopes d’Hydrogène (Fig. 19) sont connues et régulières à travers le globe terrestre et dépendent de la latitude à laquelle les éléments se sont formés dans l’atmosphère (Bowen et al. 2005a). Donc, pour un point latitudinal donné, la variation d’isotope d’H est fixe. Cependant, cette méthode

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connait des limites. Les déplacements de courtes distances ne peuvent pas être analysés en utilisant les isotopes stables d’hydrogène. En effet, si les individus se déplacent sur des distances latitudinales relativement courtes où la variation entre les valeurs isotopiques est fiable, la méthode est inefficace (Ouin et al. 2011). De plus, le coût des analyses élevé peut être une contrainte pour des études. Hobson et Wassenaar (2008) ont également relevé un problème d’échange des atomes d’hydrogène ; en effet, même si le rapport isotopique mesuré ne peut varier dans les tissus inertes analysés, il existe quand même des proportions échangeables avec la vapeur d’eau ambiante ; ceci pourrait apporter des biais pour l’analyse des résultats. Cette variation est également applicable aux produits standards, il s’avère compliqué de trouver des standards dont les valeurs de δH ne varient pas, entre les laboratoires, du fait d’une variation de δH de la vapeur d’eau ambiante.

La partie II-2 de cette partie de la thèse présente une étude sur la mise au point méthodologique des isotopes stables d’hydrogène sur un échantillon d’individus Helicoverpa armigera piégé entre le Sud et le Nord du Togo, en Afrique de l’Ouest. L’objectif de vérifier l’utilisation de cette méthode pour l’analyse de l’origine géographique des populations d’ H. armigera en Afrique de l’ouest.

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b) Les isotopes stables du carbone

L’analyse des isotopes du carbone est généralement utilisée pour déterminer l’origine trophique des individus. La connaissance de l’origine trophique peut apporter des informations sur l’origine géographique. Cette méthode se base sur le principe que les plantes hôtes de type photosynthétique différent (plantes en C4, plantes en C3) laissent dans les tissus inertes (ailes, chitine) des insectes des signatures isotopiques différentes (Wassenaar et al.2000). Dans le cas des isotopes stables de carbone il s’agit du rapport des isotopes de carbone (δ C) C12 et C13 (12C/13C).

L’utilisation des isotopes stables de carbone est très répandue aujourd’hui pour comprendre le régime alimentaire des insectes et déduire leur origine trophique. La connaissance de leur origine trophique améliorerait les stratégies de lutte contre les insectes ravageurs dans les systèmes agricoles. Gould et al. (2002) illustrent bien l’utilisation des δC. Ils ont déterminé l’origine trophique des adultes de Helicoverpa zea piégés (lieu de piégeage : Louisiane et Texas). Ils montrent que les individus d’ H. zea élevés sur du cotonnier (plante de type C3) ont un rapport δC (12C/13C) différent de ceux élevés sur du maïs (plante de type C4). Après avoir déterminé qu’en octobre 100% d’individus avaient une origine trophique C4 alors que le maïs plante en C4 majoritaire était déjà récolté au moment du piégeage (octobre), ils en ont déduit que ces populations d’individus étaient des migrants, originaire du Sud (Mexique) où la végétation était encore composée de maïs à cette époque de l’année. Plusieurs études utilisent le rapport δC pour déterminer la contribution du cotonnier dans l’abondance des ravageurs du cotonnier et notamment l’importance des zones refuges par rapport au cotonnier et au maïs transgéniques (Brevault et al. 2008 ; Head et al. 2010 ; Baker et Tann. 2012). Pour ce travail de thèse, nous avons analysé les isotopes stables de carbone pour déterminer l’origine trophique des adultes d’H. armigera piégés dans le nord du Bénin. Les résultats sont présentés dans le point 4 de cette partie et dans la partie IV.

c) Les autres isotopes stables (δ N, δ O, δ S, δ Sr)

Les isotopes stables de carbone et d’hydrogène sont les plus utilisés dans les études de

migration des insectes. Outre ces isotopes, il existe d’autres isotopes stables qui sont certes moins utilisés que les isotopes stables de carbone et d’hydrogène mais qui aident aussi

à la compréhension de la migration des insectes. ce sont les isotopes stables d’azote (δ N : 15 N/14N) ; d’Oxygène (δ O : 16O/18O), de Soufre (δS : 34S/32S), de stontium (δSr :87Sr/86Sr).

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Les rapports isotopiques 15N/14N, 34S/32S et de 87Sr/86Sr comme celui du carbone renseignent sur le régime alimentaire des espèces étudiées, l’origine géographique peut être déduite par la suite. Hobson et Wassenaar (2008) caractérisent ces isotopes de spatio-locaux «local-spatial isotopes » parce que les résultats obtenus apportent aussi des informations sur les déplacements locaux des populations étudiées.

Les isotopes de O apportent comme les isotopes d’hydrogène, des informations sur l’origine géographique des espèces étudiées.

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