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Les métropoles et leur fonction de « gateways » : interfaces des réseaux de

Chapitre 1 | La métropolisation logistique

1. La métropole logistique : concentration des activités logistiques sur son territoire

1.3. La préférence métropolitaine, la concentration des activités logistiques sur le territoire

1.3.1.1. Les métropoles et leur fonction de « gateways » : interfaces des réseaux de

La métropole est un agrégat de nœuds de transport. Cette métropole hyperscalaire repose donc sur un ensemble d’infrastructures de transport et de communications qui permettent la mobilisation de ces ressources multilocalisées. (Halbert, 2010) : « Le concept insiste sur la notion d’échelle parce que les régions métropolitaines permettent de produire et réguler des relations économiques qui ne sont pas rattachées à un niveau spatial unique mais qui ont lieu à toutes les échelles et à travers toutes les échelles ». Le développement des infrastructures de transport dans les métropoles est un enjeu majeur du développement métropolitain.

Moins étudiées, les interactions sont aussi très fortes entre les flux internationaux de marchandises et la métropolisation (Hesse, 2008). Foyers de consommation et de production, les métropoles assurent la fonction de redistribution des marchandises dans leurs hinterlands (Hall & Jacobs, 2013). Les métropoles jouent donc le rôle de commutateur, de nœuds à l’interface de plusieurs systèmes de transport et de plusieurs échelles. Cette fonction de nœuds est physiquement assurée par « les portes » (Frémont, 2015). Ces portes sont constituées des ports maritimes et des aéroports qui forment à l’intérieur des espaces métropolitains de vastes complexes industriels, logistiques et tertiaires. Cette notion de « porte » nous renvoie à la notion de « gateway » (Hesse & Rodrigue, 2004). Les gateways assurent à la fois la réception et l’envoi des marchandises à l’échelle internationale mais assurent aussi la redistribution à l’échelle locale (Van Klink & Van den Berg, 1998). Les gateways sont des clusters logistiques importants avec l'accumulation des infrastructures de terminaux tels que les ports, les gares ferroviaires et les grands centres de distribution de marchandises, mais aussi les activités de gestion de la chaîne d'approvisionnement, permettant ainsi d’assurer la continuité au sein des chaînes d'approvisionnement mondiales. Les métropoles concentrent les trafics portuaires et aériens. Les 50 premières agglomérations mondiales ne représentent que 16% de la population mondiale mais concentrent 51% du fret aérien et 46% du fret maritime conteneurisé (Frémont, 2015). La capacité de la porte maritime ou aérienne à distribuer/collecter les marchandises dans son aire de chalandise repose sur une très forte accessibilité elle-même basée sur la densité des réseaux de communication et en premier lieu des réseaux autoroutiers, permettant d’assurer la desserte fine du transport de marchandises. Lieux de massification des flux de marchandises, les ports

44 et aéroports sont en même temps à l’échelle locale, des lieux d’éclatement des flux de redistribution à l’échelle locale.

Au niveau mondial, l’éclatement international des chaînes logistiques, renvoie à une intégration géographique de la supply chain (Dornier & Fender, 2007). Or, la métropole, interface entre les réseaux de transport et les échelles, apparaît comme le lieu privilégié pour répondre aux nouvelles exigences de l’intégration logistique. Il faut en effet que les organisations traitent simultanément du pilotage des flux à différentes échelles et d’une « distribution capillaire vers le client final » (Masson & Petiot, 2002). La gestion physique des interfaces géographiques est assurée par les infrastructures logistiques (ports, aéroports) ou plateformes logistiques. Les plateformes logistiques peuvent être un simple entrepôt ou une zone logistique, la définition varie selon les emplois (Raimbault, et al., 2013). Celles-ci constituent de véritables nœuds des réseaux logistiques. Le rôle d’un port ou d’un aéroport, voire d’un marché de gros, d’un terminal de transport, d’une gare de fret, dans l’espace géographique est celui d’un « nœud de circulation à l’interface des réseaux maritimes et terrestres » dont la fonction primaire de rupture de charge en fait une « synapse » (White & Senior, 1983). La synapse correspond au point de contact entre deux neurones. Les villes abritant ces infrastructures peuvent donc être caractérisées de « neurones », par leur fonction de rupture de charge. Ces synapses constituent des « points clés de l'organisation de l'espace où convergent les flux et où s'effectue souvent une rupture de charge » (Ducruet, 2008). La métropole devient un lieu de rupture de charge. Une localisation dans les métropoles assure aux activités logistiques une meilleure connexion aux territoires, à différentes échelles. La localisation de ces activités dans un gateway augmente leur possibilité de rayonnement et l’optimisation de la rupture de charge entre les différentes échelles du transport. La densité d’infrastructures de transport offerte par la métropole explique en partie cette forte attraction métropolitaine pour la logistique.

1.3.1.2. La valeur assurantielle des métropoles

La métropole bénéficie de la sorte d’une « valeur assurantielle » spécifique sur le marché des localisations et des territoires, qui en fait le lieu privilégié de développement et d’adaptation permanente de l’économie capitaliste de marché (Veltz, 2005). Pour une entreprise, la localisation dans une métropole limite en effet les risques liés à l’incertitude croissante qui caractérise l’environnement économique. La métropole ne permet pas seulement d’accéder à court terme à des marchés du travail ou de services larges, une clientèle plus large ou des infrastructures plus nombreuses, elle offre une garantie à « l’imprévu et l’imprévisible » supérieure à celle des autres territoires. La recherche d’une assurance à horizon relativement indéfini reste un facteur important de cette préférence métropolitaine des activités logistiques.

45 Le nouvel univers économique actuel renforce donc le rôle des effets d’agglomération au-delà des économies d’échelle classiques, c’est-à-dire celui des externalités techniques, sociopolitiques et relationnelles propres aux territoires métropolitains (Veltz, 2005).

Cette idée d’une valeur assurantielle de la métropole est difficile à démontrer, P. Veltz (2005) le soulignait lui-même. Pourtant, divers entretiens exploratoires et éléments pris dans la littérature spécialisée tendent à nous faire penser que dans le cas de la localisation des activités logistiques, cette valeur assurantielle est importante. Les bâtiments logistiques font l’objet d’un nouveau marché immobilier (Raimbault, 2014). Au-delà de bâtiments, ce sont aussi des produits financiers à travers lesquels des entreprises font des placements. Un entrepôt localisé dans une métropole a plus de chances de retrouver un preneur à la fin du bail, si la conjecture est globalement mauvaise, qu’un entrepôt isolé. Nos entretiens ont montré que ce raisonnement a prévalu suite à la crise financière et immobilière de 2007.

Ceci est par ailleurs corroboré par un rapport du Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA, 2013) sur les « Résistances des métropoles », dans un chapitre consacré à « La ville rêvée des investisseurs », les auteurs retranscrivaient des entretiens effectués avec des investisseurs immobiliers. Notre attention s’est portée sur un extrait, assez long, reprenant cette logique assurantielle des métropoles en matière d’investissement.

« On ne saurait affirmer a priori que les retours sur investissement soient meilleurs dans les espaces métropolitains que dans des villes de taille moyenne par exemple. La stratégie consistant à privilégier des espaces qui font figure d’archétypiques du secteur concerné (le corridor Nord-Sud pour la logistique, les grands bassins de consommation pour le commerce, les métropoles) renvoie plutôt à une logique assurantielle. Il s’agit de contenir les risques perçus d’un investissement dans l’immobilier qui est considéré comme une classe d’actifs peu liquide. Le raisonnement vaut bien sûr pour le risque locatif : en privilégiant les marchés les plus importants, où se pressent les principaux locataires, le gestionnaire d’actifs espère se prémunir de la vacance apportée par la « profondeur de marché ». (PUCA, 2013).

Au-delà des discours des investisseurs immobiliers, même spécialisés dans la logistique, d’autres éléments nous permettent de conforter cette hypothèse de la valeur assurantielle de la métropole pour les activités logistiques. La crise de 2007-2008 a entraîné des changements sur le marché immobilier. Les investisseurs ont diminué leur placement « en blanc », c’est-à-dire des entrepôts commercialisés après construction, préférant construire « en gris » afin d’être plus

46 en accord avec la demande6. Cette valeur assurantielle des métropoles conforte son attraction géographique pour les entrepôts, et cette capacité d’attraction et de concentration des activités économiques. La croissance des activités logistiques et des entrepôts dans les métropoles vient s’ajouter à la longue liste d’activités économiques qui s’y concentrent.

Les métropoles sont des espaces urbains particulièrement attractifs pour les entrepôts. A l’échelle des mégarégions, ces espaces concentrent une grande partie du parc immobilier logistique. A petite échelle, les forces centripètes l’emportent : les métropoles concentrent les entrepôts parce qu’elles représentent les plus grands centres de production et de consommation tout en étant très bien connectées aux autres villes par le développement du réseau autoroutier. Mais à l’échelle locale, comment les métropoles digèrent-elles spatialement cette croissance des entrepôts ? Cette forte concentration, se traduit à une autre échelle par un desserrement.

2. La métropole logistique : déconcentration des activités