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ENQUÊTE PRAGMATISTE Situation

2.2. Le management de la valeur publique dans la sobriété ?

Qu’est-ce que la valeur publique ? Qui décide comment la créer, la communiquer et la délivrer ? « Cette notion de valeur doit être explicitée tant il est vrai qu’elle est centrale dans l’histoire de la pensée scientifique en sciences sociales » (Alaux, 2018, p. 93). En philosophie, Aristote interroge la nature de la valeur d’usage ou d’échange. En économique politique, les Physiocrates pensent que la valeur est issue de la nature, les Classiques estiment que c’est le travail qui détermine la valeur, et les Néoclassiques font le lien entre l’utilité et la rareté. En sciences de gestion, les chercheurs interrogent notamment le management de la valeur à travers la création d’avantages concurrentiels issus d’une stratégie de différenciation (Porteur, 2003). Le management de la valeur publique (Public Value Management) a le vent en poupe dans la communauté des chercheurs et des praticiens (O’Flynn, 2007 ; Bryson et al., 2014). L’ouvrage de Moore (1995) intitulé « Création de la valeur publique64 » cherche à comprendre comment les managers peuvent promouvoir l’excellence en management public. Stoker (2006) analyse le management de la valeur publique comme un paradigme, plus adapté à la gouvernance en réseau que l’administration publique bureaucratique et le nouveau management public. Plus largement, le management de la valeur publique permet d’interroger la dimension démocratique de l’action publique (Bozeman, 2007). Cette dimension démocratique questionne les objectifs que l’État et les collectivités locales peuvent se fixer (Meynhardt, 2009) et la manière dont les managers peuvent les atteindre (Moore, 1995). Bryson et al. (2014) préconisant de faire appel à d’autres domaines de recherche pour enrichir la réflexion sur les valeurs publiques, la valuation du philosophe Dewey (1939) met l’accent sur le processus de formation des valeurs. Qu’il s’agisse de création de valeur publique, de valeurs publiques ou de processus de valuation, les approches de la valeur ne peuvent faire fi du contexte dans lequel les organisations publiques évoluent. La crise économique de 200865 a certes plongé les pays européens dans l’austérité (Pollitt et Bouckaert, 2017), mais n’est-il pas plutôt question de sobriété ?

Nous analyserons d’abord les différentes approches (normatives, positives, pragmatistes) de la valeur (2.2.1.) Puis, nous croiserons ce paradigme émergent avec celui du management de l’austérité, sur lequel nous porterons un regard critique et, préfèrerons la sobriété (2.2.2.).

64 Traduction libre de : « Creating Public Value » (Moore, 1995).

65 « Dans la Grande Récession qui a commencé en 2008, plusieurs millions de personnes, en Amérique et dans le

monde entier, ont perdu maison et emploi » (Stigltiz, 2010, p. 9). La fabrication de cette crise est due à « un marché dérèglementé, saturé de liquides et de taux d’intérêts faibles ; une bulle planétaire de l’immobilier ; une hausse économique du prêt à risque (…) les deux déficits des États-Unis, le budgétaire et le commercial, et l’accumulation correspondante de gigantesques réserves de dollars en Chine » (Stigltiz, 2010, p. 39).

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2.2.1. Création de valeur publique, valeurs publiques et valuation, quelles différences pour le management de la valeur publique ?

Dans le sens courant, la valeur se définit comme le « caractère mesurable prêté à un objet en fonction de sa capacité à être échangé ou vendu » (Cnrtl66, 2019). La valeur publique se restreint-elle à la valeur produite par les organisations publiques ? Ou s’élargit-elle à la valeur produite par les organisations qui mettent en œuvre l’action publique ? À quoi renvoie le management de la valeur publique ? Et quels sont les liens sous-jacents avec la gouvernance publique ?

En 2016, l’article de Hartley et al. proposent un agenda de recherche de la valeur publique, dont le premier objectif est de clarifier les termes sur les plans conceptuel et opérationnel. C’est l’objectif que nous poursuivons à travers la présentation des principales approches (points communs et différences), leurs liens avec la gestion de la performance publique, et les critiques majeures formulées à l’encontre de ce courant émergent en management public.

Tout d’abord, l’idée de Moore (1995) est de proposer un raisonnement pratique pour guider les managers à exploiter les circonstances particulières dans lesquelles ils se trouvent pour créer de la valeur publique. Le succès managérial y est défini comme « l’accroissement de la valeur publique produite par les organisations du secteur public sur le court et le long terme67 » (Moore, 1995, p. 10). La création de la valeur publique peut alors se traduire de deux manières :

➢ L’augmentation de l’efficience, l’efficacité ou l’équité dans les missions de service public ;

➢ L’introduction de programmes qui répondent à une nouvelle aspiration politique ou à un nouveau besoin propre à l’environnement de travail de l’organisation.

Toutefois, « alors que l’efficience était la principale préoccupation de l’administration publique bureaucratique et que l’efficience et l’efficacité sont les principales préoccupations du nouveau management public, les valeurs au-delà de l’efficience et de l’efficacité sont poursuivies, débattues, contestées et évaluées68 » (Bryson et al., 2014, p. 445). D’ailleurs, de nombreux chercheurs ne parviennent pas à trancher si la valeur publique est un concept, une théorie ou un cadre de mesure de la performance publique (Bryson et al., 2014). Stoker (2006)

66 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales :https://www.cnrtl.fr/definition/valeur

67Traduction libre de : « to increase the public value produced by public sector organizations in both the short

and the long run » (Moore, 1995, p. 10).

68 Traduction libre de : « while efficiency was the main concern of traditional public administration, and efficiency

and effectiveness are the main concerns of New Public Management, values beyond efficiency and effectiveness are pursued, debated, challenged, and evaluated in the emerging approach » (Bryson et al., 2014, p. 445).

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et O’Flynn (2007) présentent le management de la valeur publique comme un paradigme, s’éloignant ainsi de l’objectif principal de Moore (1995) qui met l’accent sur les managers publics au sommet d’une organisation fournissant des services. La littérature sur les valeurs publiques se découpe selon trois tendances (Bryson et al., 2014 ; Hartley et al., 2016) : (1) les nombreuses valeurs publiques (Bozeman, 2007 ; Meynhardt 2009), (2) la création de valeur publique définie comme la production de ce qui est soit valorisé par le public, soit qui s’ajoute à la sphère publique, soit les deux, selon différents critères (Dewey, 1939 ; Moore, 1995 ; Stoker 2006), et (3) la sphère publique dans laquelle les valeurs publiques sont développées (Benington, 2010).

Comme le montre le Tableau 9 ci-après, le débat autour de la création de la valeur publique peut prendre plusieurs formes. Tout d’abord, il peut s’agir d’une conceptualisation de la valeur comme étant celle qui est créée ou ajoutée par les activités des organisations publiques et de leurs gestionnaires (Moore, 1995, 2013). La question sous-jacente est la suivante : où, comment par et pour qui la valeur ajoutée est-elle apportée par les processus organisationnels ?

Ensuite, les valeurs publiques peuvent être envisagées comme le fruit d’un consensus entre les organisations de la sphère publique pour s’entendre sur les principes démocratiques permettant de définir ces valeurs, et la manière de les atteindre dans la pratique (Bozeman, 2007). La question posée est alors : comment se définissent les valeurs publiques portées par les organisations de la sphère publique et comment les atteindre en pratique ?

En outre, les valeurs publiques peuvent être considérées comme ce qui caractérise la qualité de la relation entre un individu et la société à un instant précis, et ce en fonction de critères psychologiques, individuels et subjectifs issus de l’expérience (Meynhardt, 2009). La question qui préfigure cette manière d’envisager la création de la valeur est donc : selon quels critères psychologiques les valeurs publiques sont-elles créées pour assurer une relation de qualité entre l’individu et la société ?

Enfin, la valeur publique peut être envisagée comme une construction alternative et améliorée pour expliquer le bien-être du public par sa contribution à la sphère publique (Benington, 2010). La question sous-jacente se formule comme suit : qu’est-ce qui ajoute de la valeur à la sphère publique ?

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Tableau 9 : Quatre contributions majeures de la littérature sur la valeur publique

Source : Tableau réalisé à partir d’une synthèse de Bryson, Crosby et Bloomberg (2014, p. 448-451)

*L’approche positive se traduit par des explications objectives de relations de cause à effet **L’approche normative fournit des prescriptions basées sur des jugements de valeur personnels ***L’approche pragmatiste fait prévaloir l’expérience dans l’explication de phénomènes en construction Auteurs Niveaux d’analyse Approches Modalités de création de valeur et impacts sur les

pratiques managériales

Moore (1995)

Niveau méso Focus sur les managers publics

Positive* État objectif du monde

pouvant être mesuré Normative** Hiérarchisation des valeurs

ü Valeurs publiques : (1) bureaucraties publiques

performantes axées sur les services (2) organismes publics efficients et efficaces dans l’atteinte des résultats sociaux (3) atteinte des conditions justes et équitables dans la société

ü Principales valeurs de la gouvernance publique

démocratique : efficience, efficacité, responsabilisation, justice et équité

ü Mise en place d’un dispositif d’évaluation de la création de valeur publique

ü Utilisation du triangle stratégique par les managers publics considérant la stratégie comme (1) la réalisation de quelque chose ayant une valeur publique (2) légitime et politiquement durable (3) faisable sur le plan opérationnel et administratif

Bozeman (2007)

Niveau macro Focus sur la société

au sens large

Positive Consensus sur les valeurs

Normative Corrections face aux manquements vis-à-vis des

valeurs publiques

ü Valeurs publiques : (1) droits, avantages et prérogatives des citoyens (2) obligations des citoyens à l’égard de la société et de l’État (3) principes fondamentaux guidant les gouvernements et les politiques

ü Création de valeur publique via le respect des critères relatifs aux valeurs publiques comprises comme une combinaison d’intrants, de processus, de produits et de mesures des résultats

ü Valeurs publiques mesurables mais difficulté du choix des critères

ü Focus sur la manière dont les institutions s’entendent sur les valeurs publiques et les modalités pratiques pour les atteindre

Meynhardt (2009)

Niveau micro Focus sur les

individus

Normative Appréhension psychologique de la valeur

Pragmatiste*** Création de valeur par

l’expérience

ü Valeur publique : ensemble de valeurs caractérisant la qualité de la relation entre un individu et la société ü Valeur accordée par un individu à une expérience fondée

sur sa capacité à répondre à ses besoins fondamentaux ü Évaluation considérée comme une réaction subjective,

émotionnelle et motivationnelle

ü Création de valeur (1) située dans les relations entre l’individu et la société (2) fondée sur les individus (3) constituée par des évaluations subjectives (4) activée et réalisée dans des états émotionnels-motivationnels et (5) produite dans des pratiques basées sur l’expérience

Benington (2010)

Niveau macro Focus sur la sphère

publique

Normative Amélioration de la sphère

publique via ses valeurs Pragmatiste Sphère publique en permanente construction

ü Sphère publique : (1) réseau de valeurs, de lieux, d’organisations, de règles, de connaissances et de ressources culturelles (2) commun pour les individus du fait de leurs engagements et leurs comportements quotidiens (3) tenu en confiance par le gouvernement et les institutions publiques

ü Définition élargie de la sphère publique pouvant s’appliquer à d’autres formes de gouvernement que la démocratie

ü Valeur publique nécessairement contestée et souvent établie par un processus continu de dialogue

ü Valeurs publiques et valeur publique détenues, créées ou diminuées dans la sphère publique vue comme un espace psychologique, social, politique, institutionnel et physique

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La valeur publique peut aussi servir de cadre de mesure et de gestion de la performance publique, alors envisagée différemment de la performance publique défendue par le Nouveau Management Public (NPM), car le focus sur les valeurs ne permet pas d’obtenir un résultat unique. Les principales approches de la valeur publique comme cadre de gestion de la performance publique distinguent : (1) un outil de mesure de la valeur publique qui propose aux gestionnaires de tenir compte des coûts, des avantages, et d’aspects moins tangibles (e.g. équité et justice sociale) (Moore, 2003), (2) l’utilisation de critères démocratiques pour déterminer comment la valeur publique est créée ou réduite (Bozeman, 2007), et (3) un outil basé sur un classement individuel et subjectif de la valeur selon différentes dimensions (e.g. morale, éthique, hédoniste, esthétique, etc.) (Meynhardt, 2009). Ces approches ont un point commun : le fait de considérer la création de valeur, et donc les critères de mesure qui en découlent, comme contingents. En effet, l’équité, la justice sociale et les principes démocratiques varient selon les pays et leurs régimes politiques, au même titre qu’un classement individuel varie d’une personne à l’autre. Dès lors, « en adoptant une vision contingente du secteur public et une logique collective de détermination de ce qui fait la valeur de ses actions, les tenants de la gestion de la valeur publique renouvellent en profondeur l’appréhension des finalités de l’action publique ainsi que les critères de jugement à prendre en compte pour en évaluer le degré d’atteinte » (Soldo, 2018, p. 78).

Si la littérature sur les valeurs publiques se découpe selon trois tendances évoquées précédemment (Bryson et al., 2014 ; Hartley et al., 2016), une quatrième approche se distingue, celle du philosophe pragmatiste Dewey (1939, 2011) avec sa théorie de la valuation. « La valuation est le processus par lequel une expérience individuelle prend sa valeur » (Innocent, 2017, p. 111). Considérée comme un processus, la valuation se compose de deux moments : une appréciation individuelle spontanée issue d’une expérience69, et l’évaluation de cette expérience qui renvoie à la formation de jugements70. L’appréciation positive ou négative ne constitue pas un jugement mais une impulsion en faveur ou défaveur d’un objet. Pour exemple : « je suis contente de prendre le bus ce matin ! ». L’évaluation se comprend comme une activité réflexive de l’individu sur les conséquences de son expérience. La « méthode de l’enquête71 »

69 Les deux verbes employés par Dewey (1939, p. 24-25) sont : prizing (qui signifie priser, donner de la valeur) et

appraising (qui veut dire apprécier).

70 Le terme employé par Dewey (1939, p. 25) est : evaluation.

71 L’enquête est une méthode scientifique pragmatiste lors de laquelle le chercheur considère l’expérience, proactive et prospective, comme un moyen pour vérifier une idée en la confrontant au réel (Dewey, 2004, p. 199). Le but des actions menées pour découvrir une idée fait prévaloir les conséquences et les moyens mis en œuvre

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y trouve une place centrale car elle permet de prendre des décisions et de résoudre des problèmes moraux et politiques (Dewey, 1939, 2004). La théorie de la valuation de Dewey (1939, 2011) renvoie à certains éléments de l’approche de Meynhardt (2009) comme le focus sur les individus et la création de valeur par l’expérience, et certains éléments de l’approche de Benington (2010) comme l’appréhension de la sphère publique en permanente construction. Toutefois, la théorie du philosophe pragmatiste offre un cadre plus large basé sur une relation réflexive entre l’individu et la société à partir de l’enquête.

Comme tout paradigme émergent, le management de la valeur a aussi ses détracteurs.

Tout d’abord, Bryson et al. (2014) recensent deux principales critiques. D’une part, le management de la valeur publique peut être utilisé comme une tactique de protection des intérêts des bureaucrates qui assurent le fonctionnement des organisations publiques. D’autre part, la rhétorique72 portée par les managers autour des valeurs publiques a déjà sapé les processus démocratiques. Toutefois, si le discours des managers peut renvoyer à la défense d’intérêts personnels (et non la défense de l’intérêt général), il peut aussi favoriser le débat sur ce qu’a été, ce qu’est et ce que devrait être l’action publique. Ensuite, Alford et O’Flynn (2009) formulent une critique à l’encontre du triangle stratégique de Moore (1995) présenté dans le Tableau 9 ci-dessus. La critique porte sur le rôle du manager public envisagé comme un super manager capable à lui seul d’articuler des logiques ascendantes et descendantes de management pour faire face à la complexité de l’environnement.

Une fois les critiques appréhendées, « ce nouveau paradigme à la fois post-bureaucratique et post-concurrentiel présente une réelle alternative pour penser l’activité gouvernementale, l’élaboration des politiques publiques et la délivrance des services publics » (Alaux, 2018, p. 95). Dès lors, quelles opportunités offrent le management de la valeur publique dans le renouvellement de l’action publique ? Soldo (2018, p. 76-79) distingue deux apports majeurs du management de la valeur publique, permettant de dépasser les limites du NPM : (1) discuter les notions d’intérêt général et d’intérêt public en passant d’une logique d’agrégation des intérêts individuels à une logique collective et contingente, (2) proposer une orientation de

pour les atteindre (Dewey, 1933, p. 12). La méthode de l’enquête est détaillée dans le 1.3.1. La théorie de l’enquête de Dewey basée sur l’abduction.

72 La rhétorique est comprise une « technique de discours ; un ensemble de règles, de procédés constituant l'art

de bien parler, de l'éloquence » (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales :

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l’action publique sur les processus stratégiques multidimensionnels, qui rompt avec l’orientation sur les résultats économiques impulsée par le NPM.

Tout d’abord, l’intérêt général se conçoit comme « la pierre angulaire de l’action publique, dont il détermine la finalité et fonde la légitimité » (Conseil d’État, 1999, p. 1). Toutefois, son caractère flou et non opérationnel est mis en avant par de nombreux auteurs (Soldo, 2018). Dans la perspective du NPM, l’intérêt général est appréhendé comme l’agrégation des préférences individuelles, qui va de pair avec la figure de l’homo oeconomicus (i.e. être humain rationnel) évoluant dans une logique néolibérale de marché, et considérant alors les usagers du service public comme des clients (Amar et Berthier, 2007). Le prise en compte de ces préférences individuelles est censée permettre à chaque intérêt d’avoir la même importance qu’un autre, et donc à chaque organisation chargée d’y répondre de n’avoir pas plus de poids qu’une autre. Compte tenu du poids des lobbying et des nombreux scandales politiques mettant à jour la satisfaction d’intérêts personnels au détriment de l’intérêt général (e.g. emplois publics réservés aux membres de la famille ou emplois fictifs), cette seule logique d’agrégation individuelle est alors apparue comme une illusion (Stiglitz, 2010). A contrario, dans la logique du management de la valeur publique, cette dernière est définie comme étant « plus qu’une simple somme des préférences individuelles des utilisateurs ou des producteurs de services publics. Le jugement sur ce qui constitue une valeur publique est le fruit d’une délibération collective à laquelle participent des représentants élus et nommés du gouvernement et les intervenants clés 73» (Stoker, 2006, p. 42). L’intérêt général est alors le fruit de l’expression de préférences déterminées collectivement à travers un processus d’échange et de délibérations entre les politiques, les administrations et les citoyens.

Ensuite, comme évoqué précédemment (cf. Figure 10), le NPM adopte un recours systématique aux mécanismes de marché, une culture du résultat et de la performance économique. Le management de la valeur publique met quant à lui l’accent sur les processus stratégiques inclusifs adoptés sur le long terme. En effet, Kelly et al. (2002, p. 11) identifient trois composantes de la valeur publique : (1) les services comme le fruit de rencontres réelles entre les utilisateurs, la répartition de la justice, de l’équité et de l’efficience considérées comme des valeurs délivrées pour les citoyens, (2) les résultats, liés aux services, mais considérés différemment, car ils englobent des aspirations plus élevées (e.g. la santé publique et la

73 Traduction libre de : « public value is more than a summation of the individual preferences of the users or

producers of public services. The judgment of what is public value is collectively built through deliberation involving elected and appointed government officials and key stakeholders » (Stoker, 2006, p. 42).

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réduction de la pauvreté), (3) la légitimité et la confiance dans le gouvernement et les acteurs publics et privés qui les soutiennent comme les éléments clefs permettant de créer la valeur publique.

Enfin, « en tant que pratique de gestion, la gestion de la valeur publique offre de nouvelles formes de responsabilisation grâce à la participation directe des utilisateurs et des intervenants à la prestation des services et à la prise de décisions74 » (Stoker, 2006, p. 53). Le management de la valeur publique offre un cadre pertinent pour repenser les modalités de gouvernance collective de l’action publique (i.e. gouvernance à l’ère numérique, gouvernance locale). Le caractère contextuel du management de la valeur publique est en cohérence avec sa forme multidimensionnelle ; les pratiques de management varient donc à fois selon le contexte (économique, social, culturel, politique, etc.), les acteurs soumis à la délibération, l’objectif et les finalités poursuivies par l’action publique.

74 Traduction libre de : « as a management practice, public value management offers new forms of accountability

through the direct involvement of users and stakeholders in service delivery and decision making » (Stoker, 2006,

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2.2.2. Manager la valeur publique dans la sobriété, quels avantages et désavantages pour les