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1 ERE PARTIE : REVUE GENERALE DE LA LITTERATURE

1. Greffe de moelle osseuse et transplantation hépatique

1.1. Greffe de moelle osseuse

1.1.6. Maladie du greffon contre l’hôte

Définition

La maladie du greffon contre l’hôte (GVH) est une complication immunologique fréquente des allogreffes de CSH. Bien que de mécanisme encore incomplètement compris, la GVH est liée à l’activation des lymphocytes T matures du greffon qui reconnaissent sur les tissus de l’hôte une différence des antigènes majeurs ou mineurs d’histocompatibilité. L’activité cytotoxique qui en résulte est alors directe (lymphocytes cytotoxiques) ou indirecte par recrutement d’autres cellules effectrices et sécrétion de cytokines (TNF, ILl et INF). Elle se traduit par des manifestations cliniques d’intensité variable touchant principalement la peau, le tube digestif et le foie.

Il en existe deux types : la GVH aiguë et chronique. La GVH aiguë apparaît dans les 100 premiers jours post greffe, le plus souvent au cours du premier mois et touchant surtout la peau, le tube digestif et le foie. L’atteinte cutanée la plus évocatrice est une éruption maculopapuleuse extensive débutant souvent au niveau des paumes des mains, des plantes des pieds et des régions rétro-auriculaires. Tous les intermédiaires sont possibles entre l’érythème localisé atypique et le syndrome de Lyell.

La GVH chronique apparaît à au moins 100 jours post-greffe, peut toucher tous les organes (notamment les yeux, les poumons et les articulations) et entraîne une forte mortalité ou invalidité.

Classification

Le classement originel de la GVH a été proposé par Glucksberg et al. en 1974 (26) et identifiait 5 catégories de patients (grades 0 à 4) en fonction des degrés d’atteinte de chaque organe cible (rash cutané, concentration sérique de la bilirubine et volume de la diarrhée). Cette classification a été largement utilisée et se trouve bien corrélée à la mortalité liée à la greffe de CSH (TRM, transplant related mortality) (27). La classification adaptée de Glucksberg et al. (26) modifiée par Armitage (28, 29), pour laquelle la GVH est classée selon sa sévérité en 4 grades cliniques, est présentée dans le tableau I. Ces grades cliniques sont fonction des stades correspondant à des degrés d’atteinte de chaque organe cible (tableau II). De manière générale, les grades I et II ont un pronostic favorable, alors que la mortalité des GVH de grade IV avoisine 100%

Tableau I. Grades de sévérité de la GVH aiguë selon la classification adaptée de Glucksberg et al. (26) modifiée par Armitage (28, 29)

Grades Glucksberg Stade peau Stade intestin Stade foie

I 1 0 0 I 2 0 0 II 0-2 1 0-1 II 0-2 0-1 1 II 3 0 1 II 3 0-1 1 II 3 0 0 III 0-2 2 0-2 III 0-2 0-2 2 III 3 0-3 2-3 III 3 2-3 0-3 III 0-3 0-3 4 IV 0-3 4 0-4 IV 4 0-4 0-4

Tableau II. Stades de sévérité de la GVH aiguë selon la classification adaptée de Glucksberg et al. (26) modifiée par Armitage (28, 29)

Stade Peau Foie Intestin

1 Eruption maculopapuleuse touchant moins de 25% de la surface corporelle Bilirubine : 2-3 mg/dL (34-50 ȝmol/L)

Diarrhée > 500 mL/jour ou nausée, anorexie ou vomissement avec confirmation d’une GH dans le tractus

gastro-intestinal haut par biopsie 2

Eruption maculopapuleuse touchant moins de 25 à 50% de la

surface corporelle

Bilirubine : 3.1-6 mg/dL

(51-102 ȝmol/L) Diarrhée > 1000 mL/jour

3 Eruption maculopapuleuse touchant plus de 25 à 50% de la surface corporelle Bilirubine : 6.1-15 mg/dL (103-255 ȝmol/L) Diarrhée > 1500 mL/jour 4

Erythrodermie généralisée avec formation de bulles et de

desquamation

Bilirubine > 15 mg/dL (>255 ȝmol/L)

Diarrhée > 1500 mL/jour et douleurs abdominales +/- iléus

Par la suite, la fondation IBMTR (International Bone Marrow Transplant Registry) a proposé une autre classification en utilisant une grande base de données de patients ayant été greffés de CSH avec un donneur apparenté (30). Cette classification est connue sous le nom de l’index de sévérité IBMTR. Le classement se fait en 5 catégories (0, A, B, C et D) basées sur les différences de TRM, avec un degré de signification de 0.05. L’index IBMTR est un bon indicateur du résultat de la greffe. Cependant, la classification classique de Glucksberg est encore utilisée dans la plupart des centres.

Facteurs de risque

De nombreuses études ont cherché à déterminer des facteurs de risque de GVH. Beaucoup de facteurs sont à prendre en compte, certains étant discutables du fait de résultats contradictoires suivant les études. Les principaux facteurs de risque retrouvés sont les suivants.

- Concentration sanguine de ciclosporine

En cas d’administrations discontinues (voie orale ou intra-veineuse), il existe des concentrations sanguines totales cibles de ciclosporine à atteindre pour une efficacité

suffisante de la ciclosporine associée à un moindre de risque de toxicité. Lorsque les concentrations sont mesurées sur un prélèvement effectué juste avant le début de l’administration suivante, il s’agit de concentrations résiduelles (C0). Depuis les années 80, de nombreuses études ont montré une corrélation entre la C0 de ciclosporine et le risque de GVH aiguë (31-36). Plus tard, cette corrélation a également été confirmée en greffe de CSH pédiatrique (37-42). De la même manière, plus la concentration de ciclosporine est faible 5 heures après l’administration, plus le risque de GVH aiguë sévère est important (43). Quelques études n’ont cependant pas retrouvé cette corrélation entre la C0 et le risque de GVH (44-46). Lorsque la ciclosporine est administrée en perfusion continue, pour rendre le risque de GVH acceptable, il faudrait augmenter la concentration cible de ciclosporine à 450-500 ng/mL (47). Ces résultats montrent l’importance d’un suivi thérapeutique précis de la ciclosporine et de l’ajustement de ses doses pour atteindre les concentrations cibles.

- Origine des CSH

Il semblerait que les GVH aiguës de type II à IV soient plus fréquentes lorsque les CSH sont issues du sang périphérique plutôt que de la moelle osseuse (48). Cet effet de l’origine des CSH a été évalué par de nombreuses études et se trouve de manière constante associée avec les GVH chroniques (49-60) et de manière un peu moins fréquente avec les GVH aiguës (53, 54).

- Donneur apparenté ou non

En cas de LAM, il a été retrouvé une incidence plus importante de GVH chroniques extensives en cas de donneur non apparenté versus apparenté (61). Cependant, la survie globale à 4 ans a été similaire entre les deux groupes (61). Des GVH aiguës sévères (grades III et IV) plus fréquentes lorsque le donneur était non apparenté que lorsqu’il l’était ont été observées mais la différence n’était pas significative (p = 0.056) (35).

- Disparité HLA entre le donneur et le receveur

Plusieurs études montrent qu’une disparité HLA (ou le « mismatch ») importante est un facteur de risque de GVH (3, 62-66). L’utilisation de sérum anti-lymphocytaire (SAL) permet de diminuer le risque. Chez les enfants atteints de GVH chronique, cette disparité est significativement associée à de moins bons résultats en terme de survie (67).

- Age du receveur

Il s’agit d’un facteur de risque pour certaines études (68-70) mais pas pour d’autres études comme celle de Storb (71). Par ailleurs, les très jeunes patients auraient un faible risque de GVH aiguë (72). Chez les enfants atteints de GVH chronique, l’âge supérieur à 10 ans est significativement associé à de moins bons résultats en terme de survie (67).

- Sexe du donneur et du receveur

Le couple donneur de sexe féminin et receveur de sexe masculin est associé à un plus grand risque de GVH aiguë sévère (66). Une incidence plus élevée de GVH chroniques a également été retrouvée lorsque le donneur était une femme par rapport à un homme (69, 73). - Infections virales ou bactériennes

La sérologie positive à certains virus du groupe Herpès chez le donneur ou chez le receveur peut également être considérée comme un facteur de risque de GVH (64, 74). La présence d’une infection bactérienne pendant la période péritransplantation (de 3 mois avant la greffe à 100 jours post greffe) est un facteur de risque de GVH (75).

- GVH aiguë

La GVH aiguë, en particulier de grade II à IV, est un des facteurs de risque les plus importants de l’apparition d’une GVH chronique chez les adultes (68, 69) comme chez les enfants (75, 76).

- Type de perfusion de cyclosporine

Il semblerait que le mode d’administration de la ciclosporine en perfusion intra-veineuse continue soit moins efficace en augmentant l’incidence des GVH aiguës sévères par rapport aux perfusions discontinues (3).

- Indication de la greffe

La LAM est un facteur de risque de GVH (70). Chez les patients greffés de moelle osseuse avec un donneur non apparenté, la LMC est associée à un risque plus important de GVH aiguë sévère (66).

- Etat d’avancement de la maladie au moment de la transplantation

Chez les enfants atteints de GVH chronique, plus l’état d’avancement de la maladie au moment de la transplantation était important, moins la survie est bonne (67).

- Administration de G-CSF

L’administration de facteurs de croissance spécifique des polynucléaires neutrophiles (GCSF) semblerait associée à une augmentation des GVH aiguës et chroniques (77).

- Conditionnement

Le conditionnement d’intensité réduite est associé à une diminution des GVH (66, 78-80). - Traitement prophylactique de la GVH

Deux grands essais cliniques randomisés de phase III comparant tacrolimus et methotrexate versus ciclosporine et methotrexate ont montré qu’il y avait une réduction significative de l’incidence des GVH aiguës chez les patients recevant le tacrolimus (81-83). Par la suite, ce résultat a été confirmé par une autre étude (66). Cependant, les deux essais n’ont pas montré de différence concernant les GVH chroniques et dans l’étude impliquant des greffes avec donneur apparenté, la survie globale a été en fait moins bonne dans le bras tacrolimus (83).

Analyse à partir de facteurs de risque combinés

Des analyses avec des facteurs de risque combinés ont également été réalisées. Par exemple, en 2012, l’équipe de Jagasia a déterminé 6 catégories de patients en fonction du type de conditionnement de greffe, de l’origine des cellules souches et le type de donneur. Chez les patients dont le donneur était apparenté, il a été montré que les patients ayant eu un conditionnement myéloablatif sans irradiation totale et dont l’origine de la greffe était la moelle osseuse ainsi que chez les patients ayant eu un conditionnement d’intensité réduite et dont l’origine de la greffe étaient les cellules souches périphériques avaient un risque significativement réduit de GVH aiguë de grade B à D par rapport aux autres groupes (66).

Par ailleurs, compte tenu de la grande quantité de facteurs de risque retrouvés dans la littérature et leur grande variabilité, à partir d’un grand nombre de patients une étude a élaboré des scores de risques en fonction de plusieurs facteurs de risque de GVH chronique. Le score de risque multicritère de mortalité à 5 ans non liée au rejet prend en compte les 10 facteurs suivants : âge, GVH aiguë précédente, temps entre la greffe et la GVH chronique, le type de donneur, le statut de la maladie au moment de la transplantation, la prophylaxie de la GVH, la différence de sexe entre le donneur et le receveur, la bilirubine sérique, le socre de Karnofsky et le taux de plaquettes. Six groupes de risque ont été déterminés, dont le risque de mortalité à

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