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1 ERE PARTIE : REVUE GENERALE DE LA LITTERATURE

2. Médicaments immunosuppresseurs inhibiteurs des calcineurines

2.5. Effets de covariables sur la PK

2.5.3. Covariables génétiques

La ciclosporine et le tacrolimus sont des substrats des enzymes du Cytochrome P450 (CYP) 3A, en particulier CYP3A4 et CYP3A5 (125, 146). La ciclosporine et le tacrolimus sont également des substrats de la P-gp (163). Ces enzymes du métabolisme dans l’intestin et dans le foie contribuent aux différences intra et interindividuelles au niveau de la PK de la ciclosporine et du tacrolimus (164).

Le CYP 3A5

Le polymorphisme ou SNP (single nucleotid polymorphism) du CYP3A5 situé au niveau de l’intron 3 (6986A>G) est la première cause du polymorphisme du gène du CYP3A5 (165, 166). L’allèle sauvage est noté CYP3A5*1 et l’allèle muté est noté CYP3A5*3. Les 3 génotypes possibles sont donc les suivants :

- homozygotes sauvages : CYP3A5*1/*1 (A/A) - hétérozygotes : CYP3A5*1/*3 (A/G)

- homozygotes mutés : CYP3A5*3/*3 (G/G)

Ce polymorphisme entraîne un splicing alternatif conduisant à la formation d’une protéine tronquée. La présence d’un seul allèle CYP3A5*1 (AA6986) a été associée à l’expression du CYP3A5. Les sujets hétérozygote (CYP3A5*1/*3), porteurs d’au moins un variant allélique ont une activité enzymatique CYP3A5 similaire à celle des homozygotes CYP3A5*1/*1. La présence de l’allèle CYP3A5*3 à l’état homozygote (CYP3A5*3 /*3) est associée à une absence d’expression de la protéine CYP3A5.

D’après Blanco (165), la fréquence des génotypes CYP3A5 chez les sujets caucasiens est :

CYP3A5*1/*1 : 1.2% CYP3A5*1/*3 : 16.8%

CYP3A5*3/*3 : 82.0%

La répartition est différente pour les sujets africains : CYP3A5*1/*1 : 48.4%

CYP3A5*1/*3 : 45.2% CYP3A5*3/*3 : 6.4%

Concernant la ciclosporine, quelque soit l’origine ethnique, l’influence du SNP CYP3A5 6936A>G reste incertaine. En effet, un certain nombre d’études n’a pas trouvé d’influence du génotype du CYP3A5 sur la PK de la ciclosporine (167-171). D’autres études ont cependant trouvé que les concentration résiduelles ajustées sur les doses étaient plus faibles chez les porteurs de l’allèle CYP3A5*1 que chez les sujets homozygotes mutés (107, 131, 172-174)

avec une clairance de la ciclosporine plus importante chez les sujets porteurs de l’allèle CYP3A5*1 (114).

Concernant le tacrolimus, contrairement à la ciclosporine, une relation forte est retrouvée entre le SNP 6986A>G du CYP3A5 et sa PK, chez les patients transplantés hépatiques, cardiaques et rénaux. En effet, dans la littérature, d’une manière générale, les études sont concordantes et on retrouve donc que chez les patients porteurs d’au moins un allèle CYP3A5*1, la clairance du tacrolimus est significativement supérieure aux patients ayant un génotype CYP3A5*3/*3. Les études ayant montré un effet du génotype du donneur et/ou du receveur sur la clairance du tacrolimus chez le patient transplanté sont détaillées dans le tableau III. Par ailleurs, un très grand nombre d’études a également rapporté des concentrations (C0 et C2) ou des AUC ajustées à la dose significativement plus importantes et/ou des doses requises significativement réduites chez les sujets porteurs d’au moins un allèle CYP3A5*1 que chez les sujets homozygotes CYP3A5*3/*3, ce qui est cohérent avec le métabolisme réduit de l’allèle muté (175).

En transplantation rénale, les sujets homozygotes mutés CYP3A5*3 nécessitent donc des doses environ 2 fois plus faibles de tacrolimus que les sujets porteurs de l’allèle CYP3A5*1 (131, 172, 176, 177). Chez ces patients transplantés rénaux, le génotype du CYP 3A5 du receveur explique en partie la variabilité PK interindividuelle du tacrolimus (178). A 2 ans post-transplantation rénale, les résultats cliniques de la transplantation sont équivalents quelque soit le génotype du CYP3A5 du donneur et du patient transplanté (178).

En transplantation hépatique, les patients dont le donneur est porteur d’au moins un allèle CYP3A5*1 nécessitent des doses plus importantes que les autres patients pour atteindre la même concentration résiduelle cible (179).

Tableau III. Clairance du tacrolimus en fonction du génotype du CYP3A5 nombre et type de patients Origine des patients transplantation Temps après la génotype du : apparente clairance

du : Résultat Référence donneur receveur *1/*1 + *1/*3 > *3/*3 73 donneurs et 73 transplantés hépatiques

adultes chinois 1 à 175 jours

receveur receveur *1/*1 + *1/*3 > *3/*3 (180) 60 donneurs et 60

transplantés hépatiques

adultes japonais 0 à 50 jours receveur receveur *1/*1 + *1/*3 > *3/*3 (181)

65 donneurs et 130 transplantés hépatiques

enfants chinois 0 à 50 jours donneur receveur *1/*1 + *1/*3 > *3/*3 (182) 134 transplantés

rénaux adultes caucasien

12 mois après

transplantation receveur receveur

*1/*1 + *1/*3 > *3/*3

(61 vs 20 mL/h) (183) 41 transplantés

rénaux adultes caucasien

Au moins 6 mois de traitement par

tacrolimus

receveur receveur

*1/*1 + *1/*3 > *3/*3 (2 fois plus grande chez

les expresseurs)

(184) 39 transplantés

rénaux adultes japonais

28 jours après

transplantation receveur receveur

*1/*1 + *1/*3 > *3/*3

(0.6 vs 0.2 L/h/kg) (185) 50 transplantés

rénaux adultes japonais

28 jours après à 1 an après transplantation

receveur receveur

*1/*1 diminue plus vite que *3/*3 (0.6-0.4 vs

0.4-0.3 L/h/kg)

(129) 59 transplantés

rénaux adultes caucasien

3 mois après

transplantation receveur receveur

*1/*3 > *3/*3

(31.4 vs 17.8 L/h) (186) 50 transplantés

rénaux enfants caucasien

1 mois après

transplantation receveur receveur

*1/*1 + *1/*3 > *3/*3

(117.5 vs 97.2 mL/min) (187) 78 transplantés

pulmonaires adultes caucasien

1 an post

transplantation receveur receveur

*1/*1 + *1/*3 > *3/*3

(24.5 vs 17.5 L/h) (188) 20 volontaires

sains adultes japonais NA NA NA

*1/*1 + *1/*3 > *3/*3 (1.3 vs 0.7 L/h/kg) (189) 19 patients en attente de transplantation rénale

adultes mixte NA NA NA *1/*1 + *1/*3 > *3/*3 (18 vs 7 mL/min/kg) (190)

La glycoprotéine P (P-gp, Permeability glycoprotein)

La P-gp est une protéine de transport transmembranaire de nombreuses substances exogènes. La P-gp peut est également appelée ABCB1 (ATP-binding cassette sub-family B member 1) ou MDR1. Sa fonction normale est d’évacuer hors des cellules ces substances

étrangères (191). La P-gp se trouve dans de nombreux tissus dont le tubule contourné proximal du rein et les barrières intestinale (surface apicale) et hémato-encéphalique mais également au niveau du foie et du pancréas. Elle influence la biodisponibilité de nombreux médicaments, par le pompage de ceux-ci vers la lumière du système digestif. Elle se trouve également à la surface des lymphocytes du système immunitaire. La P-gp est codée par le gène MDR1 (ou ABCB1) et possède un polymorphisme chez l’humain, amenant des variations interindividuelles de l’absorption de certains médicaments dont la ciclosporine. Par ailleurs, le polymorphisme génétique du gène de la P-gp influence la concentration intracellulaire de la ciclosporine de façon plus importante que la concentration sanguine totale (173). Ainsi, ceci module l’activité immunosuppressive de la ciclosporine.

Le SNP le plus étudié est situé au niveau de l’exon 26 du gène MDR1 (3435C>T). - homozygotes sauvages (C/C)

- hétérozygotes (C/T) - homozygotes mutés (T/T)

Les sujets homozygotes sauvages ont une forte expression de la P-gp intestinale. Les sujets hétérozygotes ont une expression intermédiaire de la P-gp. Enfin, les sujets homozygotes mutés auraient une plus faible expression de la P-gp intestinale.

Concernant la ciclosporine, l’effet du SNP 3435C>T de la P-gp sur la PK reste incertain du fait de résultats d’études non cohérents. En 2010, plus d’une quinzaine d’études a été répertoriée par Staatz (175) et la majorité des études n’a pas trouvé d’association (131, 167, 168, 171-174, 192-194). Deux études en transplantation rénale ont cependant retrouvé que plus l’expression de la P-gp était importante, plus la concentration résiduelle ajustée sur la dose était faible (107, 195). Par ailleurs, la ciclosporine est un substrat mais également un inhibiteur de la P-gp (196, 197). Des différences dans le degré d’inhibition entre les études dues à des différences de concentrations sanguines de ciclosporine peuvent limiter ou obscurcir le sens des effets et expliquer les résultats incohérents.

Concernant le tacrolimus, l’effet du SNP 3435C>T de la P-gp sur la PK reste également très incertain. En effet, d’après la revue de Staatz en 2010 (175), la majorité des études (plus d’une vingtaine) n’a pas mis en évidence d’association entre le génotype de la P-gp et la PK du tacrolimus. En terme de résultats cliniques, à 2 ans post-transplantation rénale et traitement par tacrolimus, une étude récente a montré qu’ils étaient équivalents quelque soit le génotype

même montré une concentration résiduelle ajustée à la dose plus grande (171, 198-202) et des doses requises plus petites (171, 199, 200, 203) chez les patients avec le génotype T/T (homozygotes mutés) que ceux avec le génotype C/C (homozygotes sauvages).

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