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Maintien et renouvellement du cortex

Chapitre 1 : Introduction

A. Le testicule et la glande surrénale : développement et fonctions

4. La glande surrénale : développement et fonction

4.3. Maintien et renouvellement du cortex

Le cortex surrénalien est un tissu dynamique capable de réagir en fonction des besoins physiologiques de l’organisme. Le cortex peut moduler la taille de la zone fasciculée et

glomérulée en réponse au système rénine-angiotensine et à l’axe hypothalamo-hypophysaire grâce à son remodelage. À la suite d’une atteinte profonde, la glande surrénale peut se régénérer. Ce sont les populations de cellules souches et de cellules progénitrices qui sont mobilisées afin d’assurer l’homéostasie, le renouvellement et la zonation au sein du cortex surrénalien.

Les premières expériences mettant en évidence l’existence de cellules souches dans la surrénale ont été faites par énucléation de la surrénale. Cette technique consiste à faire une incision de la capsule puis de comprimer la glande surrénale afin d’expulser l’intérieur de la glande surrénale et de ne laisser que la partie capsulaire et sous-capsulaire. Chez le rat, 30 jours après énucléation, la formation d’un néocortex fonctionnel a pu être observée chez ces animaux, suggérant la présence de cellules souches dans la partie capsulaire/sous-capsulaire (Bland, Desclozeaux, and Ingraham 2003; Greep and Deane 1949). C’est à la suite de cette étude que le modèle de migration centripète a été suggéré pour la première fois.

Chez la souris, les expériences de traçage ont mis en évidence que les cellules GLI1+ contribuent au renouvellement du cortex en se différenciant en cellules stéroïdogéniques de la zG et de la zF (King, Paul, and Laufer 2009). Cette population de cellules souches capsulaires GLI1+ peut former des progéniteurs SHH+ ainsi que des cellules corticales qui formeront la zG (cellules NR5A1+/CYP11B2+) et la zF (cellules NR5A1+/CYP11B1+) (King, Paul, and Laufer 2009). Toujours dans cette même étude, le groupe de Laufer démontra qu’il existe deux populations sous-capsulaires de cellules NR5A1+/SHH+ dans l’adrénocortex embryonnaire n’exprimant pas Cyp11b2 ou Cyp11b1. Toujours par des études de traçage , ils ont montré que ces populations de cellules sont capables de migrer de façon centripète au sein du cortex et de se différencier en cellules NR5A1+/CYP11B2+ de la zG et en cellules NR5A1+/CYP11B1+ de la zF (King, Paul, and Laufer 2009). Plus récemment, il a été démontré dans un modèle murin que les cellules exprimant Shh n’ont pas une capacité proliférative plus importante que les autres types cellulaires du cortex, mais sont capables de se renouveler afin de maintenir une réserve de cellules progénitrices (Finco, Lerario, and Hammer 2018; Walczak et al. 2014). Une autre étude de traçage a confirmé la transition des cellules du zG en cellules du zF et le modèle de migration centripète. Pour cette étude, l’expression de la GFP (Green Fluorescent Protein) a été mise sous le contrôle du promoteur de Cyp11b2 afin de suivre le devenir des

cellules de la zG (Freedman et al. 2013). De jeunes souris adultes ont été traitées avec de la dexaméthasone (un glucocorticoïde de synthèse qui va entrainer une atrophie de la zF) puis le suivi de la régénération de la zF a été effectué (Freedman et al. 2013). Cette étude démontra clairement que les cellules GFP+ colonisaient la zF et étaient responsables de sa régénération (Freedman et al. 2013). Cependant, ce même groupe a démontré lors de la même étude que l’invalidation spécifique de Nr5a1 dans les cellules de la zG n’empêchait pas le développement et maintien de la zF malgré l’absence de la zG (Freedman et al. 2013). Les auteurs de cette étude ont proposé différentes hypothèses permettant d’expliquer la formation de la zF dans cette condition particulière d’absence de zG. Il a été proposé que si la migration centripète était normalement favorisée, il était possible qu’une population de cellules souches et/ou progénitrices pouvait se différencier directement en cellules de la zF sans passer par le stade de cellule de la zG. Il a été aussi proposé qu’il pouvait exister une population de cellules progénitrices dans la zone X et que cette population pourrait reformer une zF à la suite de la perte de la zG induite par la délétion spécifique de Nr5a1 (Freedman et al. 2013). Chez des souris mâles adultes où une gonadectomie a été pratiquée (Hershkovitz et al. 2007) ou lors de la délétion spécifique dans le cortex du gène Prkar1a (Protein kinase, cAMP dependent regulatory, type I, alpha) (Sahut-Barnola et al. 2010), une prolifération des cellules de la zone X a été observée, suggérant la présence éventuelle de cellules progénitrices dans cette zone.

Malgré ces études, certains doutes persistaient sur la contribution réelle de la population de cellules progénitrices au maintien de la glande surrénale alors qu’il était possible que l’action des cellules SHH+ soit seulement indirecte via la perte du signal GLI+ dans les cellules souches. Une étude plus récente de traçage a permis de raffiner le modèle de zonation/maintien/renouvellement du cortex surrénalien et de confirmer le rôle des cellules progénitrices dans ce processus par l’utilisation de modèles de souris exprimant des gènes rapporteurs sous le contrôle de promoteurs inductibles de Gli et Shh (Finco, Lerario, and Hammer 2018). Cette étude a permis de démontrer que les cellules SHH+ étaient responsables du maintien de l’homéostasie de l’adrénocortex dans les glandes surrénales. Cependant, les cellules GLI+ jouent un rôle dans la régénération de l’adrénocortex à la suite d’un traitement à la dexaméthasone. En fait, les cellules GLI+ contribuent à la régénération précoce de la glande surrénale (mais les cellules dérivées de cette population de cellules ne sont pas maintenues à

plus long terme) tandis que les cellules SHH+ assurent le renouvellement à plus long terme de l’adrénocortex (Finco, Lerario, and Hammer 2018) (Figure 1.4).

La voie WNT/CTNNB1 est également importante dans le contrôle de la différenciation des progéniteurs surrénaliens. Dans la surrénale adulte, CTNNB1 est colocalisée avec SHH (Walczak et al. 2014). Comme vu précédemment, chez la souris présentant une perte partielle de CTNNB1 dans les cellules NR5A1+, une diminution de la taille du cortex est constatée, ce qui suggère un défaut dans le renouvellement du cortex (Kim et al. 2008). Le rôle de la voie des WNTs dans l’homéostasie du cortex a été montré par des études de traçage qui ont révélé que les cellules AXIN2+ (cellules répondant à la signalisation déclenchée par la voie des WNTs) de la zG peuvent donner des cellules différenciées CYP11B2+ de la zG. Ces cellules migrent ensuite de façon centripète pour intégrer les cellules de la zF et exprimer Cyp11b1 (Finco, Lerario, and Hammer 2018). Tout comme les cellules SHH+, les cellules AXIN2+ contribuent également à la régénération de la zF à la suite d’un traitement à la dexaméthasone. De plus, l’inactivation de CTNNB1 dans les cellules AXIN2+ entraine un dérèglement de la régénération et des défauts d’organisation à la fois dans la zG et la zF (Finco, Lerario, and Hammer 2018).

Il a été suggéré que d’autres facteurs incluant GATA6 et NR0B1 pouvaient être impliqués dans les processus de maintien et renouvellement de l’adrénocortex, mais aucune étude de traçage n’a été effectuée pour ces facteurs. Chez l’adulte, le facteur de transcription GATA6 est exprimé dans les cellules capsulaires et sous-capsulaires et a la capacité d’inhiber la transcription de Shh et Gli1 dans le cortex (Pihlajoki et al. 2013). Dans un modèle murin de délétion conditionnelle de Gata6 dans les cellules exprimant Nr5a1, les animaux développent de nombreux problèmes au niveau de la surrénale (cytomégalie, cellules chromaffines dans le cortex, amincissement du cortex, etc.) ainsi que l’expression de marqueurs gonadiques (Pihlajoki et al. 2013). De plus, les souris Gata6flox/flox; Nr5a1cre présentent une zonation adrénocorticale aberrante avec des femelles ne développant pas de zone X et des mâles ne développant pas de nouvelle zone X après orchidectomie (Pihlajoki et al. 2013). Quand Gata4 et Gata6 sont inactivés dans les cellules NR5A1+, une hypoplasie de la surrénale est observée chez le mâle comme chez la femelle. Cependant les femelles meurent avant l’âge du sevrage d’insuffisance surrénalienne tandis que les mâles survivent grâce à la production ectopique de

Figure 1.4. Maintien de l’homéostasie du cortex surrénalien chez l’adulte.

Modèle décrivant le développement des cellules du cortex afin de maintenir l’homéostasie du cortex chez l’adulte en condition physiologique (panneau A) et lors de la régénération (panneau B). En condition physiologique, ce sont les progéniteurs (SHH+/NR5A1+) situés dans la zone sous capsulaire qui migrent de façon centripète et se différencient progressivement afin de donner les cellules CYP11B2+ puis CYP11B1+ avant d’entrer en apoptose à la jonction zF/médulla. La régénération à court terme fait appel aux cellules souches de la zone capsulaire qui se différencient en cellules stéroïdogéniques qui ne seront cependant pas conservées pour une longue période. La régénération à long terme se fait principalement suite à la prolifération des cellules progénitrices et à leur migration/différenciation. Les flèches indiquent la migration centripète des cellules et la couleur fait référence à la cellule d’origine. Modifiée de (Finco, Lerario, and Hammer 2018).

glucocorticoïdes au niveau du testicule par des cellules s’étant différenciées et exprimant les marqueurs adrénocorticaux (Padua et al. 2014; Padua et al. 2015).

Enfin, NR0B1, tout comme les protéines décrites précédemment, est exprimée dans la région sous-capsulaire de l’adrénocortex (Kim and Hammer 2007). Son rôle dans le contrôle de l’expression de Nr5a1 (Xing et al. 2017; Vilain et al. 1997) suggère également que NR0B1 pourrait être impliquée dans le recrutement des cellules souches ou le contrôle de la différenciation des cellules progénitrices. L’ACTH et les glucocorticoïdes pourraient également être impliqués dans ce processus puisque l’expression de Nr0b1 est inhibée par l’ACTH et activée par les glucocorticoïdes (Gummow et al. 2006; Ragazzon et al. 2006). Enfin, une dégénérescence progressive de la glande surrénale est également observée chez les souris Nr0b1-/Y (Scheys, Heaton, and Hammer 2011).