• Aucun résultat trouvé

Facteurs influençant les émissions

Dans le document en fr (Page 49-54)

La pollution chimique de l’air intérieur : de la genèse aux effets sanitaires

I.2 Émission et sources des composés chimiques

I.2.3 Facteurs influençant les émissions

Les facteurs qui influencent les émissions des matériaux sont la composition du matériau, son âge et des facteurs extérieurs.

I.2.3.1 Âge des matériaux

La décroissance des émissions des aldéhydes et des COV a été modélisée par une exponen-tielle : une décroissance rapide après la fabrication du matériau, puis une décroissance plus lente. En combinant des données expérimentales et épidémiologiques (mesurages dans des logements d’enfants participant à la cohorte allemande Leipzig Allergy children Risk Study – LARS), des auteurs ont montré que les niveaux en COV revenaient aux niveaux de base, 2 mois après des travaux de rénovation[77]. Par ailleurs, dans des logements rénovés, Brown et coll. ont montré que les niveaux en certains COV (benzène, éthylbenzène, m,p-xylènes, décane et undécane) 35 semaines après des travaux de rénovation, étaient comparables aux niveaux retrouvés dans des logements n’ayant pas eu de travaux[78]. L’évolution des niveaux des aldéhydes et des COV dans cette étude est présentée dans le Tableau VIII.

Tableau VIII – Évolution des niveaux des polluants (µg.m-3) à différents temps, après des travaux de rénovation, d’après Brown et coll. [78]

Composé chimique 2 jours 19 jours 72 jours 246 jours

Formaldéhyde 120 93 56 64 Hexanal 33 63 14 16 Benzène < 35 < 12 < 13 3,0 Toluène 84 110 12 12 Éthylbenzène 12 13 1,5 0,9 m,p-xylènes < 30 27 3,9 2,4 Styrène / o-xylène < 30 18 2,7 2,2 Décane 17 13 13 3,1 Undécane 13 30 14 4,2

La décroissance exponentielle des émissions de ces composés chimiques a été modélisée par deux équations[78]:

– une décroissance de premier ordre :

EF = M0k1exp(−k1t)

où EF est le facteur d’émission (µg.m-2.h-1), M0, la quantité initiale de polluant sur les surfaces et k1, la constante de décroissance.

– une double décroissance :

EF = EF01exp(−k1t) + EF02exp(−k2t)

où EF01et EF02sont les facteurs d’émission initiaux à deux décroissances successives aux constantes k1 et k2, respectivement.

La décroissance rapide des émissions en COV, au cours des 20 premiers jours est suivie par une décroissance plus lente (Figure 7 a). Comparativement à celle des COV, la décroissance des niveaux de formaldéhyde est plus lente (Figure 7 b). La décroissance est toujours en deux temps, mais la deuxième phase présente une pente trois fois plus faible suggérant ainsi que les concentrations en formaldéhyde persistent plusieurs années dans le logement. Les émissions à long terme de formaldéhyde sont liées à la dégradation hydrolytique des résines contenues dans les panneaux et persistent tout au long de la vie du matériau.

I.2.3. Facteurs influençant les émissions 23

(a) (b)

Figure 7 – Décroissance des niveaux d’émission de COV (a) et de formaldéhyde (b) , d’après Brown et coll. [78]

I.2.3.2 Paramètres extérieurs influençant les émissions

À côté du caractère récent des matériaux, des facteurs extérieurs, tels que l’humidité, la vitesse de l’air et la température, conditionnent les émissions des composés.

Vitesse de l’air

Les émissions des composés dépendent du phénomène de diffusion au travers du matériau et de la surface. Les phénomènes d’émission impliquent des transferts de masse[79]. Les émissions des COV des moquettes et autres revêtements au sol sont principalement des émissions par diffusion interne. Les émissions des matériaux humides tels que les peintures appliquées sur une surface, se font en deux temps : une phase où l’émission est initialement élevée et diminue avec le temps, puis une deuxième période où l’émission est plus faible et diminue plus lentement. Pendant la première phase, l’émission est contrôlée par des masses de transfert, elle est dite évaporative alors que la seconde phase, diffusive, est contrôlée par des diffusions au travers du matériau.

Au niveau de la couche limite à la surface des matériaux, les mouvements d’air sont très lents et il se crée un équilibre de transfert de masse entre le matériau et l’air. Cette couche limite de diffusion est le facteur limitant des émissions. En effet, l’augmentation de la vitesse de l’air à la surface diminue l’épaisseur de la couche limite et le transfert de masse s’élève pour rétablir l’équilibre[79]. Donc, lorsque la vitesse de l’air à la surface des matériaux augmente, les émissions des matériaux s’élèvent. Dans le processus global d’échange gazeux entre un matériau et l’air, trois phénomènes physiques interviennent : sorption, diffusion au sein du matériau et diffusion à travers la couche limite séparant la paroi du matériau de l’air.

Température et humidité

La température et l’humidité sont d’autres paramètres d’ambiance influençant les émissions des matériaux. Si certains auteurs concluent à des variations d’émissions température dépen-dantes, d’autres concluent à l’absence d’effet significatif sur les émissions de composés à bas point d’ébullition alors que l’impact de la température est plus important pour les composés à haut point d’ébullition[80]. Zhang et coll. pensent que les résultats contradictoires retrouvés dans la littérature quant à l’influence de ces paramètres sont dus au fait que les mécanismes d’émission ne sont pas clairement connus[81]. Ils proposent d’utiliser des paramètres tels que le coefficient de diffusion et de partition pour étudier l’impact de la température sur les émissions des COV et du formaldéhyde. En utilisant quatre variétés de matériaux en chambre expérimentale, les auteurs montrent que ces coefficients sont affectés par la température. Quatre températures sont étudiées 18 ± 0,5C, 30 ± 0,8C, 40 ± 0,8C et 50 ± 0,6C. Une augmentation de la température conduit

24 Émission et sources des composés chimiques

à une baisse des concentrations d’équilibre pour le formaldéhyde et le coefficient de partition est lui aussi affecté par la température puisque plus la température augmente, plus il décroît. Contrairement au coefficient de partition, le coefficient de diffusion augmente avec la température et il est cinq fois plus élevé à 50C qu’à 18C. Les résultats concernant l’impact de l’humidité sont aussi divergents. Contrairement au profil des COV totaux, le toluène, l’éthylbenzène et les

m,p-xylènes ont des niveaux plus élevés pour une humidité relative égale à 35 % qu’à 62 %[82].

Adsorption et réémission

La concentration intérieure en composés émis ne dépend pas seulement de l’émission et du taux de renouvellement d’air mais peut aussi être influencée par les processus de sorption et de désorption. Les capacités d’adsorption (capacité à retenir des polluants au niveau de la surface) et de désorption (capacité à relarguer des polluants adsorbés) des matériaux peuvent modifier les profils des niveaux intérieurs des composés. En effet, dès qu’ils sont émis, ils peuvent être adsorbés sur d’autres supports pouvant les restituer peu à peu pendant des durées plus ou moins longues. Des prélèvements de surface ont montré que les moquettes étaient des réservoirs de FTE[83]. De manière générale, plus un matériau est lisse, moins il a de surface adsorbante. Les moquettes et les autres revêtements textiles sont considérés comme les matériaux les plus adsorbants, et souvent qualifiés de « puits » pour les composés peu volatils[80]. Les phénomènes de sorption de la mousse polyuréthane (PUR) pour les composés organiques sont connus depuis des décennies, le PUR pouvant à la fois être source et puits de COV. Zhao et coll.[84]ont étudié les caractéristiques de sorption et de diffusion de différents COV dans ce matériau. Il piège notamment le styrène, les xylènes, l’éthylbenzène, le toluène, le benzène et le triméthylbenzène, ces composés pouvant être réémis par la suite. L’humidité diminue la sorption et diminue ainsi la cinétique d’émission du polluant. Ces phénomènes de réémission interviennent de façon considérable dans la recontamination de l’air.

La principale raison de la présence des composés chimiques dans l’habitat est le grand nombre de produits largement utilisés qui les émettent, tels que les matériaux de construction, les produits de consommation ou issus de phénomènes de combustion (Tableau IX). Les sources de pollution sont nombreuses et d’après leur origine, on peut distinguer :

– les sources intérieures regroupant les sources continues qui émettent pendant un laps de temps pouvant varier de quelques jours à plusieurs années et les sources discontinues qui dépendent des activités des occupants ;

– celles issues des transferts du milieu extérieur vers l’intérieur ; – celles issues de réactions chimiques dans le milieu intérieur.

L’exposition aux sources primaires et secondaires dépend d’un système complexe faisant inter-venir un grand nombre de facteurs que sont la composition chimique des produits de construction et de consommation, les modalités d’utilisation des produits (quantité utilisée, fréquence d’utilisation et type d’application : dilution ou non dans l’eau)[68], le taux d’occupation, la ventilation du bâti, etc. Les paramètres de sorption avec les surfaces et de désorption peuvent aussi influencer la cinétique d’émission des composés. Il est difficile de dire si les émissions des matériaux, faibles mais continues, sont plus ou moins déterminantes que celles des produits de consommation, plus massives en quantités de polluants émis, mais ponctuelles. Les produits de consommation courante sont probablement les sources les plus variées et les moins bien connues. Pour ces produits, il existe peu de travaux français et globalement peu de données dans les autres pays au regard des informations sur les matériaux de construction. Ce défaut d’informations s’explique par l’absence jusqu’à récemment de protocoles de caractérisation des émissions, liée certainement à la difficulté d’élaborer ces protocoles du fait de la diversité des produits et des usages qui en sont faits. Des

I.2.3. Facteurs influençant les émissions 25

bases de données se sont développées pour centraliser les données d’émission et sont actuellement disponibles : aux États-Unis, EPA Source of Indoor Air Emissions (SIAE), au Canada, Canada National Research Council (CNRC) materials emission, en Europe, European Union Building Materials (BUMA)[85]. En France, la base de données PANDORE, mise en place par l’université de la Rochelle, rassemble les données de la littérature concernant les taux d’émission des polluants particulaires et gazeux (en particulier les COV) générés par les sources rencontrées à l’intérieur des bâtiments[86].

26 Émissio n et sour ces des comp osés

chimiques Tableau IX – Sources des principaux composés chimiques retrouvés dans l’air intérieur

Composé chimique Sources

Nicotine Fumée de cigarettes

Dioxyde d’azote Appareils fonctionnant au gaz (cuisinière, appareil de chauffage, etc.), fumée de cigarettes, encens

Aldéhydes

Formaldéhyde Panneaux de particules, panneaux de fibres de bois, panneaux de bois brut, produits dérivés du bois, peintures (phase solvant),

matériaux isolants, colles, magazines, livres neufs, photocopieurs, fumée de cigarettes, encens, nettoyants pour sols

Acétaldéhyde Panneaux de particules, panneaux de bois brut, matériaux isolants, photocopieurs, fumée de cigarettes, nettoyants, cire liquide

Benzaldéhyde Peintures, parquets traités

Hexanal Peintures (phase solvant), panneaux de particules, produits de traitement du bois (phase aqueuse), magazines, livres neufs

Acroléine Fumée de cigarettes, chauffage des graisses végétales et animales (friture), gaz d’échappement automobile

Composés organiques volatils

Hydrocarbures aromatiques

Benzène Produits de construction et de décoration, moquettes, fumée de cigarettes, encens, produits de bricolage, cires, détergents liquides,

tampons de laine d’acier, vapeurs d’essence

Éthylbenzène Carburants, cires

1,2,4-triméthylbenzène Peintures, vernis, carburants

Toluène Peintures, moquettes, tapis, vernis, colles, calfatage siliconé, encres, nettoyants de salle de bains, sprays désodorisants et anti-bactériens

vapeurs d’essence

Xylènes Peintures, vernis, colles, cires, insecticides, détergents liquides, tampons de laine d’acier, nettoyants tout usage

Styrène Matières plastiques, matériaux isolants, fumée de cigarettes, nettoyants pour sols, cires, carburant

Hydrocarbures chlorés

p-dichlorobenzène Antimites, désodorisants, taupicides

Trichloroéthylène Peintures, vernis, colles, cires, dégraissant pour métaux, nettoyants tout usage

Tétrachloroéthylène Nettoyage à sec, moquettes, tapis, cires, nettoyants tout usage

Hydrocarbures aliphatiques

n-décane White-spirit, peintures, moquette, tapis, colles pour sol, cires, vernis à bois, nettoyant pour sols

I.3 Évaluation de l’exposition domestique aux polluants

Dans le document en fr (Page 49-54)