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LES MANIFESTATIONS DE LA DOULEUR

TROISIEME PARTIE : ANALGESIE ET AINS

1. RECONNAISSANCE ET EVALUATION DE LA DOULEUR Pour soulager efficacement la douleur animale, le clinicien doit être capable de la reconnaître

1.1 LES MANIFESTATIONS DE LA DOULEUR

Le vétérinaire ne pouvant pas communiquer oralement avec ses patients, l’évaluation de la douleur chez les animaux repose donc obligatoirement sur l’observation attentive des diverses manifestations comportementales, physiologiques et cliniques qu’elle engendre. Ces manifestations diffèrent selon les espèces, les individus, le siège de la douleur et les mécanismes mis en jeu, ce qui accroît encore la difficulté de cette tâche.57

1.1.1 Manifestations comportementales

Activité anormale

Généralement, les animaux qui souffrent présentent une baisse globale d’activité: ils se déplacent moins, se nourrissent moins, répugnent à jouer, à s’étirer ou à faire leur toilette. Certains animaux peuvent à l’opposé présenter une augmentation d’activité, en ce sens qu’ils ne semblent pas trouver de position confortable.90

Postures anormales

Diverses postures anormales peuvent être adoptées par les animaux algiques : voussures lors de douleurs abdominales ou rachidiennes, tête baissée lors de cervicalgie, position du prieur lors de douleur abdominale. Certains animaux peuvent se reposer dans des positions inhabituelles ; d’autres au contraire, peuvent rester debout immobiles, le temps qu’une analgésie efficace soit mise œuvre.140, 213

Les animaux présentant une douleur d’origine ostéo-articulaire peuvent présenter au repos un défaut, voire une suppression d’appui sur le membre concerné.

Mobilité, démarche anormales

Lors de phénomène douloureux, les animaux peuvent se déplacer et exécuter certains mouvements (s’asseoir ou se coucher,) avec lenteur, voire avec raideur.140

Certains animaux auront besoin d’encouragement pour se déplacer, se lever ou s’asseoir. Une boiterie avec ou sans appui conservé peut être le signe d’une douleur d’origine ostéo- articulaire.

Vocalisations

Ce critère constitue l’un des signes les plus anthropomorphiques de la douleur. Il peut s’agir de pleurs, de gémissements ou de hurlements. Les vocalisations ne constituent pas un indicateur spécifique et sensible de la douleur. Ainsi, par exemple, les animaux jeunes ont tendance à exprimer leur douleur de manière vocale, alors que les sujets âgés ont plutôt tendance à intérioriser leurs émotions.213

Les vocalises lorsqu’elles sont présentes ne doivent néanmoins pas être négligées. Ces manifestations peuvent être continues ou ne se manifester par exemple qu’à l’approche du personnel soignant ou lors de manipulations. Au contraire, certains animaux ne vocaliseront pas du tout, même lors de douleur intense.215

Perte d’appétit

La douleur entraîne presque toujours une perte d’appétit. La dysorexie est fonction de l’intensité douloureuse. Lorsque cette intensité augmente, l’animal présente un désintéressement de plus en plus marqué pour la nourriture, pouvant aller jusqu’à une anorexie totale.215

Attention portée par l’animal aux zones douloureuses

L’animal peut regarder, lécher ou même mordiller la zone douloureuse.213 Ce comportement peut même aller jusqu’à l’automutilation lors de douleur intense.

Modifications du comportement de l’animal vis-à-vis de l’homme

Lors de douleur légè re, la réponse aux contacts humains peut-être normale. Si la douleur est plus marquée, l’animal peut éviter, voire refuser totalement tout contact avec l’homme. Certains patients manifesteront de l’agressivité, alors que d’autres adopteront plutôt des postures de soumission.90, 212

Le frétillement de la queue ne doit pas être utilisé pour estimer l’absence de douleur. De même, le ronronnement chez le chat peut persister lors de douleur intense, voire même jusqu’à la mort.215

Modifications du faciès

Il s’agit d’un indice assez subjectif pour quantifier la douleur animale. Toutefois, certains propriétaires sont sensibles à ces modifications et le vétérinaire doit donc en tenir compte.

Bruxisme, rictus ou inquiétude dans le regard peuvent ainsi être évocateurs d’un processus douloureux.276

1.1.2 Manifestations physiologiques ; apport de l’examen clinique

Modifications cardiovasculaires

La tachycardie est une manifestation courante mais non systématique de la douleur. Ainsi, certaines chirurgies thoraciques ou abdominales (correction de shunt porto-systémique, chirurgies intestinales) peuvent provoquer une bradycardie. Il est également important de remarquer que les effets des opioïdes sur le système nerveux autonome persistent bien au- delà de leurs effets analgésiques : la fréquence cardiaque est donc un mauvais indice de la douleur chez les animaux traités avec ces molécules.213

Lors d’un acte chirurgical, il est tout de même intéressant d’avoir relevé la fréquence cardiaque pré-opératoire afin de calculer un pourcentage d’augmentation en post-opératoire. Ce pourcentage est bien plus significatif que la valeur observée.239

L’hypertension artérielle est une autre manifestation cardiovasculaire possible de la sensation douloureuse. Ainsi, par exemple, après une ovariohystérectomie chez le chat, une augmentation de la pression artérielle a été observée chez des animaux manifestant d’autres signes de douleur.300 A l’opposé, d’autres études portant sur l’analgésie post-opératoire chez le chien n’ont pas mis en évidence d’augmentation de la pression artérielle, et ce, malgré des scores douloureux intergroupes significativement différents.54, 135, 256, 286

Modifications respiratoires

La fréquence et le mode respiratoire semblent être de bons indicateurs de la douleur chez certains patients. Ainsi, lors de douleur légère, on peut observer une légère augmentation de la fréquence respiratoire. Au fur et à mesure que la douleur s’amplifie, le rythme respiratoire s’accélère, la respiration devient de plus en plus superficielle pour devenir abdominale.213, 215

Manifestations ophtalmologiques

La dilatation pupillaire semble être un mauvais indicateur de la douleur. En pratique courante, l’estimation du diamètre pupillaire est très subjective : nous ne disposons pas d’appareil de mesure standard (pupillomètre). De plus, comme cela a été démontré chez l’homme, une multitude d’autres facteurs peuvent influer sur le diamètre pupillaire : intensité lumineuse, âge, anxiété, fatigue….140 Le diamètre pupillaire est égaleme nt sensible à l’action pharmacologique de certaines substances. Ainsi, de fortes doses d’opioïdes provoquent un myosis chez le chien, alors que l’atropine a un effet mydriatique.213

Les affections ophtalmiques douloureuses se traduisent très fréquemment par un blépharospasme.

Recherche d’une zone douloureuse

La douleur est souvent mise en évidence manuellement directement par le clinicien :

- par attouchement de certaines régions du corps : des névrites peuvent ainsi être mises en évidence par attouchement de trajets nerveux …42

- par palpation du rachis, des masses musculaires, des segments osseux, de l’abdomen, - par mobilisation des articulations.

L’animal peut réagir plus ou moins violemment à toutes ces manipulations. Ainsi, il peut simplement tourner la tête, arrêter de haleter, contracter son abdomen, émettre des plaintes, essayer de se soustraire ou de mordre.