2 David Thomson Op. cit., p..212.
3 Sun Tzu. L’art de la guerre. Paris : Hachette Littératures, juin 2001.
4 Traduction de l’auteur. Timothy L. Thomas. « Russia’s Reflexive Control Theory and the Military ». Journal of Slavic Military
Studies. Londres : Taylor and Francis Group, 2004, n°17, p. 237.
5Jérémie Dunand. « The State : la série sur l’Etat islamique qui fait polémique outre-Manche débute sur Canal+ ». Allociné [en
ligne]. Paris : site de allocine.fr, 3 septembre 2017 [mis en ligne le 03/10/17]
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a suscité outre-manche, certains médias comme le Daily Mail1, l’accusant d’être une vidéo de recrutement
pour l’EI et un poison. Toutefois, on peut imaginer l’impact qu’un film ou une série aussi populaire que
Game of Thrones pourrait avoir, en interaction avec les réseaux sociaux. Elle permettrait notamment
d’illustrer différents processus de radicalisation, ce que The State ne fait pas, et de mettre en lumière les méthodes de recrutement. L’objectif final recherché serait naturellement de décrédibiliser les groupes djihadistes et leur idéologie par l’intermédiaire d’un phénomène culturel de société.
NE PAS RELACHER L’EFFORT DEVANT LES DIFFICULTES ACTUELLES DE L’EI
Depuis la perte symbolique de la ville syrienne de Kobané, en janvier 2015, et l’échec de son offensive pour la reprendre en juin, l’EI a enregistré une série ininterrompue de défaites et de reculs. Alors qu’il s’est replié dans le réduit de Deir-Ezzor, à la frontière syro-irakienne, sa chute semble, désormais, inévitable. On assiste également à un reflux du nombre des FTF puisqu’un seul départ de français pour la Syrie a été enregistré depuis janvier 2017, contre six retours. En septembre 2017, 693 adultes français et 504 enfants nés en France ou de parents français se trouvaient encore en Syrie-Irak2. Selon François-
Bernard Huyghe, les revers militaires de l’EI pèsent aussi sur sa propagande dont la qualité s’en ressentirait3. D’autre part, il est à noter que, le 28 septembre, l’agence de l’EI al-Fourqane a diffusé un
enregistrement audio d’Abou Bakr al-Baghdadi dans lequel il parait prendre acte de la défaite du califat en affirmant que « les chefs de l'État islamique et ses soldats se sont rendu compte que pour obtenir la
grâce de Dieu et la victoire, il faut faire preuve de patience et résister face aux infidèles, quelles que soient leurs alliances »4.
De fait, faisant une fois de plus la démonstration de sa grande capacité d’adaptation, l’EI a déjà anticipé sa chute, ou plutôt, son retour à la clandestinité sous une forme analogue à celle d’Al-Qaïda, dès qu’il aura perdu ses derniers territoires. Comme l’a indiqué le général américain Volet, dans son rapport du 12 janvier 2017, la propagande djihadiste insiste par conséquent sur la prééminence de l’idée du califat et non plus sur sa réalité physique5. L’émergence d’un califat virtuel doit ainsi offrir une « e-citoyenneté » a
des millions de musulmans dépossédés d’une identité nationale claire par des décennies de conflits intercommunautaires et frontaliers6. Il faut donc s’attendre à une intensification de l’activité de l’EI dans
1 Christopher Stevens. « Pure poison… it’s like a Nazi recruiting film fron the 1930s : CHRISTOPHER STEVES reviews The
State ». The Daily Mail [en ligne]. Londres : site du dailymail.co.uk, 21 août 2017 [mis en ligne le 21/08/17]
<http://www.dailymail.co.uk/tvshowbiz/article-4807862/CHRISTOPHER-STEVENS-reviews-Channel-4-s-State.html> [consulté le 12/11/17].
2 LCI. « Daech : le nombre de Français rejoignant ou quittant la Syrie et l’Irak a massivement chuté en 2017 ». LCI Société [vidéo
en ligne]. Paris : site de lci.fr, 14 septembre 2017 [mis en ligne le 14/09/17] <http://www.lci.fr/societe/daech-etat-islamique-le- nombre-de-francais-partant-ou-revenant-de-syrie-et-d-irak-a-massivement-chute-en-2017-djihad-2064464.html> [consulté le 12/11/17].
3 Entretien avec FB Huyghe.
4 Huffpost. « Daech diffuse un enregistrement audio de son chef Abou Bakr al-Baghdadi, donné pour mort plusieurs fois ». Huffpost
[en ligne]. Paris : site du huffingtonpost.fr, 2017 [mis en ligne le 28/09/17] <http://www.huffingtonpost.fr/2017/09/28/daech- diffuse-un-enregistrement-audio-de-son-chef-abou-bakr-al-baghdadi-donne-pour-mort-plusieurs-fois_a_23226429/> [consulté le 12/11/17].
5 France inter. « Le groupe Etat islamique se prépare au califat virtuel ». France inter [en ligne]. Paris : site de franceinter.fr, 2017
[mis en ligne le 06/10/17] <https://www.franceinter.fr/monde/le-groupe-etat-islamique-se-prepare-au-califat-virtuel> [consulté le 12/11/17].
6 Général Joseph Votel, lieutenant-colonel Christina Bembenek, Charles Hans, Jeffery Mouton, Amanda Spencer. « #Virtual
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le domaine de la propagande, y compris terroriste, en dépit de la contraction de ses moyens de communications1. Du reste, la revendication de la fusillade du 1er octobre 2017 à Las Vegas semble
marquer une évolution de sa stratégie vers un certain opportunisme, puisque le lien entre l’organisation djihadiste et le tueur n’est pas encore établi. Paradoxalement, ce flou porte atteinte à la crédibilité de la propagande djihadiste.
Une autre conséquence réside dans la vraisemblable résurgence de la propagande d’Al-Qaïda qui pourrait saisir cette opportunité pour reprendre le dessus dans sa compétition avec l’EI. Cette compétition pourrait s’intensifier tant sur d’autres fronts du djihad, comme au Sinaï, au Sahel ou en Afghanistan, que par la recrudescence des attentats auxquels on assiste d’ores et déjà, notamment en Europe2 et plus
particulièrement en France où douze tentatives d’attentats ont été déjouées entre janvier en septembre 20173. Alain Rodier indique d’ailleurs que, de manière inédite, le numéro 5 de la revue d’Al-Qaida,
Inspire Guide, analyse la méthodologie de l’attentat commis à Londres le 22 mars 2017 et revendiqué par
l’EI dans son numéro 8 d’Al-Rumiyah paru en avril. Ainsi, « Les deux organisations invitent les
“combattants solitaires“ à passer à l’action partout où cela est possible avec les moyens dont ils disposent »4. Parallèlement, la propagande d’Al-Qaida chercherait dorénavant à capitaliser sur la défaite
de l’EI, en l’identifiant à une punition divine qui légitimerait sa stratégie de frapper d’abord « l’ennemi lointain », c’est-à-dire, l’Occident. Quoi qu’il en soit, ces divisions méritent d’être attisées par la propagande contre-djihadistes.
Dans le cas de la France, plus que jamais, la menace est constituée par des éléments exogènes particulièrement durs et aguerris, résidus des FTF rentrant du Levant ou emprisonnés en métropole, et des éléments endogènes représentés par des jeunes radicalisés cherchant à opérer sur le sol national. Plus délicat encore, le phénomène des femmes et des enfants ultra-radicalisés dans les zones de djihad où plusieurs d’entre eux sont nés, pose dès à présent un problème inédit de société majeur. Outre le danger que ces « lionnes et lionceaux du califat » font courir à la société, c’est la question de la possibilité de leur adaptation à notre société qui se pose, tant les femmes djihadistes se montrent généralement plus fanatiques que les hommes, d’une part, et ces enfants ont été entrainés à tuer, voire, ont déjà tué, d’autre part. Il est donc vraisemblable qu’ils souffrent et souffriront toute leur vie de syndromes post- traumatiques irrémédiables. Du reste, les limites actuelles de la déradicalisation nous interroge nécessairement sur l’avenir que notre société pourra leur offrir, sauf à les « contre-endoctriner », à l’image de ces programmes saoudiens sujets à caution, ce que nos valeurs démocratiques exclues formellement.
Washington : site du cnas.org,2017 [mis en ligne le 12/01/17] <https://www.cnas.org/publications/reports/virtual-caliphate> [consulté le 12/11/17].
1 Entretien avec la DGSI
2 Edouard Vuiart. Gérer l’après-Daech. Mémoire de Défense, Sécurité et Gestion de crises. Paris : IRIS Sup, 2017, p. 93-95. 3 Le Dauphiné libéré. « Les douze projets d’attentats déjoués depuis janvier ». Le Dauphiné libéré [en ligne]. Paris : site de
ledauphine.com, 2017 [mis en ligne le 13/09/17] <http://www.ledauphine.com/france-monde/2017/09/13/les-douze-projets-d- attentats-dejoues-depuis-janvier> [consulté le 12/11/17].
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Une organisation pragmatique de la communication contre-djihadiste doit permettre le déploiement d’une stratégie alliant à la fois la verticalité de la conception et l’horizontalité de la mise en œuvre. Elle doit également favoriser les synergies entre les différents acteurs, publics et privés, séculiers et religieux, civils et militaires, le but commun étant la mise hors d’état de nuire de la propagande djihadiste et du salafisme djihadiste, en général. De ce point de vue, certains comme Xavier Crettiez font « le pari que
nous sommes en queue de comète », considérant que « la chute de Daesh aura deux effets. Cela va tuer le mythe. Mais aussi, cela va laisser des soldats perdus, avec un risque d’attentats élevés »1. Par
conséquent, on aurait bien tort de croire que la fin de l’EI, en tant que réalité territoriale, sonnera le glas de la communication contre-djihadiste. Au contraire, il apparait, plus que jamais, indispensable d’intensifier sa conception, sa construction et son organisation car la guerre de l’information pour s’assurer le contrôle des populations musulmanes, notamment sur Internet, sera un front encore plus fondamental pour l’internationale djihadiste.