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Marqueurs fluorescents membranaires

Chapitre III: Méthodes d’observation

III.2 Microscopie de fluorescence

2.2 Marqueurs fluorescents membranaires

a) Phospholipides fluorescents

Des phospholipides marqués sur l’une des chaînes grasses par un fluorophore se mélangent facilement avec un phospholipide diluant, classiquement DOPC. Comme ces molécules sont de véritables phospholipides, elles peuvent être incorporées à une concentration comprise entre 1 et 10 mol% de la quantité total de lipide, sans déstabilisation de la structure en bicouche. Deux marqueurs très courants ont été testés : NBD (maxima d’absorption à 467 nm, et d’émission à 533 nm, valeurs tabulées) et pérylène. Ce dernier présente une structuration particulière de ses spectres (Figure 12).

(a) (b)

Figure 11 : (a) NBD-C6-HPC 1 ;(b) Pérylène-PC 2

Longueur d’onde (nm) 350 400 450 500 550 600 Un it é ar b itr ai re 0 454 486 510 446 420 393 1 2-(6-(7-nitrobenz-2-oxa-1, 3-diazol-4-yl)amino)hexanoyl-1-hexadecanoyl-sn-glycero-3-phosphocholine 2 1-hexadecanoyl-2-(3-perylenedodecanoyl)-sn-glycero-3-phosphocholine

Figure 12 : Spectres d’absorption (points) et d’émission (ligne continue) du pérylènePC. Le spectre d’absorption a été réalisé dans une cuve de quartz (épaisseur 200 µm) contenant 75 µL de vésicules soniquées. La montée de l’absorbance du côté des ultra-violets est due à la diffusion de la lumière par les vésicules, dont les tailles après sonication sont comprises entre 0.1 et 1 µm. Le spectre d’émission a été mesuré sur l’image d’une vésicule unique, sur le microscope à 2 photons (excitation à 740 nm).

b) Sondes (aminostyryl)pyridinium et analogues

Les dérivés du chromophore 4-(p-aminostyryl)-1-pyrydinium ont été construits à l’origine pour avoir une fluorescence qui varie en fonction d’un potentiel électrique transmembranaire : Di-10-ASP et Di-10-ASPPS (13), Di-6-ASPBS (14), et RH237 (15), qui est un analogue plus long. Par construction, ces molécules présentent un effet très fort de transfert de charge : le doublet libre de l’atome d’azote est délocalisé à travers un long système de liaisons pi conjuguées jusqu’à l’ammonium. Un tel système de groupements donneur et accepteur conjugués est appelé « push-pull ». Dans RH237, le « bras de levier électronique » comporte deux doubles liaisons supplémentaires. Non seulement ces molécules possèdent un moment dipolaire permanent, mais de plus elles sont extrêmement polarisables (voire hyperpolarisables) dans un champ électrique : externe (appliqué par des électrodes) ou interne (le champ dipolaire créé par le solvant), statique ou variable (jusqu’aux fréquences optiques). Cette grande déformabilité du nuage électronique délocalisé se traduit sur le spectre d’émission de fluorescence par des propriétés comme l’électrochromie (décalage du pic avec un champ électrique) ou la solvatochromie (variation selon la constante diélectrique).

(a) (b)

(c) (d)

Figure 13 : (a) Di-6-ASPBS 1 ; (b) Di-10-ASPPS 2 ; (c) RH237 3 ; (d) Di-10-ASP 4.

Ainsi le pic d’émission de la fluorescence est-il très sensible à la polarité du solvant. Par exemple, pour Di-10-ASPPS, on a mesuré λem=600 nm dans l’éthanol et λem=575 nm en vésicules de DOPC.

1 N-(4-sulfobutyl)-4-(4-(dihexylamino)styryl)pyridinium, synthétisé dans l’équipe de Mireille Blanchard-Desce, Lab. Synthèse et Electrosynthèse Organique UMR 6510 CNRS / Université de Rennes.

2

N-(4-sulfopropyl)-4-(4-(didecylamino)styryl)pyridinium

3

N-(4-sulfobutyl)-4-(6-(4-(dibutylamino)phenyl)hexatrienyl)pyridinium

Dans l’eau, le signal du fluorimètre était trop faible pour faire un spectre avec un bruit acceptable. Le décalage vers le bleu en milieu apolaire s’explique par une stabilisation de l’état fondamental, par rapport à l’état excité qui présente une séparation importante des charges. Par ailleurs, le niveau très bas de la fluorescence des molécules dans l’eau, comparé à celui des molécules en membrane, permet d’effectuer un titrage fluorimétrique(14). Pour une concentration globale en marqueur donnée (par exemple 1 µM), l’intensité de fluorescence est minimale dans l’eau pure (F0) et maximale quand toutes les sondes sont insérées dans des vésicules (F). Dans le cas intermédiaire, la fraction des sondes situées effectivement dans un environnement membranaire (tandis que le reste est libre en solution) est donnée par :

Eq. (3) c K c F F F Fc + = − − 0 1 0

où Fc est l’intensité de fluorescence mesurée pour une concentration massique des lipides c (mg/mL) et K la constante d’association des marqueurs avec les vésicules. Pour Di-6-ASPBS, la valeur

JP/ 10

1K = est issue du titrage fluorimétrique. Or les préparations que l’on observe couramment contiennent environ 100 µg/mL de DOPC. On estime donc à 100110≈90% la fraction des sondes fluorescentes insérées. Par ailleurs, la quantité de lipide DOPC dans les suspensions de vésicules géantes n’a pas trop varié, et peut être rapportée à une concentration molaire1 d’environ 130 µM. La plupart des images de pores transitoires et de vésicules en adhésion ont été réalisées par « marquage externe » avec 5.6 µM de la sonde Di-6-ASPBS : la concentration du colorant restant en solution est donc 0.6 µM. Sa fraction molaire dans la membrane des vésicules est estimée à 5/135≈4% de la quantité totale de lipide. Cette concentration membranaire est corroborée par un test semi-quantitatif auquel on a procédé sur la sonde Di-10-ASPPS2. Avant la préparation des vésicules, on mélange le fluorophore avec le phospholipide en solvant organique. On réalise ainsi un « marquage interne », pour deux concentrations connues du fluorophore : 1% et 4%. Dans le premier échantillon, le marquage des vésicules s’est révélé moins bon que pour une insertion externe de la même sonde à 5.6 µM. Par contre le niveau de la fluorescence est équivalent entre un mélange interne à 4% ou une perfusion externe à 5.6 µM. Pour d’autres observations, on a incubé les vésicules avec 10 µM de la sonde RH237. Comme, on ne dispose pas de valeur mesurée de sa constante d’association K avec le DOPC, on utilise la même que celle de Di-6-ASPBS. La concentration de sonde soluble doit être environ 1 µM, tandis que sa fraction molaire dans les bicouches est estimée à 9/139≈6%.

Enfin, on déplorera que la sonde Di-10-ASBPS ait été retirée du catalogue du fournisseur Molecular Probes. La molécule la plus proche encore disponible commercialement est Di-10-ASP,

1 En toute rigueur, le terme « concentration » est abusif car, le phospholipide n’est pas soluble dans l’eau.

dont les spectres d’absorption et de fluorescence sont quasi-identiques à ceux de 10-ASPPS et Di-6-ASPBS. Cependant, l’ammonium possède comme contre-ion un iodure dissocié à la place d’un groupement sulfonate attaché par liaison covalente. Insérée dans la membrane, une telle molécule portant une charge nette positive provoque une adhésion forte sur le verre. Après quelques minutes, la quasi-totalité des vésicules ont éclaté sur les parois de la cellule.