• Aucun résultat trouvé

Première partie : Le cycle culturel

Chapitre 2 : La production culturelle

1. Le concept de la production dans le domaine de la culture

Sous une perception socioéconomique, il existe plusieurs formes de production dans le secteur culturel. Et c’est précisément ce qui la distingue des autres domaines de production. Ainsi, nous allons procéder dans cette présente section à l’analyse des principaux éléments qui déterminent la production culturelle, puis les moyens et la manière de son évaluation.

1.1. Typologie de la production culturelle

La considération du produit culturel comme une marchandise a suscité un grand débat auprès des académiciens et des différents spécialistes de l’art. De ce fait, plusieurs champs scientifiques se sont intéressés à la question de la « production artistique dans le marché ».

Cependant, en ces termes il est indéniable que le travail artistique évolue dans un système économique classique reposant sur l’offre d’un côté et la demande de l’autre. Par conséquent, il est pratiquement impossible d’effectuer n’importe quelle analyse sur la production culturelle sans y intégrer une dimension économique.

Ainsi, la catégorisation de la production culturelle présentée ci-dessous est fondée sur une étude socioéconomique qui distingue trois principales formes de production.

A. La production de la valeur

Il est primordial de rappeler que le dynamisme du cycle culturel ainsi que la particularité du secteur artistique reposent principalement dans la distinction entre la valeur culturelle et la valeur économique des biens et des services artistiques. Ainsi, intégré dans le marché, le produit culturel peut être à la fois financièrement, mais aussi symboliquement apprécié.

Comme il est souligné par M. BERA et Y. LAMY, dans le domaine socioéconomique cette différenciation des deux valeurs s’opère aussi sur le domaine d’évaluation de chacune d’entre elles. Ainsi, la valeur économique d’un produit culturel est appréciée au sein du « marché ». Quant à sa valeur culturelle, elle est évaluée dans un « champ » particulier : esthétique, artistique, moral… 72

Toutefois, même si pour l’ensemble des économistes il est important de distinguer entre ces deux éléments, en réalité la valeur économique est intrinsèquement liée à la valeur culturelle. La sociologie explique cette interrelation, par la transmutation des attributs esthétiques et moraux en valeur économique par le biais d’un certain nombre d’acteurs intervenant dans le domaine artistique : les critiques, les conservateurs, les collectionneurs, les commissaires- priseurs, mais aussi les instances de médiation (presse spécialisée, musées, galeries… etc.)

L’explication économique quant à elle, repose sur une notion connue dans le schéma de l’offre et de la demande et qui repose principalement sur la « disposition à payer » du consommateur. En d’autres termes, plus le consommateur est conscient de la valeur esthétique, spirituelle et symbolique du produit, plus il est prêt à payer pour l’acquérir.73

Mais comment déterminer cette valeur culturelle ?

72 BERA, M. et LAMY, Y., Sociologie de la culture, op. cit., p. 172. 73 THROSBY, D., Economics and culture, op. cit., p. 31.

Cette question pose bien des problèmes aux économistes qui la considèrent comme intangible et par conséquent non quantifiable. Ainsi, l’estimation culturelle d’un travail artistique repose sur un certain nombre d’éléments multidimensionnels (esthétique, spirituel, social, historique, symbolique, original…). De ce fait, la valorisation culturelle d’un produit fait appel à certains domaines comme la sociologie ou la psychologie ayant la capacité de fournir une explication scientifique à quelques phénomènes immatériels. Comme l’explique D.THROSBY, cette estimation repose alors sur des méthodes comme74 :

 la cartographie, qui à son tour fournit une contextualisation du produit en termes physique, géographique, social et anthropologique ;

 la description approfondie, elle représente l’analyse de l’environnement, du contexte et du comportement relatifs au produit ;

 l’analyse des comportements, qui s’applique sur un seul individu ou encore un groupe ;

 l’analyse du contenu, elle concerne principalement la valeur symbolique de l’œuvre et de tout autre processus de création ;

 l’appréciation des experts, c’est l’ensemble des acteurs spécialisés qui appliquent un jugement averti sur l’œuvre et qui se distinguent par leurs compétences, expérience et formation dans divers domaines relatifs à l’art et à la culture.

Il est toutefois important de noter que cette dernière catégorie d’acteurs représente un des éléments permettant la transformation de la valeur culturelle en valeur économique déterminants :

 La traçabilité de l’œuvre par rapport à son origine et sa filiation ;

 Les processeurs antérieurs et leur nature (célèbres ou non, artistes ou amateurs…) ;

 Les lieux qui accueillent l’œuvre.

Ainsi, même si ces deux listes ne sont pas tellement exhaustives, elles permettent d’identifier le mode d’évaluation de la valeur culturelle ainsi que les principaux déterminants de cette valeur.

74 Ibid., p. 29‑30.

B. La production de la rareté

Il est bien connu que la rareté d’un produit entraîne l’accroissement de sa valeur économique. Si cette notion s’applique sur l’ensemble des productions (industrielles ou non), elle est d’autant plus importante en ce qui concerne la production artistique. À l’évidence, en plus d’être rare le bien culturel a pour particularité d’être original et non reproductible.

Toutefois, comme pour la valeur culturelle l’immatérialité de la rareté complique son identification. Même s’il existe dans le domaine de l’art et de la culture des éléments permettant la désignation d’un produit rare. 75

D’abord en ce qui concerne les œuvres anciennes, elles sont considérées comme rares parce que leurs auteurs ont disparu. Ce qui veut dire qu’il n’existe pas d’alimentation régulière par ce genre de produits. Cependant, la difficulté d’estimée valeur de ce genre d’œuvres réside dans la difficulté (pour certaines d’entre elles) de déterminer leur auteur ou encore la période exacte de leur création. À ce stade, interviennent divers spécialistes (historiens de l’art, conservateurs de musée…) pour déterminer l’authenticité, mais aussi la rareté du travail artistique.

Ensuite, en ce qui concerne les arts du spectacle, ils sont considérés comme rare grâce à l’originalité de chaque représentation76. En ce qui concerne les œuvres modernes, leur originalité et donc leur rareté ne peuvent être déterminées qu’à long terme.

Enfin, pour les biens culturels industriels (livres, musique enregistrée, cinéma…) leur rareté dépend en premier lieur de l’originalité du créateur qui va au-delà des produits disponibles dans le marché en offrant à chaque fois un produit novateur. Puis, la personnalité unique de l’artiste (surtout quand il est connu) influence les jugements portés à ces œuvres.

C. La production de la généralité

La grandeur, la visibilité, la notoriété et la reconnaissance représentent toutes des termes utilisés par de nombreux chercheurs pour désigner la valeur culturelle d’un produit donné.

75

BERA, M. et LAMY, Y., Sociologie de la culture, op. cit., p. 173.

76 Même si le spectacle est unique et les conditions sont identiques, chaque représentation est unique, car l’interprétation et le jeu sont différemment influencés par de multiples éléments.

Toutefois, l’étude sociologique démontre que cette valeur se construit selon un mécanisme de généralisation se basant, sur la relation entre l’artiste d’un côté qui aspire à grandir en notoriété et en célébrité, et le public d’un autre, qui par sa reconnaissance et sa consommation du produit participe à la subsistance de la profession artistique.

M. BERA et Y. LAMI décrivent cette corrélation et son intégration dans la chaîne des valeurs relatives à l’offre et à la demande comme une transformation de la valeur culturelle en économie de la notoriété. 77

Cette dernière s’opère à travers des réseaux de légitimation représentés d’abord par l’information qui permet aux artistes et autres galeristes de produire « un effet de groupe ». Ensuite, par les manifestations culturelles (foires, expositions…) qui limitent les incertitudes, créent de nouveaux canaux, mais aussi imposent des consensus et des conventions. Enfin, la mondialisation et la multiplication de ces réseaux permettent de mieux contrôler les goûts afin de limiter leur opposition et favoriser leur coexistence dans le marché, ce qui permet d’augmenter le nombre du public, mais aussi de diversifier les consommations.

1.2. Mesurer la production

Comme il a été mentionné plus haut, la quantification de la production culturelle est difficile à établir à cause de la présence d’une grande part de produits qualifiés comme intangibles.

À cet effet, il est à noter que le fondement de l’économie de l’art comme discipline académique repose principalement sur des études basées sur cette même problématique dans le domaine des arts du spectacle.

Parallèlement, avant d’aborder les méthodes de mesure relatives à la production dans les arts du spectacle. Il est important de revenir aux caractéristiques ce champ. Ainsi, il est intéressant

de revenir vers l’analyse de W.BAUMOL et W.BOWEN délimitant ce domaine artistique par différentes contraintes liées aux78 :

 coûts de production, qui d’une part en plus d’être supérieurs par rapport aux autres domaines, ne peuvent être stabilisés ou diminués par le biais des moyens technologiques79. D’une autre part, toute tentative de diminution ou de limitation de ces dépenses se répercute automatiquement sur la qualité de l’œuvre ;80

 revenus accordés aux artistes des spectacles vivants, qui sont nettement inférieurs aux autres domaines, si l’on prenait en considération un standard classique reposant essentiellement sur l’expérience, la pratique et l’entrainement des travailleurs ou encore leur temps de travail ;

 la demande, qui est restreinte à une catégorie circonscrite de consommateurs.

Par ailleurs, hormis ces contraintes, les économistes quantifient généralement la production dans le domaine des spectacles vivant en s’appuyant sur les éléments suivants81

:

1 Le nombre de performances, qui prend en considération d’une part, le coût de production