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Histoire de la lutte contre la syphilis au Maroc colonial

Dans le document L’histoire des plus grandes épidémies (Page 146-152)

3 - Taux de mortalité

I- APERCU HISTORIQUE

5. Histoire de la lutte contre la syphilis au Maroc colonial

La syphilis, apparue en Europe vers la fin du XVe siècle, fut décrite au Maroc à la même époque [70,71] Comme leurs homologues européens, les médecins marocains sous la dynastie des Alaouites (à partir de 1666) la combattirent par divers traitements tels que l’arsenic, le mercure ou la salsepareille [72].

Dès ses débuts, le protectorat institua un programme de lutte contre les maladies contagieuses, dont la syphilis perçue comme un véritable fléau.

En 1916, deux premiers dispensaires antisyphilitiques étaient créés à Fès et à Casablanca par les Drs Lacapère et Leredde qui préconisaient le traitement par les arsénobenzols.

Le Dr Georges Lacapère qui dirigeait celui de Fès, décrivait ainsi la situation en 1918 [73]:

« Chez les femmes, comme chez les hommes, la syphilis et la blennorragie sont des affections banales. La syphilis qui atteint, suivant les régions, 75 à 90% de la population indigène, frappe indistinctement les deux sexes. »

Tout en notant que le chancre syphilitique était plus fréquemment observé à la ville qu’à la campagne, Lacapère s’inquiétait de la très forte prévalence de la syphilis sur tout le territoire marocain :

« À Fès, j’ai constaté que la syphilis atteignait les trois quarts de la population indigène.

À Mazagan, à Mogador, à Tanger, les évaluations des médecins qui ont séjourné dans ces diverses villes ne sont jamais inférieures à 80 %. À Marrakech, le Dr Huguet estime à 75 % la proportion des syphilitiques. Enfin,

dans le sud de cette subdivision, dans la plaine du Souss ou pénètrent peu d’Européens, j’ai pu constater au cours d’une longue tournée médicale que le pourcentage des syphilitiques était plus élevé encore que dans les localités que je viens de citer. À Taroudant, l’examen des soldats du tabor a prouvé que 98 % d’entre eux étaient syphilitiques. ».

La figure 40, illustre des malades indigènes dans la cour du dispensaire antisyphilitique, à Fès [74].

Figure40 : Les malades indigènes dans la cour du dispensaire antisyphilitique, à Fès. Pour Pierre Charbonneau qui fut inspecteur général de la santé au Maroc pendant les années 1950

« La lutte contre la syphilis fut une des premières menées, grâce à l’apparition, à cette époque, des dérivés arsenicaux. À Moulay-Idriss, dans le dispensaire dont j’étais responsable, il y avait, le jour du souk, des queues de plus de 60 personnes pour obtenir une injection intraveineuse d’arsenic, à côté de ceux qui recevaient du bismuth ou du mercure. En 1952, nous avons pratiqué des sondages dans la zone rurale autour de Fès. Le nombre des sérologies positives s’élevait à 30 %. À cette époque, nous injections à tous les membres de la famille de la pénicilline ; en même temps, nous pulvérisions du D.D.T. dans la maison, si bien que, par ces actions, nous transformions la vie des habitants ».

Ci-dessous, des photographies [75] illustrent un stade tertiaire chez des femmes syphilitiques.

Figure41 : Syphilis tertiaire

Tuberculo-croûteuse

Figure 42: Syphilis tertiaire serpigineuse avec cicatrice

leuco-mélano-dermique

Figure 43 : Syphilis mutilante médio-faciale

Depuis l’instauration du traitement par la pénicilline au niveau des dispensaires antisyphilitiques, les résultats ne se sont pas fait attendre. Des transformations presque immédiates des vieilles lésions syphilitiques se sont révélées (figure 44).

Figure 44: L’effet du traitement par antibiothérapie sur les patients indigènes. C’est ainsi que le dispensaire de Casablanca, a pris une extension considérable. Celui de Fez, a déjà permis de traiter près d'un millier de malades nouveaux et sa clientèle augmente tous les jours. Le nombre des syphilis primitives, dans le quartier réservé de Moulay Abdallah, serait tombé de 5 à 1 et que le nombre des femmes hospitalisées a diminué des deux tiers. » [76]

II- EPIDEMIOLOGIE

1. Agent causal

Le spirochète, tréponème, est un spirille en forme de tournevis ou de tirebouchon, très régulier, long de 10 à 15 millièmes de millimètre, extrêmement mince. Il est mobile dans les humeurs et abondant dans la sérosité du chancre initial, où on peut le découvrir à 1 ultramicroscope.

Le treponema pallidum est non cultivable, ce handicap méthodologique rend le diagnostic de la syphilis très difficile.

2. Transmission

La transmission de la syphilis est essentiellement sexuelle. Elle peut se contracter après tout rapport sexuel non protégé (vaginal, anal ou bucco-génital). La transmission materno-fœtale peut survenir surtout vers les 4e et 5e mois de grossesse. Les transmissions post-transfusionnelles ou après greffe d’organe sont possibles mais très marginales.

3. Répartition géographique

La syphilis constitue encore un problème mondial puisque l’OMS estime à 12 millions le nombre de personnes qui contractent la maladie chaque année.

La figure ci-dessous représente le nombre de décès à la suite des infections de syphilis sur 100 000 habitants en 2004 [77].

Figure 45 : le nombre de décès à la suite des infections de syphilis sur 100 000 habitants en 2004

Nous remarquons que le plus grand nombre de cas répertoriés sont situés en Asie du Sud et du Sud-Est, suivie par l'Afrique subsaharienne [78].

III- CLINIQUE

La syphilis évolue classiquement en trois stades successifs [79].

Le stade primaire est celui du chancre d’inoculation, accompagné d’une importante adénopathie.

Le patient est contagieux dès l’inoculation.

Le stade secondaire correspond à une diffusion du tréponème par voie sanguine. Il se traduit par des lésions cutanéomuqueuses : roséole et syphilides, très contagieuses également.

Le stade tertiaire est devenu très rare de nos jours. Il donne des manifestations articulaires, cardiovasculaires (anévrisme syphilitique de l’aorte) ou nerveuses.

Actuellement, pour des raisons thérapeutiques, on ne retient plus que deux stades :

Précoce, moins d’un an après le chancre, et tardif, plus d’un an après (ou date inconnue).

IV- DIAGNOSTIC

Le tréponème ne se cultivant pas in vitro, le diagnostic de syphilis ne peut se faire que par la mise en évidence du tréponème lui-même au microscope à fond noir ; ou indirectement, par la mise en évidence de la réponse spécifique anticorps.

Dans le document L’histoire des plus grandes épidémies (Page 146-152)

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