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Maghreb sous l’emprise de la Peste

Dans le document L’histoire des plus grandes épidémies (Page 66-73)

Liste des tableaux :

III- HISTOIRE DE LA PESTE AU MAROC

1- Maghreb sous l’emprise de la Peste

La peste noire débarque à Tunis dès janvier 1348, apportée par une galère génoise.

De Tunis, elle se dirige vers l’Ouest ou elle ravage toute l’Afrique du Nord, notamment le Maroc, le plongeant à la fois dans une misère économique et une instabilité politique.

Nous retrouvons cette situation décrite dans le livre « LES PROLÉGOMÈNES » de l’historien arabe L’historien Ibn Khaldoun [21] :

«Aujourd’hui, je veux dire à la fin du VIIIe siècle2, la situation du Maghreb

a subi une révolution profonde, ainsi que nous le voyons, et a été totalement bouleversée :

Des nations berbères, habitant ce pays depuis les temps les plus reculés, ont été remplacées par des tribus arabes qui, dans le Ve siècle, avaient envahi cette contrée, et qui, par leur grand nombre et par leur force, avaient subjugué les populations, enlevé une grande partie de leur territoire et partagé avec elles la jouissance des pays dont elles conservaient encore la possession.

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Ajoutons à cela que, vers le milieu de ce VIIIe siècle, une peste terrible vint

fondre sur les peuples de l’Orient et de l’Occident3 ; elle maltraita cruellement

les nations, emporta urne grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation.

Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu’ils étaient menacés d’une destruction complète. La culture des terres s’arrêta, faute d’hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s’effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d’aspect.

Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu’ils étaient menacés d’une destruction complète.

La culture des terres s’arrêta, faute d’hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s’effacèrent, les

monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea

d’aspect. »

Vers l’an mille, après plusieurs siècles de crise et de recul démographiques, les trois pays du Maghreb ont dû, grâce à la prospérité de l’ère ziride, approcher les 6,5 millions d’habitants. Mais, au milieu du XIe siècle, l’invasion des Hilaliens, venus du sud égyptien, c’est-à-dire de l’est, clôt brutalement cette période heureuse.

L’empire berbère des Almoravides, fondé à la même époque, mais à partir de l’ouest, à l’autre bout du Maghreb, et celui, plus glorieux encore, des Almohades qui lui succède, sont impuissants à endiguer le flot des nomades qui, partout où ils passent, font reculer l’agriculture.

En 1200, le Maghreb ne compte pas plus de 5 millions d’habitants.

La Peste Noire fait ravage en 1348-1349, de Tunis à Tanger, ou elle emporte tout ce qui restait du gouvernement et fait, directement ou indirectement, disparaître une grande partie de l’élite intellectuelle.

Reinhard et al. (1968, p. 83) résument parfaitement le diagnostic unanime des contemporains et des historiens pour la période qui sépare les invasions de la Peste Noire [22] :

« Après le XIe siècle, la situation s’aggrava, surtout dans les campagnes. Des ravages de plantations, de systèmes d’irrigation, éliminèrent ou réduisirent considérablement l’agriculture au profit du nomadisme. De toute évidence, cette transformation abaissa considérablement le niveau démographique, par exemple en Afrique du Nord de l’Égypte au Maroc ».

Avec le retour de la peste en 1362-1363, et tous les dix ou douze ans par la suite, la population du Maghreb ne dépasse sans doute guère les 4 millions en 1400 [23].

« À la fin du XVe siècle, le Maghreb connaissait une crise sévère, marquée par un affaiblissement démographique, une désarticulation de l’économie et une incurable faiblesse politique. (…) Au cours des XIVe et XVe siècles, épidémies et famines eurent pour effet de réduire l’ensemble des populations du Maghreb (…) »

Unesco, 1980- 1998. Les Saadiens, qui remplacent les Mérinides au milieu du XVIe siècle, ont un petit succès dans leur tentative de remise en ordre, mais il reste ponctuel et limité. L’un de leurs souverains, El Mansour, réussit, de 1578 à 1603, à imposer vingt-cinq années de paix et de prospérité au Maroc.

Toutefois, peste et famine engendrent une lente décomposition économique et politique qui gagnent tout le Maghreb.

Au Maroc, elle sera à peine ralentie par les longs règnes de Moulay Ismaïl (1672- 1727) et de Sidi Mohamed (1757-1790), simples parenthèses dans une longue période d’anarchie chronique qui se prolongera jusqu’à l’aube du XXe siècle. Entre l’anarchie politique, la peste qui revient souvent et frappe durement tout le Maghreb jusqu’au début du XIXe siècle, et les révoltes d’esclaves chrétiens qui affaiblissent occasionnellement les grandes villes, on peut penser que la population du Maghreb a stagné, ou même légèrement régressé, de 5,7 millions en 1700 à 5,6 millions en 1800.

Passé cette date, le commerce avec l’Europe reprend un peu d’ampleur et redonne un peu de vie à l’économie.

environ 7 millions d’habitants, un peu plus de 3 millions pour le Maroc, autant pour l’Algérie, et peut-être 1 pour la Tunisie.

De nombreux historiens ont reconstitué le calendrier des épidémies qui ont frappé les pays d’Afrique du Nord à la suite de la Peste Noire de 1348-1349. Leurs dates ne coïncident pas toujours exactement, selon qu’ils ont retenu ou écarté les cas où une épidémie locale ne s’est pas généralisée à un pays entier, mais ils témoignent tous de la brutalité et surtout de la fréquence des répétitions du fléau :

De huit à quinze épisodes par siècle en moyenne, entre le milieu du XIVe siècle et le premier tiers du XIXe [24]. Par exemple, on observe que

« Au cours des 160 ans qui suivirent [la Peste Noire], l’Égypte fut à vingt-huit reprises frappée par la maladie, dont les effets ainsi cumulés ont sans doute été plus destructeurs que la Peste Noire elle-même. Cela se poursuivit jusqu’au début du XIXe siècle, époque à laquelle la population égyptienne représentait entre la moitié et les trois quarts de ce qu’elle était en 1346 ».

Iliffe (1997) Alors qu’elle avait disparu de l’Europe du Nord dans les premières décennies du XVIIIe siècle, la peste resta encore longtemps endémique en Afrique du Nord et ne disparut enfin, au XIXe siècle, que pour laisser immédiatement la place au choléra, un peu moins destructeur. Simultanément, dès le XIIIe siècle, sécheresses et famines ont ajouté leurs effets à ceux des épidémies, avec une fréquence qui ne laissait guère aux populations le temps de refaire leurs forces et de restaurer leur dynamique démographique.

L’histoire des populations de l’Afrique du Nord depuis l’an mille est essentiellement l’histoire des grandes et fréquentes catastrophes qui n’ont pratiquement pas cessé d’entraver leur développement.

Le schéma le plus vraisemblable de l’évolution démographique du second millénaire, du moins avant le XXe siècle, est une succession de périodes de croissance lente entrecoupées de brusques reculs [25].

Nous résumons ci-dessous, les principales dates à retenir quant aux épidémies de peste ayant frappées le Maroc :

Chronologie des faits :

1521-1523 - Le Maroc connait une sécheresse persistante engendrant une famine dont les conséquences sont extrêmement sévères. Dans les plaines atlantiques, des parents vendaient leurs enfants pour l’équivalent de quelques mesures de grain [26]. A l’affreuse famine s’ajoute la peste à Assilah ou la maladie faucha 1 200 personnes. A Fez et Marrakech, la famine et la peste causèrent la mort de « milliers et de milliers de personnes ».

1557- 1559 - La peste frappe à deux reprises le Maroc, La maladie sévissant en Algérie depuis 1553, gagne Oran et ravage le littoral de 1555 à 1557. Elle apparait également à Melilla, dans les montagnes du Rif et à Tétouan. En 15584, elle est à Fez, au Mellah où de nombreux juifs sont morts, et dont beaucoup se sont enfouis. Dans la ville de Fez, il y aurait eu, 1 000 à 1 500 morts par jour selon certaines sources [27].

A l’automne de 1558, des victimes sont signalées à Marrakech au Sous et au Mogador.

1597-1609 Le retour de la peste, famine, et guerre civile se succèdent. Venue d’Espagne, La peste est apparue en 1597. On parle déjà de 450 000 morts en Mai 1597, il mourait chaque jour à Fez de 500 à 2 000 personnes.

En 1603, le souverain AHMED EL MANSOUR SAADI lui-même atteint de peste, meurt dans son palais à Fez [28]. Les années suivantes les victimes sont signalées à Marrakech. La peste s’y installe, et devient endémique.

La situation à Marrakech, en 1908, est dépeinte par l’envoyer des provinces unies comme infernale, « tout est ruiné, tout a péri par la misère de ce temps et il me serait impossible de dire à Vos puissantes Seigneuries ce que j’ai vu et comment j’ai vécu ici » [29].

1818 la peste apparut à Tanger apportée par les pèlerins, de la Mecque. Elle gagne la région de Tétouan, Fès en juin 1818, Marrakech, Rabat, salé, Meknès, El Ksar Lekbir, et Larache en janvier 1819. En aout 1819, la peste a été déclarée à Mogador, dans le Sous jusqu’à Tazeroualt.

Figure 10 : L’enterrement collective des dépouilles mortelles dans des fosses communes dans la région de Mogador, suite à l’épidémie de peste de 1559.

Dans le document L’histoire des plus grandes épidémies (Page 66-73)

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