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Être attractif dans le domaine des câbles sous-marins

Dans le document LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES (Page 118-121)

C. FAVORISER LE DÉPLOIEMENT DES INFRASTRUCTURES NUMÉRIQUES SUR

1. Être attractif dans le domaine des câbles sous-marins

Les câbles sous-marins accueillent 99 % des communications électroniques intercontinentales. Selon le site internet de référence en la matière1, il y a actuellement 378 câbles déployés dans le monde représentant 1,2 million de kilomètres de fibre optique.

Le fait qu’un pays dispose de câbles sous-marins en nombre suffisant et sécurisés est donc un élément indispensable à sa souveraineté numérique2. Devant votre commission, la Secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, Claire Landais, a fait état des réflexions de l’État français sur le sujet : « La protection des réseaux passe (…) par celle de nos câbles sous-marins, essentiels dans l'architecture des réseaux actuels. La problématique de la résilience se double d'un enjeu d'attractivité pour notre territoire, et nos réflexions en la matière mobilisent plusieurs départements ministériels, afin que nous soyons compétitifs ».

Le législateur a déjà renforcé l’attractivité de notre pays pour les investissements de ce type, à travers :

- une disposition introduite dans la loi ELAN3 à l’initiative du Sénat en vue de faciliter les procédures administratives ;

- et une autre introduite en loi de finances pour 20194 à l’initiative de l’Assemblée nationale en vue d’exclure explicitement les câbles sous-marins de communications électroniques du champ de la redevance d’archéologie préventive.

Il convient de poursuivre ce chantier de la simplification administrative pour l’atterrage des câbles sous-marins de communication électronique, par exemple en nommant un point de contact unique pour les investisseurs internationaux.

1 telegeography.com

2 Il l’est encore plus dans un pays comme la France, dont 70 à 80 % du trafic internet transite par les câbles transatlantiques – la Chine et la Russie en sont moins dépendantes, dans la mesure où ces Etats ont développé leur propre Internet (voir l’article intitulé Internet : les Gafa font main basse sur les câbles sous-marins d’Elsa Bembaron publié le 27 août dernier dans Le Figaro).

3 Article 224 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

4 Article 74 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Carte des câbles sous-marins de communications électroniques reliant la France

Source : https://submarine-cable-map-2019.telegeography.com Dans une logique de souveraineté technologique, il est nécessaire de s’assurer que ces infrastructures ne soient pas détenues exclusivement par des entités étrangères et ne puissent pas faire l’objet de dégradations.

Sur le premier point, l’offensive des Gafam inquiète1. Jusqu’à il y a quelques années, ces câbles étaient en effet propriété de consortia d’entreprises principalement composés d’opérateurs de télécommunications.

Ils sont désormais portés par les géants américains du numérique afin de s’assurer que les capacités des câbles sous-marins supportent le trafic généré

1 Voir, par exemple, l’article intitulé Facebook, Google, Amazon... Pourquoi les géants du Net se ruent sur les câbles sous-marins publié sur le site internet Challenges.fr le 18 juillet 2019. Les citations qui suivent de Jean-Luc Vuillemin, directeur des réseaux internationaux d’Orange, en sont issues.

par leurs activités1 et relient leurs centres de données. Selon Jean-Luc Vuillemin, directeur des réseaux internationaux d’Orange2, « les opérateurs télécoms sont concurrencés par les Gafam qui représentent 30 % de nos clients. Il y a dix ans, 5 % des câbles sous-marins étaient contrôlés par les Gafam. Aujourd’hui c’est 50 % et ce sera 95 % d’ici trois ans ». Il estime également que « Facebook projetterait d’investir trois milliards de dollars dans le secteur et s’appuie sur une division de 250 personnes spécialisées sur le sujet ».

Or, « cet appétit grandissant fait que le secteur est devenu un véritable Far West. Les câbles sous-marins sont le seul domaine de l’Internet qui n’est pas régulé.

Les Gafam, comme les autres acteurs, peuvent faire ce qu’ils veulent ». De même, un rapport rédigé par un parlementaire britannique a pu souligner que « le droit en vigueur correspond davantage au rôle secondaire que jouaient les câbles dans les années 1970-1980 qu’à leur caractère aujourd’hui indispensable »3. Il conviendrait donc de réfléchir à une régulation internationale de ces infrastructures stratégiques, qui permettrait aux États d’imposer certaines règles, tant pour des raisons sécuritaires qu’économiques (afin de garantir la neutralité des flux transportés).

Sur le second point, toute atteinte à un câble sous-marin pourrait avoir des effets économiques désastreux. Or, le caractère public de leur localisation les rend extrêmement vulnérables.

Il conviendrait donc d’effectuer un audit de sécurité de ces câbles et, le cas échéant, de renforcer les exigences de sécurité qui leurs sont applicables. Le Sénat a déjà effectué un premier pas en ce sens, en insérant dans la loi « 5G »4 un rehaussement du montant de l’amende applicable en cas de dégradation d’un câble sous-marin, y compris des stations d’atterrage5.

Ces câbles peuvent également faire l’objet de menaces d’ordre étatique : il est ainsi de notoriété publique que des sous-marins et des bâtiments de surface russes ont été repérés à leur proximité6. Julien Nocetti, chercheur à l'Institut français des relations internationales a souligné devant votre commission que « les points d’atterrage et d’interconnexion des câbles sont un enjeu stratégique, qui permettent aux États de conduire des opérations d’espionnage, de piratage et d’intimidation. Certains pays, tels que la Russie, ne se

1 C’est ainsi que le vice-président en charge de l’ingénierie des réseaux justifie la démarche de Facebook dans l’article publié le 18 novembre 2018 par le magazine Wired et intitulé Google and Facebook are gobbling up the internet's subsea cables.

2 L’entreprise est partenaire du projet de câble transatlantique Dunant, porté par Google, qui reliera la France et les États-Unis à l'horizon 2020.

3 Rishi Sunak, Undersea Cables, Indispensable, Insecure, 2017.

4 Loi n° 2019-810 du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles.

5 L’amende passe de 3 750 à 75 000 euros.

6 Voir le rapport rédigé par un parlementaire britannique précité, qui consacre une partie entière au

« risque en provenance de Russie ».

privent pas d’exploiter la dimension physique d’Internet sous un angle stratégique.

C’est un enjeu de souveraineté majeur pour l’Union européenne ».

Afin de s’assurer de la résilience des communications électroniques intercontinentales, il convient de :

- poursuivre le chantier de la simplification administrative pour l’atterrage des câbles sous-marins de communication électronique ;

- effectuer un audit de sécurité de ces câbles et, le cas échéant, renforcer les exigences de sécurité qui leurs sont applicables.

Une réflexion sur la régulation internationale de ces infrastructures stratégiques devrait également être menée afin de déterminer la position de la France sur le sujet.

Dans le document LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES (Page 118-121)

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