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1.2.1 Organisation de la métrologie

La métrologie est la science de la mesure et s’applique à tous les domaines où des mesures quantitatives sont effectuées. Le développement des économies nationales et des échanges régionaux et internationaux, tant de produits que de services, a rendu nécessaire d’améliorer et d’étendre la traçabilité et la crédibilité des résultats de mesure au niveau international. Avec la signature de la Convention du Mètre à Paris en 1875, la métrologie mondiale s’est structurée autour d’une collaboration, de bonne volonté, entre les diffé-rents états impliqués. Le Comité International des Poids et Mesures (CIPM) comprend 18 membres et est en charge de la bonne exécution des travaux métrologiques que les états souhaitent mener en commun. Il s’appuie pour cela sur le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM), une organisation intergouvernementale créée par la Convention du Mètre. Centre de collaboration scientifique, son rôle est de coordonner le système mon-dial de mesure pour garantir que les mesures effectuées dans les laboratoires nationaux de

métrologie soient comparables, et reconnues au niveau international à travers le Système International d’unités (SI). Tous les quatre ans, la Conférence Générale des Poids et Me-sures (CGPM) rassemble des délégués des États Membres et des États Associés. Elle valide notamment les orientations du CIPM, et prend des résolutions scientifiques de portée in-ternationale en métrologie et concernant le SI. En 1999, le CIPM a rédigé « l’Arrangement de reconnaissance mutuelle des étalons nationaux de mesure et des certificats d’étalonnage émis par les laboratoires nationaux de métrologie » (MRA). Le MRA représente l’étape la plus importante pour la coordination métrologique internationale depuis la signature de la Convention du Mètre. Ce texte a été signé par les représentants de 106 laboratoires : 61 États Membres, 41 États Associés à la CGPM et 4 organisations internationales. Il en résulte des exigences accrues pour les laboratoires :

— communiquer et faire reconnaître par leurs homologues l’ensemble de leurs possi-bilités de mesures et d’étalonnages (Calibration and Measurement Capabilities – CMC),

— participer régulièrement aux comparaisons clés internationales, dont les résultats sont collectés au sein d’une base de données (Key Comparison Database – KCDB), — mettre en œuvre un système qualité conforme à la norme ISO/CEI 17025, qui concerne les exigences générales sur la compétence des laboratoires d’étalonnage et d’essais.

Des Comités Consultatifs regroupant différents experts du domaine conseillent scientifi-quement et techniscientifi-quement le CIPM. Les Organisations Régionales de Métrologie (RMO) sont des associations régionales de différents Instituts Nationaux de Métrologie (NMI) et Instituts Désignés (DI). Par exemple, l’association des laboratoires européens de métro-logie EURAMET a été fondée en 1987. Les RMO proposent aux Comités Consultatifs les comparaisons clés à effectuer et les mènent à l’échelle régionale. Ils valident les CMC avant publication dans la KCDB, ont un rôle majeur dans le maintien des systèmes qua-lité en place, et formulent des propositions concernant la mise en œuvre du MRA. Les informations relatives aux signataires du MRA, aux CMC des différents NMI et DI, et aux comparaisons clés sont publiques et accessibles sur internet2. Le fait marquant le plus récent est scientifique et concerne la révision du SI en 2018, où le kilogramme, le kelvin, la mole et l’ampère ont été redéfinis à partir des constantes, aux valeurs numériques fixées, de Planck (h), de Boltzmann (k), d’Avogadro (NA) et de la charge élémentaire (e).

Afin de soutenir et de renforcer la métrologie en Europe, la Commission Européenne a mis en place avec le soutien d’EURAMET un programme européen de recherche en mé-trologie (European Metrology Research Programme – EMRP). Ce programme bénéficie d’un financement pour moitié de la Commission Européenne et s’inscrit dans les Initiatives de l’article 185 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Celui-ci permet à la Commission Européenne de soutenir des programmes de R&D (Recherche et Développement) nationaux entrepris en commun par plusieurs États membres. Ce pro-gramme a été actif de 2009 à 2017, finançant des projets de trois ans pour l’industrie, l’énergie, l’environnement, la santé, les nouvelles technologies et les unités SI, avec un bud-get total de 400 millions d’euros sur l’ensemble de la durée. Il a été prolongé de 2014 à 2020 par le programme européen de métrologie pour l’innovation et la recherche (European Metrology Programme for Innovation and Research – EMPIR) avec un renforcement des thématiques fondamentales et normatives, mais également de son budget, celui-ci passant

à 600 millions d’euros. Cette évolution conduit à mettre de plus en plus en commun les moyens humains et matériels des instituts nationaux de métrologie sur des projets définis. À long terme, elle pourrait conduire à des restructurations profondes de la métrologie eu-ropéenne, certains pays pouvant choisir de se recentrer sur leurs domaines d’excellence et de confier les autres aux laboratoires plus performants d’autres pays. Un positionnement fort des laboratoires de métrologie français en Europe est donc nécessaire.

En France, la métrologie s’est structurée à partir de 1969, près d’un siècle après la Convention du Mètre, avec la création du Bureau National de Métrologie. En 2005, l’État a confié au Laboratoire National de métrologie et d’Essais (LNE) le pilotage de l’ensemble de la métrologie française. Cette nouvelle organisation place le LNE au même niveau que les autres grands instituts nationaux de métrologie tels que le NIST (National Institute of Standards and Technology) aux États-Unis, le NPL (National Physical Laboratory) au Royaume-Uni ou le PTB (Physikalisch-Technische Bundesanstalt) en Allemagne. Cepen-dant, la métrologie française reste profondément structurée par son histoire et les études sont réalisées dans des laboratoires de différents organismes publics ou privés. Son pilotage s’organise au sein du Réseau National de la Métrologie Française (RNMF) et regroupe quatre Laboratoires Nationaux de Métrologie (LNM) et six Laboratoires Associés (LA), pour un total d’environ 220 chercheurs. Les missions et responsabilités du LNE sont celles du BIPM retranscrites au niveau national. Il représente la France dans les diverses organi-sations et commissions internationales liées à la métrologie.

1.2.2 Le Laboratoire National Henri Becquerel

Le Laboratoire National Henri Becquerel (LNHB) est un service du Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA) situé sur le plateau de Saclay, et évolue au sein de la Direction de la Recherche Technologique (DRT), de l’institut Labora-toire d’Intégration des Systèmes et des Technologies (List) et du Département Métrologie Instrumentation et Information (DM2I). Il est l’un des laboratoires nationaux de métrolo-gie fédérés par le LNE. À ce titre, le LNE a délégué au LNHB le rôle de laboratoire national de métrologie dans le domaine des rayonnements ionisants. Ce rôle consiste essentiellement à mettre en œuvre dans ce domaine les unités SI et à permettre l’accès des utilisateurs aux références métrologiques dont ils ont besoin, dans le cadre d’une traçabilité rigoureusement établie. Les activités qui en découlent sont :

— la R&D pour développer de nouveaux étalons et dispositifs de détection des rayon-nements,

— le maintien au meilleur niveau des références existantes et leur comparaison au plan international,

— la contribution à la qualité et à la cohérence des mesures au niveau national, — l’enseignement et le transfert aux utilisateurs.

Le périmètre du LNHB inclut les mesures de radioactivité pour le becquerel et ses dérivés, de taux d’émission de sources neutroniques en s−1, et la dosimétrie des photons et parti-cules chargées pour le gray et le sievert. Une convention cadre signée entre le LNE et le CEA précise les missions du LNHB et ses relations contractuelles avec le LNE. Le LNHB comprend le Laboratoire de Métrologie de l’Activité (LMA), le Laboratoire de Métrologie de la Dose (LMD), et depuis 2019 le Laboratoire Modélisation et Simulation des Systèmes (LM2S).

La métrologie de la radioactivité a pour objet la quantification des radionucléides en termes d’activité (becquerel) et la connaissance des caractéristiques physiques du phéno-mène de transformation nucléaire spontanée. Les radionucléides sont nombreux et se pré-sentent sous les aspects les plus divers. Ces différences portent sur l’état (liquide, solide ou gazeux), la période radioactive, ou sur la nature et l’énergie des rayonnements émis. Cette diversité rend nécessaire l’utilisation d’une vaste palette d’instruments et des méthodes de mesures adaptées aux spécificités de chaque radionucléide. La mise en œuvre simultanée de plusieurs méthodes de mesure indépendantes les unes des autres est également recherchée pour assurer la redondance métrologique.

Les étalons primaires, les plus élevés dans la hiérarchie métrologique, sont constitués d’une instrumentation de mesure spécifique comprenant les dispositifs de détection, d’ac-quisition et de traitement du signal, et de méthodes d’analyse associées. Par extension, une fois son activité ainsi déterminée, la source devient un étalon primaire. Ces instru-ments étalons permettent de caractériser de manière absolue ou primaire, c’est-à-dire sans utilisation d’étalon de la même grandeur, des sources ou solutions radioactives en termes d’activité ou de ses dérivés – activité massique, activité volumique. Une fois caractérisées, ces sources jouent à leur tour le rôle d’étalons d’instruments de mesure secondaires, et ainsi de suite. Le LNHB développe, maintient et transfère aux utilisateurs les étalons pri-maires et secondaires qu’il produit. Le référencement au BIPM et la certification COFRAC assurent une traçabilité internationale et nationale.

La diversité des processus radioactifs rend indispensable une certaine connaissance préa-lable lorsqu’il s’agit de choisir l’instrumentation et la méthode la plus appropriée à un radionucléide donné. De plus, la méthode d’analyse nécessite généralement certaines infor-mations telles que le schéma de désintégration ou des données atomiques et nucléaires. Par exemple, la technique primaire de mesure par scintillation liquide a besoin de connaître précisément le spectre en énergie des particules β émises pour modéliser l’émission de la lumière car le rendement de détection varie fortement à basse énergie [Bro07]. L’incerti-tude finale de mesure doit inclure une composante reflétant le degré de connaissance sur ces paramètres [Kos15]. Il apparaît donc naturel que le LNHB soit fortement impliqué dans l’évaluation des données de décroissance atomiques et nucléaires, pour la métrologie.

Notons enfin que la métrologie de l’activité est parfois mésestimée par la communauté de métrologie, à cause d’incertitudes relatives au mieux de 0.1%. En attendant une redéfinition en 2025, la seconde est actuellement définie à partir de la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de133Cs, avec une incertitude typique de l’ordre de 10−16. On semble effectivement bien loin de ce niveau de précision, mais ce n’est peut-être qu’une question de point de vue et de définition. Pour reprendre un sujet à la mode dernièrement, considérons une mesure d’activité de 10 Bq de tritium dans un litre d’eau3. Cela signifie détecter 10 atomes de tritium se désintégrant chaque seconde au milieu de 6.7 · 1025atomes d’hydrogène. L’ordre de grandeur est donc bien de mesurer une fréquence relative de 10−25 s−1, ou encore de détecter une présence relative de 10−16 des atomes de tritium dans un litre d’eau. À cela, nous pourrions ajouter que le tritium se désintègre par transition bêta en émettant uniquement des électrons ayant une énergie moyenne d’environ 5 keV, soit 8 · 10−16 J. Le parcours moyen dans l’eau de ces électrons est de 350 nm, ce qui rend leur détection particulièrement délicate. Il s’agit donc bien d’une mesure de haute qualité métrologique.