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Méthylomes et transcriptomes de P. luminescens

Chapitre IV] Discussion et perspectives

2) Méthylomes et transcriptomes de P. luminescens

Figure 1 : Arbre phylogénétique de probabilité maximum montrant les positions des espèces de Photorhabdus dans un panel représentatif de

Gamma Proteobacteria.

Cette analyse est basée sur 12 gènes codant pour des protéines du core-génome (infB, nusA, polA, pyrD, rpoB, valS, cysS, metK, purA, tpiA, smpB et

secY). L’alignement des séquences (ClustalW) a été réalisé en utilisant Guidance 2 Server (Sela et al., 2015). L’arbre phylogénétique a été réalisé

par Jean-Claude Ogier en suivant un modèle GTR de substitution suivant le taux d’hétérogénéité de distribution gamma et la proportion de sites invariants. La séquence de Caulobacter crescentus a été utilisée comme groupe extérieur. Les valeurs de bootstrap (Felsenstein, 1988) de plus de 80% (sur 100 réplicats) sont indiquées sur les nœuds.

Chapitre I] Introduction

Les bactéries du genre Photorhabdus sont des bacilles Gram négatifs appartenant aux Enterobactéries. Phylogénétiquement très proche des Xenorhabdus (Photorhabdus

luminescens était d’ailleurs appelé Xenorhabdus luminescens jusqu’en 1993 (Boemare et al.,

1993), elles forment avec elles un clade à part dans les entérobactéries (Fig. 1). Il existe 4 espèces dans le genre Photorhabdus qui sont : P. luminescens, P. temperata, P.

Heterorhabditis et enfin P. asymbiotica (qui est la seule espèce de Photorhabdus pathogène

humain opportuniste)1. Malgré le nom d’espèce de cette dernière, elles sont toutes retrouvées en symbiose avec un nématode du genre Heterorhabditis et ces complexes sont pathogènes d’insectes (Poinar, 1990 ; Forst and Nealson, 1996). Chaque espèce de nématode est associée spécifiquement avec une espèce bactérienne comme Photorhabdus

luminescens avec Heterorhabditis bacteriophora (modèles étudiés durant cette thèse). Les

complexes némato-bactériens sont notamment utilisés en biocontrôle pour lutter contre

Opogona sachari (la teigne du bananier, lépidoptère), Sphenophorus spp. (coléoptère

ravageur de gazon), Otiorhynchus sulcatus (Othiorhynque de la vigne, coléoptère),

Synanthedon spp. (lépidoptère), Pachnaeus spp. (charançon ravageur d’agrumes,

coléoptère), Diabrotica spp. (chrysomèle des racines du maïs, coléoptère) et autres insectes ravageurs de divers genres (Tableau 1) (Lacey et al., 2015).

Au laboratoire, il est possible de réaliser une infestation en mettant en contact le complexe némato-bactérien et l’insecte cible. La mort intervient 48 à 72h après contact. L’infection peut aussi être réalisée par injection directe de cultures bactériennes dans l’hémolymphe de l’insecte, équivalent du sang chez les mammifères. La mort de l’insecte intervient alors 30 à 40h post-inoculation. L’insecte modèle le plus utilisé lors d’études de bactéries pathogènes animales ou humaines se nomme Galleria mellonella. C‘est un lépidoptère ravageur de ruches qui est utilisé à cause de sa facilité d’élevage, de la taille des larves ainsi que des gradients de température pouvant être utilisés durant son élevage et le suivi de pathogénèse (Cook and McArthur, 2013). Le second insecte utilisé durant cette thèse est également un lépidoptère. Nommé Spodoptera littoralis ou ver du cotonnier, c’est un ravageur de cultures polyphage qui peut s’attaquer aux cotonniers comme à la tomate ou 1 Une étude publiée en juin 2018 propose une nouvelle nomenclature pour le genre Photorhabdus en montant au rang d’espèces la plupart des sous-espèces actuelles (Machado et al., 2018). Cette nouvelle taxonomie n’étant pas encore intégrée par

Figure 2 : Schéma du cycle du complexe némato-bactérien Photorhabdus luminescens/Heterorhabditis bacteriophora

La bactérie est retrouvée en complexe avec le nématode dans son tube digestif. Ce complexe entre dans un insecte cible par les voies naturelles ou en perçant la cuticule et relargue les bactéries symbiotiques dans l’hémolymphe. Les bactéries tuent l’insecte par septicémie et secrètent de nombreux facteurs de virulence, le nématode démarre ensuite son développement en se nourrissant des bactéries. Lorsque les nutriments s’épuisent, le complexe némato-bactérien se réassocie et sort de l’insecte à la recherche d’un nouvel hôte.

autres Solanaceae. Il est principalement retrouvé en Afrique et au Proche-Orient mais aussi, plus récemment, en Espagne, en Italie et en France 1,2.

Les nématodes du genre Heterorhabditis sont fortement pathogènes pour cet insecte le désignant comme second modèle de choix pour se rapprocher des conditions d’utilisation en environnement naturel pour la lutte biologique (Glazer et al., 1991). De par son cycle de vie à trois partenaires, Photorhabdus luminescens doit s’adapter à son hôte et alterner entre une phase symbiotique avec le nématode et une phase pathogénique chez l’insecte (Fig. 2).

1) Le cycle P. luminescens/H. bacteriophora/Insecte cible

La relation némato-bactérienne est dite mutualiste car elle est bénéfique aux deux partenaires. Photorhabdus n’est pas viable seul dans l’environnement et Heterorhabditis a un pouvoir infectieux et un succès reproducteur nul sans sa bactérie symbiotique (Han and Ehlers, 2000). Le complexe est retrouvé dans les sols au stade « Infestant Juvénile » (IJ) et les bactéries sont situées dans le tube digestif à ce stade de développement (Boemare et al., 1993) avec environ 103 CFU par IJ (Somvanshi et al., 2010). Durant cette phase symbiotique,

P. luminescens est en phase M (pour mutualiste) (Ciche et al., 2008, Somvanshi et al., 2010).

Le nématode peut rester dans le sol plusieurs mois sans se nourrir en puisant dans ses réserves de lipides (Grewal et al., 2011). Lors d’un contact avec un insecte, le nématode va alors avoir la capacité de pénétrer dans ce dernier. Si les voies naturelles, orale, anale ou encore les stigmates, sont des voies d’entrées chez des nématodes proches phylogénétiquement comme les Steinermatidae (Marcek et al., 1988), Heterorhabditis semble lui entrer en perçant la cuticule et plus précisément au niveau des jonctions entre les différents segments de la cuticule de l’insecte (Bedding and Molineux, 1982 ; Wang and Gaugler, 1998). Une fois dans l’hémocœle de l’insecte, le nématode régurgite ses symbiotes qui vont alors passer de la phase M à la phase P (pour pathogène) (Somvanshi et al., 2010). Ensuite, P. luminescens se multiplie et tue l’insecte par septicémie 48 à 72h après infestation par le complexe (Clarke and Dowds, 1995). L’ensemble des mécanismes aboutissants à la mort de l’insecte ne sont pas encore totalement compris mais nous savons que

Photorhabdus contourne par exemple l’immunité humorale de l’insecte en modifiant son

LPS et inhibe l’immunité cellulaire et plus précisement la phagocytose grâce à la secrétion

de diverses toxines (Nielsen-Leroux et al., 2012). Lors de la mort de l’insecte, la population de Photorhabdus se situe aux alentours de 109 bactéries par insecte.

De son côté, le nématode va aussi se développer après avoir relargué Photorhabdus dans l’hémolymphe. La première étape de son développement appelée « recovery » en anglais est de sortir de son stade de quiescence (IJ) pour passer à un stade adulte nommé J3 initiant le cycle du nématode (Ciche et al., 2008). Plusieurs facteurs sont impliqués dans le signal amenant ce changement de stades (quiescent à métaboliquement actif) comme des facteurs présents dans l’hémolymphe (Ciche and Ensign, 2003). Le principal facteur identifié est la production de stilbènes (1) (ST) par Photorhabdus qui activent ce changement.

Une fois au stade adulte hermaphrodite, Heterorhabditis va relarguer environ 300 œufs qui vont éclore pour donner des nématodes au stade J1 sexués. Certains de ces nématodes vont se différencier à nouveau en IJs alors que d’autres vont se développer en se nourrissant de la biomasse de Photorhabdus présente dans l’insecte et vont passer par 4 stades de développement juvéniles (J1-4) avant de redonner des adultes (Ciche et al., 2006). Les nématodes adultes hermaphrodites ne vont pas relarguer tous leurs œufs dans le milieu et vont en conserver certains qui se développeront à l’intérieur du nématode par un processus appelé endotokia matricida. Les nématodes s’étant développés à l’intérieur des nématodes adultes donneront uniquement des nématodes au stade IJ qui seront colonisés par

Photorhabdus. Ces IJs sortiront ensuite du cadavre de l’insecte à la recherche d’une nouvelle

cible. Chaque cycle prend généralement de 10 à 20 jours et plus de 100 000 IJs sortent du cadavre de l’insecte pour un nématode infestant (Joyce et al., 2006).