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1. Choix des parcours analysés : Le cas de trois ARE

Afin de répondre à notre question de recherche nous avons sélectionné des étudiants en Master Sciences de l’éducation Formation d’adultes au sein de l’Université de Genève répondant aux caractéristiques des ARE, à savoir,

• des individus âgés d’au moins 25 ans,

• en reprise d’études après une pause significative dans leur parcours formatif,

• avec une activité professionnelle pendant le Master.

Etant nous-même étudiantes du MAFA, et répondant également à ces caractéristiques, il nous a été facile d’avoir accès à ces individus. Notre sélection s’est ainsi faite de manière opportuniste. Nous avons trouvé des réponses favorables de la part de treize individus (dix femmes et trois hommes), acceptant de participer à notre recherche.

En prenant compte des disponibilités et des contraintes de chacun de ces individus, nous avons mené huit entretiens, six auprès de femmes et deux auprès d’hommes.

Notre recherche ne visant pas une quelconque représentativité des individus inscrits au MAFA de l’UNIGE, nous avons ensuite sélectionné de façon aléatoire trois de ces entretiens que nous avons ensuite analysé afin de répondre à notre question de recherche. Le caractère aléatoire de notre sélection se positionne dans une perspective scientifique où les entretiens analysés n’ont pas été sélectionnés sur la base de critères quelconques. Il s’est ainsi avéré que les entretiens sélectionnés étaient ceux de trois femmes, dont deux ayant des enfants à charge. Nos trois interviewées ont par ailleurs été amenées à suivre des cours similaires, au cours de leur parcours. L’analyse de ces trois cas nous a ainsi permis de produire des données suffisantes afin de répondre à notre question de recherche.

2. Une démarche épistémologique compréhensive

En accord avec le cadre conceptuel présenté et compte tenu de notre question de recherche, nous nous inscrivons dans une démarche épistémologique compréhensive, et nous considérons l’entretien compréhensif comme la méthode de production des données la plus appropriée.

Par notre recherche, nous souhaitons mieux comprendre les perceptions qu’ont les ARE de leurs soutiens perçus au niveau familial, universitaire et organisationnel, et le rôle de cette perception dans leur engagement en formation. D’autre part, nous désirons comprendre comment ces ARE régulent la perception qu’ils ont du soutien social et du soutien organisationnel perçus, pour rester engagés en formation. Notre recherche s’inscrit dans le contexte formatif du MAFA à l’UNIGE.

La recherche compréhensive considère la personne humaine comme un acteur qui construit des significations à partir de la place qu’il occupe dans le monde (Charmillot & Dayer, 2007). L’analyse des données est centrée sur la dialectique individuel/collectif. (Charmillot & Dayer, 2007). Kaufmann (2016) précise en ces termes cette perspective :

« La démarche compréhensive s’appuie sur la conviction que les hommes ne sont pas de simples agents porteurs de structures, mais des producteurs actifs du social donc des dépositaires d’un savoir important, qu’il s’agit de saisir de l’intérieur, par le biais du système de valeurs des individus » (p. 24).

Il précise aussi que « les données recueillies sur le terrain de recherche vont devenir l’élément central du dispositif de recherche » (Kaufmann, 2016, p. 10). Comme Dayer et Charmillot (2012) le soulignent, le va-et-vient constant entre le terrain et la théorie permet la construction progressive de l’objet de recherche. Nos ARE interviewées pour cette recherche en sont donc les acteurs principaux et se positionnent ainsi comme le point de départ de notre problématique.

Comme déjà présenté, notre recherche s’intéresse au processus de régulation des perceptions de soutien, sans effet de causalité et de l’engagement en formation, ce qui positionne notre démarche comme compréhensive. L’entretien compréhensif a comme objectif de parvenir à une compréhension intime de la pensée et de l’action des personnes interviewées (Kaufmann, 2016). C’est ainsi au travers d’entretiens semi-directifs que nous avons recherché à comprendre le phénomène/processus qui permet à nos ARE sélectionnées de réguler la ou les perception(s) qu’elles ont du soutien social perçu et du soutien organisationnel perçu, pour rester engagées en formation et le rôle de ces perceptions dans leur engagement dans la formation. L’entretien compréhensif a ainsi permis aux participants de notre recherche de s’exprimer librement à propos de l’objet de recherche, et à nous-mêmes, en tant qu’intervieweuses, de ne pas orienter leurs réponses.

3. Production des données

Nous avons mené un entretien exploratoire nous permettant de délimiter les indicateurs pour nos futurs entretiens et de stabiliser la méthodologie de recueil des données. Cela nous a permis de réaliser que partir d’une trace significative pour nos interviewés, permettait de répondre à l’ensemble de nos indicateurs sans trop orienter leurs discours. En effet pour faciliter l’explicitation des évènements vécus plusieurs mois auparavant, nous avons invité les personnes interviewées à amener une trace marquante de leur engagement en formation. Cette trace a été le point de départ de nos entretiens qui se sont ensuite déroulés de manière spontanée, via quelques relances sporadiques. La trace pouvait prendre la forme d’un objet ou évènement significatif pour la personne et a été introduite de la manière suivante : « Pour commencer si tu es d’accord, je te propose de me raconter comment s’est passé ta décision de reprise d’études à l’université, et peut être de le faire à partir de la trace que tu as amenée, qui est significative pour toi de cette période-là. Cette trace peut t’aider à te remettre dans la situation où tu étais à ce moment-là. Il est important que tu partes de cette trace-là pour expliciter ton parcours. »

Nous avons ainsi réalisé huit entretiens compréhensifs. Les ARE retenus participaient au MAFA de l’UNIGE au moment de l’entretien et présentaient deux caractéristiques importantes pour nous : une vie familiale et une vie professionnelle. Afin de favoriser un climat de confiance nous avons décidé de ne pas être toutes deux présentes durant les différents entretiens. Nous nous sommes ainsi réparti les entretiens et les avons menés de façon individuelle. Chaque entretien réalisé a été enregistré et retranscrit par la chercheuse n’ayant pas été présente lors de l’entretien.

Le premier contact s’est fait par courriel (modèle en annexe – Annexe 1), dans lequel nous avons une nouvelle fois explicité notre recherche (oralement introduite en amont) et dans lequel nous avons reformulé notre désir de les intégrer, avec leur accord, à nos entretiens.

4. Posture de chercheuses, subjectivité et conditions de production du discours

Compte tenu du rapport que nous entretenons avec notre objet de recherche, nous nous sommes questionnées sur la place de la subjectivité dans la conduite de nos entretiens et avons porté un regard critique sur les conditions de production du discours de ces derniers.

Les préoccupations et les épreuves rencontrées par nos interviewés ne peuvent se penser autrement qu’en faisant écho à nos propres parcours d’ARE en Master Sciences de l’éducation Formation des adultes au sein de l’Université de Genève. La question de neutraliser notre expérience afin de répondre à une pression conscientisée ou non visant à « s’interdire d’intégrer toute dimension expérientielle ou existentielle » (Charmillot & Fernandez-Iglesias, 2019, p. 50) dans notre production pourrait s’expliquer par la crainte de la non-reconnaissance de notre contribution à la recherche au sein de la communauté scientifique. Elle s’est ainsi illustrée par notre positionnement fort à vouloir s’abstraire de nos propres parcours et expériences dans la conduite de nos entretiens et dans l’analyse de ces derniers. Nous avons ainsi tenté de ne pas comparer les parcours analysés à ceux que nous avons vécus et d’essayer tant bien que mal de ne pas orienter les discours de nos interviewés en lien avec nos propres expériences.

Notre posture de chercheuses s’est orientée naturellement vers un rapport à autrui favorisant la narration identitaire. Nous avons ainsi essayé de ne pas imposer à nos interviewées une identité présumée induite par nos indicateurs. Le fait de partir d’une ou plusieurs traces significatives pour débuter nos entretiens, a ainsi permis à chaque personne interviewée de construire sa propre narration, sans contrainte de forme ou sans devoir suivre une structure que nous aurions préétablie et imposée de façon consciente ou non lors de la conduite de nos entretiens.

Nos relances se sont ainsi principalement centrées sur des préoccupations de demande de précision ou des reformulations des dires de nos interviewées, afin de bien percevoir le sens qu’ils donnaient à leur propre parcours et ainsi éviter de tomber dans des biais interprétatifs ou de la surinterprétation.

Bien que certaines de nos interventions concernées des indicateurs préalablement définis en amont de nos entretiens, elles ne se positionnaient que rarement dans une optique de ramener le récit vers notre question de recherche, et succédaient généralement à des propos ayant déjà partiellement répondu à nos indicateurs. Nous avons ainsi privilégié une posture sans présupposée et avons accordé à nos interviewés un réel espace de narration. Il semble cependant important de préciser que nous ne nous sommes pas désolidarisées de ces espaces de narration. Nous avons réellement essayé de comprendre l’ensemble des enjeux mis en lumière par ces récits, tout en se montrant empathiques lorsque la situation s’y prêtait.

Partager une expérience commune avec nos interviewés nous a permis d’accéder à des informations précieuses, que nous n’aurions peut-être pas réussi à recueillir aussi facilement sans le lien d’expérience et de confiance nous unissant.

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