• Aucun résultat trouvé

Première partie : Le cycle culturel

Chapitre 2 : La production culturelle

1. Les médias comme moyens de diffusions des biens et services culturels

1.2. Le marché compétitif de la diffusion

L’avancement technologique et l’apparition de nouveaux modes de consommation ont complètement transformé le marché compétitif de la diffusion. Ainsi, d’une période à une autre on remarque que le marché intègre de nouveaux moyens de diffusion et exclue d’autres. C’est le cas des chaînes télévisées terrestres, qui en plus de ne pas pouvoir remplir les conditions nécessaires d’une diffusion élargie et généralisée, subissent la concurrence d’autres

165 Ibid., p. 439.

moyens plus performants comme le câble et le satellite en terme de qualité, mais également la consommation des programmes à l’unité.

Cependant, quel est l’impact de ces nouveaux modes de diffusion sur les programmes et quelle serait la réaction du consommateur ?

Afin de répondre à cette question, il est important de noter que le paiement à la carte est apparu grâce à la disposition des consommateurs à payer une somme particulière en contrepartie d’une sélection de programmes leur offrant à la fois un grand choix et une qualité supérieure par rapport au son et à l’image. Néanmoins, un tel dégroupage de la consommation télévisuelle nécessite un système de comptage spécifique, mais aussi une nette augmentation dans les coûts et les charges. Par conséquent, les diffuseurs ont mis à la disposition des consommateurs un autre système « groupé » sous forme de bouquets de chaînes166. Ipso facto, l’existence de plusieurs systèmes de diffusion dans le marché est dans une certaine mesure profitable au consommateur. Puisque’ils lui offrent une palette de choix de plus en plus élargie avec des prix concurrentiels.

Concernant les producteurs dans le domaine de la diffusion, dans un pareil marché leur préoccupation majeure se limite à gagner de l’audience, pour engendrer du bénéfice pouvant satisfaire leurs actionnaires. De ce fait, ils se soucient très peu des projets de réinvestissement ou de la qualité des programmes.

Enfin, les gouvernements sont le seul acteur pouvant gérer la concurrence entre les différents modes de diffusion. En ce qui concerne les programmes, seuls les pouvoirs publics se soucient de leur composition (en imposant des quotas de production nationale), de leur contenu (limitation de la violence et interdiction de la pornographie) et de leur qualité (imposition de programmes éducatifs et culturels). Cependant, il est à noter que les changements rapides des moyens de diffusion et l’ouverture d’un marché international de la libre transmission limitent fortement l’action et le contrôle des pouvoirs publics sur ce domaine167.

166

A. PEACOCK souligne que les deux modèles ont un impact similaire sur la consommation du téléspectateur. Selon lui, ils sont parfaitement comparables au menu à la carte, ou à une formule proposée dans un restaurant. 167 PEACOCK, A., « Making sense of broadcasting finance », op. cit., p. 443.

A. Les défaillances du marché

Dans une vision idéale, le marché fourni des biens et des services économiques d’une manière optimale et équitable. Toutefois, en réalité le marché compétitif impose des préférences individuelles en matière de consommation qui se heurtent au revenu, mais aussi au niveau de vie dans la société. En ces termes, il est logique de reconnaître que le marché contient certaines défaillances au niveau de la redistribution des richesses dans la société.

Aussi, en ce qui concerne le marché de la diffusion il existe selon G. WITHERS trois principales sources entraînant la faiblesse de ce dernier :168

 la première concerne la combinaison entre le sujet du profit, la limitation du spectre de fréquence ainsi que le financement par la publicité. Ces trois éléments associés produisent l’uniformisation des programmes, qui conduit à son tour à l’amenuisement de l’offre (surtout en ce qui concerne les programmes minoritaires) ;169

 la seconde source de défaillance du marché ; réunis le rendement économique et le rôle persuasif et envahissant de la diffusion qui marque la société moderne. Autrement dit, de nos jours la diffusion médiatique est omniprésente dans la vie des individus (elle représente la principale base de leur éducation, leur information et leur divertissement). De leur part, les producteurs ne voient aucun intérêt à prendre en considération les effets sociopolitiques de la diffusion s’ils ne produisent aucun rendement économique. Néanmoins, ces effets peuvent affecter le marché par le biais de l’offre qui est généralement influencée, et parfois dirigée par les goûts dominants. Notons que cette répercussion peut être positive quand la production commerciale garde un cap régulier, mais peut être également négative quand la production s’essouffle en entraînant la disparation de certaines émissions comme celles destinées aux enfants les programmes de débats et d’information publics… ;

 enfin, la troisième faiblesse du marché concerne la question de la « qualité dans la programmation »170 qui n’est pas garantie par les producteurs commerciaux. Ainsi, l’argument de « la qualité des programmes » est souvent utilisé par la diffusion

168 WITHERS, G.A., « The cultural influence in public television », in Cultural economics: the art, the heritage

and the media industries, UK, Elgar Edward, 1997, vol. 2/I, p. 449.

169 Cette situation où la programmation dupliquée concurrentielle constitue la principale source des gains, est particulièrement répandue auprès des téléspectateurs américains.

170 Le mot « qualité » employé dans cette section n’implique pas forcément une défaillance dans le marché se rapportant à l’offre en termes de programmes désirés par les individus. Ainsi, dans certains cas les programmes dits « de qualité » sont carrément à l’antipode des goûts généraux.

publique afin de justifier certaines pratiques comme la censure morale ou encore l’imposition de plus de programmes culturels ou intellectuels. Il est toutefois important de souligner que cet argument n’est nullement économique, il sert uniquement de label pour un certain nombre d’interventions étatiques.

Pour résumer, ces sources de défaillance servent souvent de justificatifs pour les défenseurs de l’intervention publique dans le domaine de la diffusion qui s’appuient sur trois principaux objectifs :171

 augmenter la diversité dans la diffusion pour pouvoir atteindre les goûts minoritaires qui sont souvent en marge de la programmation de masse. Ainsi, quand la programmation est orientée vers une audience de masse, il est clair que les programmes de « haute culture » sont fournis en quantité insuffisante. Cependant, une programmation plus diversifiée basée sur une diffusion culturelle plus intense peut à la fois satisfaire les goûts les plus atypiques, mais aussi intéresser une nouvelle catégorie de téléspectateurs ;

 responsabiliser le public d’une manière plus importante dans le but d’augmenter les répercussions politiques et sociales positives que peut engendrer la diffusion. Il s’agit dans ce cas d’une hypothèse certes approuvée, mais aucunement démontrée. En outre, la corrélation entre une diffusion culturelle intensifiée et le bien-être dans la société n’a pas été scientifiquement établie. Ajoutons à ceci le fait que les amateurs « d’art cultivé » peuvent avoir d’autres goûts parallèles jugés commerciaux172 ;

 considérer la « programmation de qualité » comme une intervention publique justifiée. Aussi, ce dernier point représente le cœur du débat au niveau de toutes les politiques culturelles, puisque d’un côté l’intervention intensifiée peut se transformer en interventionnisme de l’État limitant toutes sortes de libertés. D’un autre côté, quels sont les critères utilisés pour désigner une diffusion de qualité et une diffusion de masse ? Les alternatives aux problèmes de la diffusion.

171 WITHERS, G.A., « The cultural influence in public television », op. cit., p. 450.

172 Par exemple un amateur de musique classique, d’opéra ou de jazz peut aussi apprécier une musique plus commerciale. De fait, cette situation est parfaitement extrapolable dans le domaine de la diffusion puisque un consommateur de programmes éducatifs et culturels peut également regarder ou écouter des émissions de divertissement de manière occasionnelle ou même régulière.

Pour finir, comme pour l’ensemble des secteurs artistiques et économiques, les défaillances du marché justifient souvent l’intervention des pouvoirs publics à travers des politiques plus ou moins contraignantes. Dans le domaine de la diffusion, l’intervention étatique représente une lame à double tranchant, car d’un côté dans un espace médiatique de plus en plus commercialisé, elle représente l’unique garant de la diversité des programmes. D’un autre côté, l’immixtion des gouvernements peut constituer un frein à la liberté d’expression, mais aussi au droit à l’information.

B. Les alternatives économiques aux défaillances du marché de la diffusion

Selon plusieurs économistes qui se sont spécialisés dans le domaine des médias, les barrières imposées par le marché compétitif de la diffusion ne représentent pas une fatalité. De ce fait, d’après J. HEILBRUN et M. GRAY ou encore A.PEACOCK, il existerait un certain nombre d’alternatives économiques permettant de dépasser les difficultés et d’améliorer la diffusion culturelle. Ainsi, ces solutions se pratiquent particulièrement au niveau de la distribution des charges et des rendements, mais aussi à celui de l’augmentation du niveau de contentement des consommateurs.