• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV] Discussion et perspectives

5) L’épigénétique bactérienne

J’utiliserai durant cette thèse la définition de l’épigénétique suivante : Tout changement dans l’expression de gènes qui soit transmissible à la génération fille tout en étant réversible et n’étant pas lié à un changement dans la séquence nucléotidique. Chez les bactéries, les mécanismes impliqués sont au nombre de 2 ou 3 selon les points de vue. La multistationarité (simples boucles de rétroaction positives ou doubles boucles de rétroaction négatives dans les réseaux de régulation génétiques), la méthylation de l’ADN et enfin, selon les avis, les petits ARN. Ces derniers peuvent faire partie des mécanismes épigénétiques car la résultante finale de la liaison de ces ARN va être une expression différentielle de la protéine codée par le gène. Malgré le fait que ces ARN puissent être transmis aux bactéries filles lors de la division cellulaire, je classerais plutôt ce mécanisme comme un mécanisme régulateur de l’expression des gènes sans parler d’épigénétique. Plusieurs revues débattent sur l’appartenance ou non de ce mécanisme à l’épigénétique actuellement mais ce n’est pas le sujet de cette thèse (Waters et al., 2009 ; Deans and Maggert, 2015 pour détail).

Un premier mécanisme épigénétique décrit est la simple boucle de rétroaction positive. Dans ce système, une protéine A peut être soit capable de se lier à la partie promotrice de son gène et d’activer ainsi sa propre transcription (autoactivation), soit être activatrice de la synthèse d’une autre protéine B qui active la transcription du gène codant la protéine A (Fig. 8A) (Ferrell, 2002). Ce mécanisme peut être élargit à la présence de molécules activatrices dans le milieu amenant cette rétroaction positive. L’exemple le plus décrit est celui de l’opéron lactose chez E. coli. Cet opéron est inhibé par le répresseur LacI lorsqu’il n’y

Figure 9 : Double boucle de rétroaction négative, exemple du phage λ

A- La molécule A inhibe la production de la molécule B. La molécule B inhibe la production de la molécule A. Les signaux extérieurs (activateurs ou inhibiteurs) détermineront quelle molécule sera produite. Une fois l’une des deux produite, l’autre sera inhibée et un état stable obtenu. Dans ce cas on peut avoir uniquement un état ON pour A/ OFF pour B ou l’inverse.

B- Dans le cycle du phage λ, si le gène cI est transcrit en premier, la protéine produite inhibera cro et le cycle sera lysogénique. Inversement, si Cro est produite en premier elle inhibera la transcription de cI et le cycle sera lytique (Casadesús and Low, 2013)

a pas ou peu de lactose ou d’isopropyl β-D-1-thiogalactopyranoside (IPTG) dans le milieu. Une augmentation de la concentration d’IPTG dans le milieu amène l’inactivation de LacI et donc l’expression de l’opéron lactose. Les 3 gènes lacZ, Y et A de cet opéron codent respectivement pour la β-galactosidase, une lactoperméase et une transacétylase. LacZ sert à l’hydrolyse du lactose en glucose et galactose (Lederberg, 1950 ; Kalnins et al., 1983) et LacA à l’élimination des composés toxiques produits dans ce processus (Andrews and Lin, 1976). Seuls LacZ et Y sont essentiels au catabolisme du lactose. La perméase LacY permet l’entrée de l’IPTG dans la cellule, ainsi lorsqu’une cellule a été stimulée elle va pouvoir rester activée même si la concentration en IPTG chute puisqu’elle fait rentrer plus d’IPTG grâce à ses perméases (Figure 8B) (Laurent et al., 2005 ; Chang et al., 2010). Dans ce système, les cellules filles se partagent les récepteurs présents sur la membrane de la cellule mère et vont ainsi conserver ce phénotype (Chang et al., 2010).

Un second système est celui de la double boucle de rétroaction négative. Dans ce cas, une protéine A va inhiber la production d’une protéine B qui, si elle est produite, inhibe la protéine A (Figure 9A) (Ferrell, 2002). L’exemple le plus connu de ce mécanisme est l’alternance du cycle lysogénique/lytique du phage λ. Si le passage du cycle lytique à lysogénique peut aussi être influencé par divers événements comme le cycle cellulaire, ou les conditions du milieu environnant, il est connu que ce cycle est régulé par deux régulateurs nommés CI et Cro qui sont respectivement répresseurs l’un de l’autre. Lors d’une infection, les deux répresseurs sont produits et une compétition est lancée. Selon lequel des deux se fixera en premier, le second sera inhibé. Si CI se fixe en premier le cycle sera lysogénique et à l’inverse si Cro se fixe en premier il sera lytique (Figure 9B) (Johnson et al., 1981 ; Schubert et al., 2007 ; Casadesús and Low, 2013 ).

Dans les deux mécanismes décrits ci-dessus, on observe un phénomène appelé bistabilité. Pour la boucle de rétroaction positive soit le/les gènes ON se maintiennent en cet état ou alors l’ensemble est OFF. Pour la double boucle de rétroaction négative soit le gène A est ON et donc B est OFF, soit l’inverse, mais jamais les deux ON ou les deux OFF (Ferrell, 2002). Néanmoins ces deux mécanismes vont aboutir à un état phénotypique stable mais réversible sans qu’il n’y ait de modification dans la séquence génétique.

Un dernier mécanisme épigénétique est la régulation génétique par la méthylation de l’ADN. Avant d’expliquer en quoi la méthylation de l’ADN est un mécanisme épigénétique, il me semble important d’expliquer son rôle chez les bactéries de manière plus générale. A

Figure 10 : Les trois différentes bases retrouvées méthylées chez les procaryotes.

De gauche à droite, m6A, m5C et m4C.

Figure 11 : Système de restriction-modification, exemple d’un ADN exogène de bactériophage (D’après Furuta and Kobayashi, 2013).

Dans les systèmes RM une enzyme de restriction et la MTase qui lui est associée vont reconnaitre les mêmes sites sur l’ADN. L’ADN génomique est méthylé par la MTase immédiatement après la réplication du génome ce qui empêche sa dégradation par l’enzyme de restriction. A l’inverse un ADN exogène comme celui d’un bactériophage n’aura pas le même profil de méthylation et sera digéré par cette enzyme.