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Implication des MTases dans les phénotypes globaux

Chapitre IV] Discussion et perspectives

6) Généralités sur la méthylation de l’ADN

7.1 Implication des MTases dans les phénotypes globaux

Chez les entérobactéries, la méthylation sur les adénines est la plus décrite. Néanmoins certains exemples démontrent un rôle de la méthylation des cytosines. Dcm (DNA cytosine MTase) est la plus connue des MTases bactériennes méthylant les cytosines. Elle méthyle la deuxième cytosine des sites CCWGG. Cette MTase est décrite comme potentiellement impliquée dans la régulation de gènes de la phase stationnaire. En effet, chez un mutant

dcm, l’expression du facteur sigma RpoS augmente ainsi que celle de nombreux autres gènes

de la phase stationnaire et il est possible que ces phénomènes soient en lien direct avec une régulation par Dcm (Kahramanoglou et al., 2012). La conservation de cette MTase étant très forte dans les espèces d’E. coli il semble logique qu’elle ait un rôle important dans la cellule (Militello et al., 2012). Plus récemment il a été démontré que la MTase Dcm avait un rôle dans la résistance aux composés antimicrobiens en régulant l’expression du gène sugE qui est un transporteur impliqué dans cette résistance (He et al., 2011 ; Militello et al., 2013). Un autre exemple de méthylation des cytosines chez les bactéries à Gram négatif est celui d’Helicobacter pylori. Il existe chez cette bactérie de nombreuses MTases méthylant les bases cytosines ou adénines. Des analyses transcriptomiques comparant H. pylori WT et un mutant pour une MTase méthylant les cytosines en position 5 (m5C) (hpyAVIBM) ont mis en évidence un rôle de cette MTase dans la régulation de gènes de mobilité, d’adhésion et de virulence (Kumar et al., 2012a ; Kumar et al., 2012b). Une étude plus récente a de plus démontré l’importance d’une MTase d’H. pylori méthylant les cytosines en position 4 (m4C) dans la régulation de la transcription et de la virulence (Kumar et al., 2018). Hormis ces quelques exemples, la méthylation des cytosines reste à ce jour chez les bactéries un phénomène qui semble moins essentiel que la méthylation des adénines (Marinus and Casadesús, 2009).

La méthylation des adénines chez les bactéries est sans nul doute la plus étudiée. De nombreuses études débutent par une mutation ou une surexpression de la MTase cible suivi d’une étude des phénotypes affectés par la dérégulation de la MTase et parfois d’une analyse transcriptomique. Ces travaux permettent de cibler certains gènes candidats potentiellement sujets à la régulation par une méthylation dans la région promotrice du gène. Des études de ce genre ont commencé chez Salmonella où un mutant Dam a été montré comme avirulent chez la souris (Garcia-Del Portillo et al., 1999 ;

Tableau 6 : Exemples de gènes dont la régulation de la transcription est sous contrôle de la méthylation d’adénines (Casadesús, 2016).

Heithoff et al., 1999). Une diminution de la virulence a aussi été démontrée chez les bactéries mutées pour le gène dam chez Haemophilus influenzae (Watson et al., 2004 ),

Yersinia pseudotuberculosis IP32953 et pestis (Taylor et al., 2005 ; Robinson et al., 2005), Klebsiella (Mehling et al., 2007) et Actinobacillus (Wu et al., 2006). Il est intéressant de noter

que chez certaines bactéries cette mutation est létale comme chez Y. pseudotuberculosis,

Vibrio cholerae ou encore Aeromonas hydrophila (Julio et al., 2001 ; Erova et al., 2006 ;

Demarre and Chattoraj, 2010). Dans ce cas, l’alternative de la surexpression de la MTase Dam a permis de démontrer une baisse du pouvoir pathogène (Julio et al., 2001 ; Julio et al., 2002 ; Erova et al., 2006). Il est à noter que la surexpression de Dam chez Salmonella ou

Pasteurella multocida amène aussi à une baisse de la virulence de ces bactéries (Heithoff et

al., 1999 ; Chen et al., 2003). Dam joue un rôle majeur dans les systèmes MMR (Voir partie 7.1 pour détails) ce qui amène à penser que c’est le taux d’erreurs dans la réparation de l’ADN qui augmente et donc que ces phénotypes sont causés par des mutations et non directement par la méthylation de l’ADN. En effet, chez Salmonella (Torreblanca and Casadesús, 1996) ou E. coli (Marinus, 2010) le taux de mutations augmente lorsqu’on mute le gène dam ou qu’on surexprime cette protéine. Cependant, les études de transcriptomique (RNAseq) montrent une variation dans l’expression de plusieurs gènes liés à la virulence chez

Salmonella ce qui confirme l’hypothèse d’une régulation par la méthylation de l’ADN et non

une régulation due à l’augmentation du taux de mutations (Balbontín et al., 2006). Un autre moyen de vérification est celui de la complémentation (transformation d’une bactérie mutée sur dam avec un plasmide contenant le gène dam natif). Si la méthylation de l’ADN est réellement à l’origine du changement d’expression du gène, en rétablissant le profil de méthylation originel par une complémentation on rétablira aussi le phénotype. A l’inverse, si le phénotype est lié à une mutation il restera malgré la complémentation. Ce protocole a par exemple été utilisé chez les E. coli uropathogènes (Stephenson and Brown, 2016).

Si les études présentées précédemment ont pour but d’étudier l’impact global de la méthylation par Dam sur les phénotypes des bactéries, certaines études plus mécanistiques ont permis l’explication du phénomène de régulation (Tableau 6 (Casadesús, 2016 pour détail)) comme pour l’opéron pap, le système de sécrétion de type VI (SST VI) chez E. coli et l’opéron opvAB chez Salmonella détaillés ci-dessous.

Figure 15 : Switch de l’opéron pap de OFF vers ON (Casadesús and Low, 2006)

La région régulatrice de pap avec les six sites de liaison de Lrp (rectangles gris) et les sites GATC proximaux et distaux dans les sites de liaison Lrp 2 et 5 respectivement est représentée en haut. Les promoteurs divergents papI et papB sont signalés avec des flèches. Les protéines Lrp (ovales), PapI (triangles) et PapB (losanges) sont représentées. L’état de méthylation des sites GATC est représenté par un rond blanc si non méthylé et par un rond noir si méthylé.