3.1 Le métier : vu depuis l’entreprise
3.1.2 Du Métier aux Compétences
3.1.2.1 Les métiers en tant que concept mouvant
Au plan de l’Unité, l’activité du SEPTEN va s’organiser autour des Domaines concernant
la conception, l’appui à l’exploitant et la réflexion long terme. Nous nous sommes interrogés
sur les articulations que pouvaient prendre, dans ce champ d’activité, Domaines, Métiers et
Compétences.
Si nous considérons le Métier comme le font les Ressources Humaines, nous avons donc
affaire à des Métiers identiques (ex : ingénieur, MPL, MDL, …) pouvant être exercés dans
des domaines différents. Nous abordons par contre, une articulation différente avec la notion
« d’Equipes Communes » qui, travaillant sur site, regroupent des métiers divers (ex : chargé
d’affaire, ingénieur construction, métiers dits terrain…). De même, les métiers vont
s’organiser différemment, par exemple, en fonction des étapes de construction des centrales.
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l’Architecte Ensemblier » (PVAE), en relation directe avec la démarche « 3F » dont nous
avons déjà parlé. Il s’agit donc de repérer les activités propriétaires, de conception et
réalisation, soit décider de sous-traiter ou pas.
Les Métiers sont cependant, remodelés en fonction des évolutions de l’entreprise. Ainsi, dans
le dernier Répertoire National des Métiers, on trouvera les Familles professionnelles « mises
en extinction », « mises à disposition » ou « maintenues », et dont découlent de nouveaux ou
anciens métiers. En fait, il s’agit plus là, de remodelages d’intitulés au regard d’axes
stratégiques fixés, l’impact réel sur le terrain, étant à moduler. Les mouvements au sein des
métiers sont pourtant bien existants et même constitutifs de la culture de cette entreprise. Ces
mouvements se font par proximité des métiers, selon une logique naturelle. Il en est ainsi
d’une personne évoluant de la Sûreté sur site vers les Etudes Probabilistes de Sûreté (EPS).
Certains « chemins types » sont d’ailleurs tracés, comme de commencer par le métier de la
Physique des réacteurs pour évoluer vers celui des Chaudières nucléaires, aller du Contrôle
commande vers l’Unité du CNEN ou du Génie civil vers l’Unité du CNEPE. On voit donc
que ces mouvements de métiers dépassent l’Unité pour se disperser à l’échelle de
l’organisation d’Ingénierie Nucléaire entière. Nous aurons un exemple concret de
l’acquisition des compétences par l’évolution au travers de parcours métiers types, lorsque
nous aborderons les « Accidents Graves ».
Les mouvements de métiers peuvent également concerner les départs en retraite et donc les
nouvelles embauches. Il faut savoir que d’ici à 2015, la Division de Production Nucléaire
(DPN, alias « l’exploitant »), va voir partir plus de 50% de son personnel. La logique RH sur
ce thème se fait sur deux fronts : premièrement par la mise en place de stages internes de
formation ayant pour but la compréhension des phénomènes. Deuxièmement par l’obligation
pour tous les nouveaux embauchés d’effectuer un stage sur site d’environ un an afin d’éviter
une rupture dans les compétences, par le biais de l’observation in situ et au contact des
personnels expérimentés. On touche ici au concept le plus intéressant qui est l’utilisation au
sein de l’entreprise du principe de « compagnonnage », qui rejoint tout à fait la notion de
métier au sens corporatiste du terme. Aussi nommé « fertilisation croisée des compétences »,
il vise la transmission des savoir-faire dans la pratique, soit la construction d’un système de
connaissances complémentaires entre la formation initiale, l’apprentissage théorique du
métier et l’apprentissage terrain par l’observation des pairs. L’insertion par la proximité et le
travail collectif permettent dans l’idéal, de mettre en place une certaine gradation des
compétences, assurant une continuité. Du point de vue « terrain » le principe de
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« compagnonnage » reste cependant de la théorie, insuffisant et mal adapté. Trop court pour
une véritable appréhension de systèmes aussi complexes, tant sur le plan du sujet technique
traité que sur le fait d’acquérir l’essentiel des savoirs des « anciens », il est plus vécu comme
une charge supplémentaire pour le formateur. La formation nécessaire nécessiterait au moins
trois à cinq ans dont les deux premières années sur site et un fonctionnement en « 2+1 » où le
nouvel arrivant serait intégré graduellement dans le métier. Cependant, il semble poindre une
prise de conscience d’un problème pris peut-être un peu tardivement et les dernières directives
managériales tendent à remplacer les départs en retraite (par exemple, pour faire face à la
forte croissance de la charge à l'international) par des quarante - quarante cinq ans, déjà
expérimentés et recrutés en externe.
Si nous abordons maintenant le prisme technique, qui nous intéressera le plus ici, le métier
n’est plus lié à une qualification, mais à un environnement de travail (à mettre en parallèle
avec la Compétence) dont le Domaine technique est directement représentatif (par exemple :
la Conduite accidentelle dans la compétence de Sûreté). Compétences et métiers sont ainsi
directement liés : les groupes (au plan de l’organisation de l’Unité) détiennent des
compétences qui sont collectivement partagées. On fera cependant une différence au plan des
domaines purement techniques et par conséquent très disciplinaires (ex : la Mécanique), et les
métiers multidisciplinaires se fondant sur les connaissances fondamentales d’un panel de
métiers techniques, comme c’est le cas pour la Sûreté. Réciproquement, ce type de domaine,
touche la globalité des métiers au sein de la Division. On a donc un réel échange entre des
axes de compétences différemment orientés. Ces échanges de compétences se concrétisent par
des mouvements intermétiers suivant une logique qui adhère aux nécessités de l’activité
technique. Dans le domaine de la Sûreté on pourra par exemple, avoir recours à des
personnels ayant des compétences préalables dans le Fonctionnement, ou des compétences
techniques plus pointues comme les Etudes mécaniques et sismiques. Pour donner un exemple
concret, il y a deux ans a été publié ce que l’on appelle une réglementation des Mines
consistant en un arrêté sur la résistance à la pression de la chaudière. La rédaction du texte de
Sûreté en réponse à cette réglementation a nécessité des compétences mécaniques pointues
qui n’étaient pas détenues au sein du groupe. Ces compétences ont été récupérées avec
l’intégration de personnes issues du RE (Division Réacteur nucléaire et échangeurs). Ces
mouvements intermétiers s’effectuent donc en fonction de sujets sensibles, comme en ce
moment la manutention du combustible où certaines thématiques sont déléguées à d’autres
services. Outre ces échanges relatifs à l’activité, se pose bien sûr aussi pour les métiers la
question des départs en retraite. Dans la réalité, les remplaçants arrivent encore souvent trop
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tard pour la passation de connaissances, mais ces dernières restant collectives, il est considéré
qu’il n’y a grossièrement pas trop de déperdition. Sur ce point, politique managériale et réalité
du terrain se rejoignent. Il reste à souligner que le Septen a déjà connu un cas de figure
similaire, et même peut-être encore plus brutal, lors de son déménagement de la Défense à
Paris, à Villeurbanne dans les années 80, où seulement 25% des populations ont suivi. Nous
imaginons la déperdition énorme de compétences que cela a du engendrer.
Ces compétences qui sont à pérenniser sont bien ici à comprendre dans le sens où le terme est
apparu dans les années quatre-vingt, c’est à dire au sens de performance, la performance
personnelle revenant à la performance de l’entreprise : « L’adéquation permanente des
emplois et des compétences et l’engagement du personnel sont des conditions indispensables
à la réussite d’EDF et de Gaz de France. Elles nécessitent des démarches de gestion
individuelle et des pratiques d’évaluation cohérentes et de qualité pour assurer l’efficacité
des dispositifs de reconnaissance, de professionnalisation et de gestion des parcours
professionnels » (Laroche, 2001). Ces démarches de gestion individuelle passent notamment
par le biais d’entretiens annuels qui permettent à la fois une évaluation des compétences et de
susciter une adhésion au collectif. Cette évaluation passe par celle « des performances »
(atteinte des résultats - vision à court terme), « du professionnalisme » (pratiques
professionnelles observées et compétences maîtrisées : « situer l’action du collaborateur par
rapport aux objectifs stratégiques des entreprises ou aux finalités de l’emploi » - vision à
moyen terme) et « du potentiel » (devenir de la personne et capacités à prendre en charges de
nouvelles responsabilités : « préparer les parcours professionnels en fonction des projets des
personnes, d’améliorer et d’objectiver le choix des candidats internes ou externes et
d’anticiper les besoins des entreprises » - vision à long terme) (Laroche, 2001).
On peut dire que les trois termes compétences, potentiels, performances, sont mêlés dans les
discours managériaux. Dans le référentiel RH d’entreprise (Direction du personnel et des
relations sociales EDF GDF, 2001), le potentiel se détermine par rapport au parcours et au
projet de l’individu en prenant en terme de niveau de responsabilité, rôle, métier, famille
professionnelle. Un extrait de ce référentiel est particulièrement intéressant car il illustre bien
les divers concepts expliqués plus haut et en jeu dans notre contexte : « Les ressources
personnelles à considérer pour cerner les dispositions favorables comprennent : les
connaissances et les savoir-faire acquis par l’éducation, la formation et l’expérience
professionnelle et extra-professionnelle, la personnalité et les comportements professionnels,
les aspirations et l’engagement professionnel au regard d’exigences explicites de la cible
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(mobilité, disponibilité...). En outre, parmi les dispositions favorables, les facultés
d’adaptation, les capacités d’apprentissage et la motivation sont toujours déterminantes dans
la réussite d’une évolution professionnelle. » Sont bien pris en compte ici de façon
complémentaire, les connaissances issues de la formation initiale et de l’expérience, l’individu
dans son comportement et ses activités extra-professionnelles pouvant l’enrichir, le tout étant
vu par le prisme culturel de l’entreprise sous-entendant des mouvements réguliers d’un métier
à l’autre par proximités de compétences et nécessitant donc l’apprentissage et l’adaptation
fréquents à de nouveaux environnements de travail. Dans ce document, la compétence (et sa
maîtrise) est toujours prise comme à la fois, levier de performance pour l’individu et
l’entreprise : « L’évaluation est une estimation de la capacité à réussir » … « L’évaluation est
une responsabilité de management orientée vers le développement de la personne et les
besoins des entreprises. » Cette évaluation des compétences est « temporellement » liée aux
changements réguliers rythmant le parcours des métiers et cherche toujours une cohérence
métier en intégrant cet aspect à celui du management pur des hommes : « La pertinence de
l’évaluation du potentiel passe par le regard croisé porté sur les agents qui implique au
minimum 3 personnes : le management de l’agent, un membre de la filière ressources
humaines, un manager du domaine cible ou d’un domaine différent, éventuellement un expert
externe. » Malgré un fossé évident entre le système managérial et le système métiers, on sent
toujours une conscience forte de conserver un lien direct, révélatrice d’une culture particulière
au sein de l’entreprise et rendue de toute façon obligatoire par la technicité des activités à
gérer.
3.1.2.2 La Gestion Prévisionnelle des Emplois et
Compétences (GPEC)
Les compétences dont nous parlons peuvent recouvrir des métiers différents et les réflexions
qui sont entamées au plan managérial visent plus les compétences que les métiers (qui sont
malgré tout, interdépendants). Dans le but de les pérenniser, de mieux les maîtriser et
d’anticiper les évolutions par rapport au contexte de l’entreprise, ces compétences ont été
cartographiées à travers la démarche GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et
Compétences) (Dufrene, 2005). Cette démarche applique en quelque sorte les
recommandations exposées plus haut, et s’applique aux groupes de compétences constitutifs
des Divisions et Départements, structures élémentaires de l’organisation de l’Unité. Le
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« groupe de compétences » représente le premier niveau de compétence collective de l’Unité
« fruit d’une organisation en équipe s’appuyant sur les compétences individuelles des
personnes de l’équipe et travaillant sur un domaine d’activité identique. » A chaque groupe
est associé une « GPEC opérationnelle » qui a pour objectif de s’assurer en permanence de
disposer dans la durée des compétences nécessaires et suffisantes à la réalisation des livrables
demandés par les projets (le terme de livrables est à prendre au sens large). Le but est donc
d’apprécier qualitativement et quantitativement à court et moyen terme, les compétences
nécessaires à la réalisation des livrables ; d’anticiper les évolutions probables de
compétences au regard des orientations stratégiques du domaine de compétence ; donc de
préparer le management des hommes (embauches, mouvements inter-métiers, formations…).
La GPEC opérationnelle de chaque groupe se veut mettre en balance dans une grille
spécifique, ses livrables et ressources au regard des compétences requises, classées comme
incontournables, nécessaires ou souhaitables. Cette logique explique pourquoi les réflexions
sur les compétences préoccupent plus le management, qui a pour axe premier l’atteinte des
objectifs (production des livrables en temps et en heure, logique de coûts, satisfaction du
personnel). Au plan de l’entité du SEPTEN, pour donner un exemple concret, des
compétences plus larges ont été répertoriées par « Liste des Modules de compétences » et
classées par Axe :
A 01 - Performances des chaudières nucléaires
A 02 - Performances des chaudières thermiques classiques
A 03 - Dimensionnement et comportement des matériels
A 04 - Génie civil & confinement
A 05 - Installation
A 06 - Instrumentation contrôle commande fonctionnement
A 07 - Radioprotection-environnement
A 08 - Simulateurs
A 09 - Sûreté
A 10 - Partenariat et relations industrielles
A 11 - Conduite de projet
A 12 - Management
A 13 - Fonctions supports
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Le premier Axe « A 01 - Performances des chaudières nucléaires » comporte les Modules :
A 01.01 Neutronique en conception et dimensionnement
A 01.02 Neutronique en fonctionnement normal ou accidentel
A 01.03 Combustible: Méthodologies et études de conception de l'assemblage et des
grappes
A 01.04 Combustible: méthodes et études de conception du crayon
A 01.05 Combustible: technologie du produit combustible
A 01.06 Thermohydraulique: méthodes et études de conception
A 01.07 Accidents graves
A 01.08 Thermohydraulique coeur : Méthodes et Etudes de Conception
Chaque Module fait l’objet d’une fiche synthétisant les objectifs du Module de compétences,
ses Activités clés ou actions significatives, les connaissances professionnelles requises, les
critères de reconnaissance du module et la Formation requise (formation initiale, stages
complémentaires externes à l’entreprise, formation dite « sur le tas » ou « fonctionnement en
tandem »). Cette démarche GPEC va tout à fait s’intégrer dans la logique de Projet : chaque
projet requiert de fournir un certain nombre de livrables pour lesquelles les compétences
requises vont être identifiées dans les Unités par le biais de ces cartographies.
3.1.2.3 Le Plan de Développement de la Compétence sensible
(PDCC)
Une deuxième démarche a cours actuellement : le PDCC (Plan de Développement de la
Compétence sensible). Celle-ci qui s’inclut certes dans la lignée de la précédente, semble
revenir plus vers les problématiques métiers au travers des compétences qui les composent
(ou inversement) dans un souci de pérennisation. La situation en avril 2006 des métiers de
l’ingénierie nucléaire est la suivante : 3 725 salariés statutaires, dont 2 781 répartis dans des
métiers techniques d’ingénierie. Ces métiers techniques sont répartis comme tel (Direction de
l’emploi EDF, 2006) :
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Famille professionnelle Effectif %
MECANIQUE CHAUDRONNERIE ROBINETTERIE 549 18,3%
FONCTIONNEMENT QUALITE TECHNIQUE 464 15,5%
GESTION PROJET TECHNIQUE DEVELOPPEMENT 419 14%
GENIE CIVIL 285 9,5%
AUTOMATISMES ELECTRONIQUES INFORMATIQUE INDUSTRIELLE 240 8%
MATERIAUX STRUCTURES 214 7%
CHIMIE ENVIRONNEMENT 171 5,7%
ELECTRICITE COURANTS FORTS 156 5,2%
INSTALLATION GENERALE 126 4,2%
ESSAIS 121 4%
COMBUSTIBLE DECHETS LOGISTIQUE CHANTIER 110 3,7%
EXPLOITATION CONDUITE NUCLEAIRE THERMIQUE A FLAMME 71 2,4%
RADIOPROTECTION PREVENTION RISQUES SECURITE 69 2,3%
Total 2 995
La DIN est, comme nous l’avons déjà abordé plus haut, l’architecte ensemblier du producteur
nucléaire, et répond aux enjeux suivants :
- maintien du parc en exploitation, toujours plus propre et rentable,
- allongement de la durée d’exploitation,
- renouvellement du parc de production nucléaire dans les meilleures conditions
techniques, économiques et industrielles : l’EPR,
- déconstruction au moindre coût des installations arrêtées.
Ses principaux facteurs d’évolution impactant les métiers à court et à moyen terme sont :
- d’un point de vue stratégique et économique : le développement d’une seconde tranche
EPR en France, le développement à l’international (Chine, UK) et l’ajustement ressources
internes/externes avec réinternalisation de certains métiers.
- d’un point de vue démographique : les départs en retraite devraient effectivement
sérieusement impacter les compétences métiers DIN avec une prévision d’une centaine de
départs par an à compter de 2009.
Face à ces problématiques, la réflexion prospective s’oriente sur un recentrage sur les activités
cœurs de la DIN. Il en ressort qu’à l’intérieur de la compétence-clé « ingénierie nucléaire » les
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métiers DIN ont été regroupés en sept compétences sensibles qui couvrent 80 % de l’effectif
actuel de la DIN :
Compétence sensible Unité responsable
COMBUSTIBLE SEPTEN
EVALUATION DE SURETE ET CONDUITE ACCIDENTELLE SEPTEN
EQUIPEMENTS SOUS PRESSION CEIDRE
CONTROLE-COMMANDE CIPN
ARCHITECTE ENSEMBLIER CNEN
GENIE CIVIL CEIDRE
ENVIRONNEMENT CIDEN