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Manifestations respiratoires et allergiques

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La pollution chimique de l’air intérieur : de la genèse aux effets sanitaires

I.4 Effets respiratoires et allergiques liés à une exposition aux composés chimiques de l’air intérieur : de la toxicologie à

I.4.2 Manifestations respiratoires et allergiques

Les maladies allergiques sont placées au quatrième rang des fléaux recensés dans le monde par l’OMS. En France, près d’un quart de la population serait atteinte d’affections d’origine allergique dont les trois quarts sont respiratoires et se présentent sous deux formes : la rhinite allergique et l’asthme.

I.4.2.1 Quelques rappels

Allergie

Von Pirquet introduit en 1905 le terme « allergie », du grec allos et ergon, soit « une

autre façon » de répondre à un stimulus externe. L’allergie désigne un état d’hypersensibilité, c’est-à-dire une réponse immunitaire inappropriée (exagérée et nocive) de l’organisme envers une substance à laquelle il est particulièrement sensible sous l’effet de multiples facteurs, génétiques et environnementaux.

Quatre types d’hypersensibilité ont été définies en 1963 par Coombs et Gell. L’hypersensibi-lité immédiate, de type I et l’hypersensibiL’hypersensibi-lité retardée, de type IV représentent la quasi-totaL’hypersensibi-lité de l’expression pathologique de l’allergie. La première constitue la forme la plus commune de l’aller-gie ; la réaction a lieu quelques minutes après un second contact avec l’allergène, chez une personne sensibilisée. Ces réactions d’hypersensibilité immédiate impliquent la synthèse d’immunoglobulines E (IgE) spécifiques contre des allergènes et se déroulent en deux temps :

– une phase de sensibilisation, reconnaissance de l’allergène par les cellules immunocompé-tentes ;

– une phase de réaction allergique, proprement dite.

La première phase ne provoque aucun symptôme et peut rester longtemps silencieuse. Elle correspond à la production d’IgE spécifiques par les lymphocytes B. Ces IgE se fixent sur des récepteurs présents sur la membrane des cellules cibles (mastocytes) environnantes puis entrent dans la circulation où elles sensibilisent les basophiles circulants puis les mastocytes tissulaires de

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l’organisme. Lors du deuxième contact avec l’antigène, les mastocytes et basophiles sensibilisés libèrent des médiateurs chimiques proinflammatoires (histamine, prostaglandine D2 – PGD2, etc.) qui déclenchent une réaction inflammatoire intense responsable d’un asthme ou d’une rhinite.

L’hypersensibilité de type IV ou retardée ne fait pas intervenir d’anticorps mais des mécanismes d’activation cellulaire. Les lymphocytes sont sensibilisés après pénétration dans l’organisme d’une substance externe. Après réintroduction de cette substance, les lymphocytes sensibilisés sont activés et provoquent une réaction cellulaire responsable de l’inflammation. Cette hypersensibilité est principalement représentée par l’allergie de contact.

Atopie

En 1923, Coca et Cooke proposèrent le terme « atopie » afin de qualifier la notion de terrain pédisposant aux maladies allergiques. En effet, l’atopie est la tendance individuelle ou familiale à produire des IgE en réponse à des petites doses d’antigènes de l’environnement. En 2001, l’European Academy of Allergy and Clinical Immunology précise que le terme atopie est réservé au trait clinique et à la prédisposition génétique et non à la description d’une maladie. L’atopie est souvent considérée comme un facteur de risque de développer une maladie allergique. Ainsi, même si le sujet peut être asymptomatique, l’atopie s’accompagne bien souvent de symptômes notamment d’asthme, de rhinite allergique et de dermatite atopique. Elle est fréquemment retrouvée en cas d’antécédents familiaux de maladie allergique et est souvent pré-existante aux symptômes respiratoires.

I.4.2.2 Asthme

Définition

L’asthme est une pathologie complexe définie par ses caractéristiques cliniques, physiologiques et pathologiques. L’asthme peut être défini comme « une obstruction variable et, en général, réversible des voies respiratoires consécutives à une inflammation et une hyperéactivité des voies respiratoires ». La définition proposée par le Global Initiative for Asthma (GINA) est nettement plus orientée vers les signes cliniques en maintenant l’inflammation chronique au premier plan : « l’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies respiratoires (inférieures) dans laquelle de nombreuses cellules ou éléments cellulaires jouent un rôle. L’inflammation chronique induit une augmentation de la réactivité (hyperéactivité) de l’arbre respiratoire qui entraîne des épisodes répétitifs de sifflements, d’étouffements, d’oppression thoracique et de toux, en particulier pendant la nuit ou tôt le matin. Ces épisodes s’accompagnent en général d’une obstruction variable des voies respiratoires, réversible spontanément ou après traitement »[197].

La définition de l’asthme de l’enfant reste la même que celle chez l’adulte. Toutefois, chez les enfants d’âge pré-scolaire, elle intègre les « équivalents » et les prodromes de l’asthme comme la toux nocturne et d’effort. L’asthme du nourrisson est un cas particulier : il se caractérise par des formes cliniques variables et des évolutions différentes selon la nature de l’asthme, al-lergique ou lié aux infections respiratoires. Outre la traditionnelle crise d’asthme, les diverses manifestations cliniques évocatrices d’un asthme du nourrisson sont les sifflements, la toux et les

autres symptômes d’obstruction bronchique. La toux équivalente est une toux sèche, isolée,

chronique, résistante aux antitussifs mais calmée par des bronchodilatateurs d’action rapide. Les autres symptômes témoins d’une obstruction bronchique sont principalement la gêne respiratoire et l’essoufflement.

L’inflammation bronchique peut provoquer un remodelage des voies aériennes avec des mo-difications morphologiques du tissu des bronches caractérisé par le dépôt de collagène sous la membrane basale, l’hypertrophie des cellules productrices de mucus, la perte des cellules épithé-liales ciliées ainsi que l’hypertrophie et l’hyperplasie des cellules musculaires lisses.

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Épidémiologie

L’asthme touche 300 millions de personnes dans le monde et serait la maladie chronique la plus fréquente chez l’enfant. En 1998, les résultats de la phase I de l’enquête multicentrique ISAAC

International Study of Asthma and Allergy in Children, ont montré des disparités géographiques

de la prévalence de l’asthme et des sifflements (Figure 10).

!10,1 7,6-10,0 5,1-7,5 2,5-5,0 0-2,5 Absence de données Prévalence dans la population (%)

Figure 10 – Prévalence de l’asthme dans le monde, d’après la Phase I de l’enquête multicentrique ISAAC (Masoli et coll.[198])

Selon les pays étudiés, la prévalence variait entre 4,1 % et 32,2 % chez les enfants (6-7 ans) et entre 2,1 % et 32,3 % chez les adolescents (13-14 ans)[199]. Dans les pays européens, la prévalence tous âges confondus est de 7–10 % et proche de 10 % chez l’enfant. Selon l’enquête décennale 2003 santé de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), menée par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), et basée sur des autoquestionnaires portant sur 1 675 enfants âgés de 11–14 ans, 12,7 % des enfants ont répondu avoir déjà eu de l’asthme, 8,3 % des sifflements et 17,2 % une toux sèche nocturne au cours des douze derniers mois[200].

Au cours des trois dernières décennies du XXème siècle, une augmentation de la prévalence de l’asthme est observée et pourrait être liée à un meilleur diagnostic et signalement des cas. Toutefois, il est admis qu’il existe une réelle augmentation, en particulier dans les pays développés, où la courbe de prévalence a été considérée comme similaire à un phénomène épidémique[201]. Cependant, cette augmentation semble ralentir dans les pays développés[202]comme en France[203], Italie[204], Allemagne[205], Suisse[206], etc. Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer ce plateau[207]:

– un « effet cohorte » avec un mode de vie « occidental »4plus efficace dans les années 1960 que dans les années 2000 ;

– une efficacité de la prise en charge médicale ;

4. mode de vie propre aux pays « développés » impliquant entre autres un confinement plus accru des lieux de vie, une exposition plus élevée aux polluants domestiques (ex : tabagisme) et atmosphériques (ex : pollution atmosphérique d’origine automobile) mais surtout une diminution des infections avec un environnement plus aseptisé. Les modifications des habitudes alimentaires (régime alimentaire pauvre en vitamines et anti-oxydants) susceptibles de modifier la flore intestinale font également partie de ce mode de vie.

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– un épuisement du réservoir des individus susceptibles de développer un asthme, par les influences environnementales des dernières décennies.

Dans les études épidémiologiques, l’asthme de l’enfant est généralement recherché par un questionnaire standardisé portant notamment sur les symptômes respiratoires tels que les siffle-ments, le diagnostic médical et les traitements médicamentaux. La recherche d’une hypersensibilité immédiate (dosage des IgE totales et spécifiques et/ou tests cutanés), le dosage des cytokines inflammatoires, les explorations fonctionnelles (recherche de l’hyperéactivité bronchique par spiro-métrie et dosage du monoxyde exhalé) peuvent aussi être réalisés et enfin, de façon moins fréquente, par génotypage.

I.4.2.3 Rhinite allergique

Définition

La rhinite allergique se définit comme l’inflammation des voies aériennes supérieures chez une personne sensibilisée en présence d’un allergène. Les symptômes associent une rhinorrhée, des éternuements, une obstruction et un prurit nasal. Deux entités cliniques IgE médiée peuvent être schématiquement distinguées : la rhinite allergique pollinique saisonnière (pollinose ou rhume des foins) associée à une conjonctivite et parfois à une crise d’asthme et la rhinite allergique persistante qui peut être reliée à une sensibilisation aux allergènes domestiques. Depuis 2000, la classification de la rhinite allergique de l’Allergic Rhinitis Initiative in Asthma (ARIA) modifie la classification rhinite perannuelle/saisonnière en rhinite intermittente/persistante avec trois classes d’intensité (légère, modérée ou sévère)[208].

Épidémiologie

Tout comme pour l’asthme, dans les études épidémiologiques, la rhinite allergique est fré-quemment recherchée en utilisant un questionnaire parfois couplé à un diagnostic médical. Ce questionnaire porte sur l’identification de signes cliniques évocateurs en dehors d’un épisode infectieux des voies respiratoires hautes. La recherche d’une sensibilisation par le dosage des IgE ou la réalisation de tests cutanés peuvent être associés au diagnostic clinique. Le Score for

Allergic Rhinitis (SFRA) peut également être utilisé. Selon la définition employée, l’étendue de la

prévalence est large. Elle varie entre 7 % et 30 %[209,210]pour une définition large (« nez qui coule en dehors d’un rhume ») et entre 1 et 4 %[211,212]pour des définitions plus strictes (« au moins deux épisodes de rhinite et/ou de conjonctivite apparaissant après l’exposition à un allergène particulier en dehors d’une infection »).

I.4.2.4 Concept de la marche allergique

Le concept de la « marche allergique » est un terme qui désigne l’histoire naturelle des manifes-tations allergiques. Elle se caractérise par une séquence typique de progression des symptômes allergiques au cours de l’enfance. En général, les signes cutanés de type dermatite allergique et les allergies alimentaires précèdent l’asthme et la rhinite allergique, Figure 11.

La dermatite atopique (ou eczéma atopique) est une maladie dermatologique caractérisée par des lésions cutanées sèches, squameuses, et prurigineuses. Elles apparaissent en général entre 3 mois et 2 ans. Elle est souvent, mais non de façon systématique, associée à un niveau élevé d’une ou plusieurs IgE sériques pour les pneumallergènes et les trophallergènes.

Dans les études épidémiologiques, le diagnostic est généralement basé sur un questionnaire portant sur le diagnostic médical et sur les symptômes (signes cliniques, durée, âge d’apparition et localisations cutanées). Un score clinique peut y être associé pour juger de la sévérité de l’eczéma, il s’agit du Scoring atopic dermatitis (SCORAD). La prévalence au cours des deux premières années de vie est estimée entre 10 et 25 %[210,212].

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Figure 11 – Développement des maladies allergiques, d’après Charpin et coll.[213]

L’allergie alimentaire, ou hypersensibilité aux aliments, se réfère aux réactions impliquant des mécanismes immunologiques contre des protéines allergéniques présentes dans un aliment. En Europe, la prévalence est estimée à 4,7 % chez l’enfant et 3,2 % chez l’adulte[214]. Le diagnostic repose sur des critères cliniques (réalisation de tests cutanés), biologiques (dosages des IgE totales et spécifiques) et des tests de provocation.

L’étiologie des manifestations respiratoires allergiques est complexe et les facteurs de risque sont nombreux. Au-delà des facteurs de risque liés à l’hôte, les facteurs environnementaux sont de plus en plus incriminés. Le rôle notamment de la pollution chimique dans le déclenchement des maladies respiratoires n’est pas encore élucidé.

I.4.3 Données toxicologiques sur l’impact des polluants chimiques de l’air

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