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Maintenir l’excellence de nos formations et renforcer les liens entre la recherche publique

Dans le document LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES (Page 171-174)

E. POUR COMBLER NOTRE RETARD, LA NÉCESSITÉ DE MOBILISER LE CAPITAL

2. Maintenir l’excellence de nos formations et renforcer les liens entre la recherche publique

a) La formation initiale : un atout à conserver

S’il est donc bien un point qui a fait l’unanimité auprès des personnes auditionnées par votre commission d’enquête, c’est l’excellence des formations françaises, que ce soit en mathématiques, en informatique ou pour les cycles d’ingénieurs, qui constituent un vivier considérable de personnels très qualifiés pour les grandes entreprises du numérique, en France et à l’étranger1. La France dispose en outre du second ratio le plus élevé de l’Union européenne de diplômés en sciences ou en ingénierie rapportés à la population totale. Ces deux facteurs expliquent sans doute l’étendue des partenariats entre les grandes entreprises du numérique et l’enseignement supérieur français. La collaboration de Microsoft et de l’Inria (institut national de recherché dédié aux sciences du numérique) date par exemple de 2006 ; Cisco et Polytechnique ont créé en 2014 une chaire Internet of Everything ; Google travaille avec l’ENS et Polytechnique ; Palantir Technologies France intervient dans le cadre d’un enseignement dédié au big data et à la gouvernance à Sciences Po.

Il est frappant de constater que les pouvoirs publics risquent, là-encore, d’être dépassé par les initiatives des entreprises du numérique.

Celles-ci ne se contentent plus de nouer des partenariats avec les formations existantes, elles développent également leurs propres structures pour répondre à leurs besoins actuels et futurs. Ainsi, d’ici 2021, Microsoft compte ouvrir une vingtaine d’écoles sur l’intelligence artificielle, avec des partenaires comme Orange ou Capgemini. Google organise également des ateliers numériques, en lien avec les acteurs locaux (collectivités territoriales, chambres de commerce et d’industrie, association, etc.), et à destination des entreprises, des salariés et des demandeurs d’emplois.

Alors que la présidente de la Commission européenne a fait part de son attention de tripler le budget Erasmus + et que le numérique est devenu l’une des priorités de son programme de travail, votre rapporteur considère qu’il y a là une fenêtre d’opportunité à exploiter. L’élargissement d’Erasmus + pourrait être tant qualitatif, avec une action particulière à destination des formations numériques, que quantitatif, en incluant plus largement l’apprentissage et les salariés dont les postes sont soumis, avec le numérique, à de fortes transformations.

Soutenir le triplement du programme Erasmus +, en insistant plus particulièrement sur les formations au numérique.

1 Ce satisfecit ne doit pas conduire à sous-estimer les difficultés que connaît le secteur de la formation. Il n’a pas échappé à votre commission que les filières d’ingénieur ne parviennent pas toutes à recruter autant d’étudiants qu’elles offrent de places.

b)Les liens entre la recherche publique et le secteur privé : des progrès louables mais insuffisants

Bpifrance, plutôt optimiste sur les outils de financement français, estime que les deux prochaines étapes indispensables au développement d’un écosystème favorable aux start-up et aux entreprises du numérique seront (i) de faire davantage travailler ensemble la recherche et l’industrie ; (ii) d’accompagner la transformation du système de production par l’innovation en encourageant les partenariats entre start-up et entreprises traditionnelles.

Malgré les efforts répétés des gouvernements successifs pour accroître la porosité entre les mondes académique et industriel, votre rapporteur est forcé de constater l’échec de cette politique publique.

Combler ce fossé est pourtant un enjeu essentiel si la France souhaite développer des innovations de rupture et contrôler des technologies qui lui permettront de préserver sa souveraineté numérique.

La faiblesse des liens entre la recherche et les entreprises n’est pas un « mal européen » : en Allemagne, ces chaînes verticales se mettent en place beaucoup plus rapidement. En France, le processus semble davantage

« artisanal » et s’appuie le plus souvent sur des relations historiques et de confiance entre un centre de recherche et une entreprise.

Le label Carnot : un mécanisme inspiré de l’Allemagne

Le label Carnot, créé en 2006, est un label d'excellence décerné par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’innovation à des établissements de recherche en France à l'issue d'appels à candidatures. Il entend favoriser la recherche partenariale, c'est-à-dire la conduite de travaux de recherche menés par des laboratoires publics en partenariat avec des acteurs socio-économiques, notamment avec des entreprises. Les instituts Carnot favorisent le rapprochement des acteurs de la recherche publique et du monde socio-économique, afin d'accélérer le passage de la recherche à l'innovation et d'accroître le transfert de technologies vers les acteurs économiques.

Le dispositif Carnot s'inspire du modèle des instituts Fraunhofer allemands. Les établissements labellisés, Instituts Carnot, reçoivent des financements (en provenance de l'ANR), calculés en fonction du volume des recettes tirées des contrats de recherche avec leurs partenaires, notamment les entreprises.

Les 38 instituts regroupent près de 30 000 professionnels de la recherche (en équivalent temps pleins). Ils représentent un budget de recherche consolidé de 2,2 milliards d'euros et autour de 450 millions d'euros de contrats de recherche financés par les entreprises, soit 50% de la R&D publique par les entreprises (9 600 contrats de recherche par an passés avec plus de 4000 PME et ETI).

Source : ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Notre recherche académique est unanimement reconnue pour sa très haute qualité : pour autant, il nous est difficile de transformer celle-ci en

produits pour nos industries et en réussite économique nationale. Cette faiblesse française est depuis longtemps identifiée par la Commission européenne1 : il nous faut intensifier les liaisons entre recherche académique, centres de recherche appliquée, start-up et entreprises. Ces dernières avaient fait état, en 2015, de plusieurs de leurs griefs à l’encontre des dispositifs français2 : manque de visibilité, trop grande complexité des dispositifs, existence d’une multitude de guichets, manque de réactivité de certains acteurs publics, méconnaissance des besoins des entreprises, activités de recherche menées dans des champs scientifiques trop étroits, communication et gestion des projets inadaptés, tarifs parfois trop élevés et opaques, mobilité humaine entre le privé et le public en R&D très faible.

Face à ces constats, sans revenir sur le haut degré d’exigence de recrutement pour les responsables des structures visant à favoriser la recherche partenariale, votre rapporteur soutient deux propositions pour améliorer la gouvernance de l’innovation et des liens entre les établissements publics de recherche et les entreprises3 : une meilleure implication des entreprises au sein des établissements publics de recherche, pour mieux prendre en compte leurs attentes et donc faciliter les projets de collaboration, par exemple à travers un comité d’orientation ; et la création d’un interlocuteur unique pour les entreprises au sein de chaque établissement, et d’un portail internet pour tout ce qui concerne les interactions entre entreprises et recherche publique.

Le Royaume-Uni a également mis en place un dispositif qui semble satisfaire les petites et moyennes entreprises britanniques : les innovation vouchers, qui permettent aux PME de consulter un établissement public de recherche pour un projet innovant et de bénéficier de petites subventions (inférieures à 5 000 £), à la suite d’une procédure simple et soumise à un contrôle léger (localisation au Royaume-Uni, un seul coupon par PME). Cette aide pourrait être reproduite en France pour les start-up du numérique.

Elle a l’avantage de s’appliquer à l’échelle d’un projet. En effet, certains financements incitatifs français demandent des montants minimums et des durées d’engagement élevés, ce qui ne correspond pas toujours à des projets d’ampleur limitée visant une mise en production ou une mise sur le marché rapide, comme c’est parfois le cas dans le domaine du numérique.

1 Pour la référence la plus récente, voir le rapport 2019 de la Commission européenne sur la France (lien : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/file_import/2019-european-semester-country-report-france_en.pdf)

2 Les relations entre les entreprises et la recherche publique : lever des obstacles à l’innovation en France, rapport remis à la Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et au Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique en octobre 2015.

3 Ces propositions sont reprises du rapport mentionné ci-dessus.

Accroître la visibilité des dispositifs de soutien aux partenariats recherche publique – entreprise privée en créant un point de contact unique.

Accroître la place des entreprises au sein des établissements publics de recherche, afin qu’elles puissent mieux y faire part de leurs besoins.

Réfléchir à la mise en place d’un système de « coupons d’innovation » pour les TPE-PME, à l’image du dispositif aujourd'hui en place au Royaume-Uni.

c)Une attention particulière à porter aux doctorants

Il peut sembler surprenant, lorsqu’on parle de souveraineté française, de voir l’importance des efforts fournis par certaines entreprises étrangères pour soutenir les programmes de formation et de recherche.

Ainsi, ils accompagnent la formation aux métiers et usages du numérique de plusieurs centaines de milliers de personnes, et ce à tous les âges de formation. Là-encore, les entreprises, y compris étrangères, en retirent un bénéfice certain. L’un des trois jeunes doctorants titulaires d’un double-diplôme de Polytechnique et de Télécom Paris, une formation accompagnée par Cisco, a décidé de rejoindre la société.

Un dispositif très apprécié des entreprises est celui des doctorants Cifre (Conventions industrielles de formation par la recherche). Lancé au milieu des années 1980, il vise lui aussi à développer la recherche partenariale publique-privée : le projet est défini par l’entreprise, l’établissement public encadre le partenariat, l’entreprise recrute le doctorant en CDI ou en CDD, une partie de sa rémunération est assurée par l’ANR. Ce cadre pourrait être étendu aux chercheurs post-doctorat et assoupli (ex. la durée de trois ans est parfois trop longue au regard de la stratégie de l’entreprise).

Au-delà de nos frontières, votre rapporteur s’est montré sensible aux arguments développés par Bernard Stiegler, ancien membre du Conseil national du numérique et philosophe, pour la défense d’un grand projet

Dans le document LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES (Page 171-174)

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