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Méthodologie de construction d’inventaires génériques électricité pour ACV conséquentielle

renouvelables intermittentes

5.4. Axes d’amélioration de la méthode

6.1.1. Méthodologie de construction d’inventaires génériques électricité pour ACV conséquentielle

La lutte contre changement climatique est actuellement au cœur des préoccupations de nombreux pays, qui ont pris des engagements volontaristes pour faire évoluer les modes de production et de consommation vers des solutions plus vertueuses vis-à-vis de l’environnement. La transition énergétique entraîne donc des ruptures dans la production de l’énergie, notamment électrique. Dans ce contexte, les décideurs ont besoin d’outils pour les orienter dans leurs décisions. D’un point de vue environnemental, la méthode ACV fait référence pour évaluer les impacts d’un produit. La réalisation d’une ACV est souvent perçue par un néophyte comme complexe à appliquer en raison des nombreuses données à collecter et hypothèses à formuler. Or, le monde industriel a la volonté d’intégrer de plus en plus dans la gestion de ses projets des ACV. Le développement méthodologique de l’ACV par la communauté de recherche suit généralement deux approches : soit améliorer la mé hode à travers une modélisation plus fine prenant en compte un nombre toujours croissant de paramètres, soit en cherchant à simplifier les méthodes déjà existantes pour les rendre plus génériques et accessibles à un plus large public.

Cette dualité d’approche se retrouve dans le développement d’une ACV conséquentielle, variante de l’ACV classique (dite « attributionnelle »). L’ACV conséquentielle, visant à évaluer les impacts d’un changement, est donc perçue comme particulièrement adaptée pour évaluer les décisions concernant les politiques énergétiques. Elle est actuellement le sujet d’une discussion d’amendement concernant la norme ISO 14044. L’un des débats récurrents concernant cette méthode concerne les inventaires (c’est-à-dire le bilan des flux impliqués) à réaliser, qui diffèrent de ceux utilisés en ACV classique. Parmi les méthodes de détermination d’inventaire conséquentiel proposées, toutes basées sur des modèles économiques, on distingue deux tendances : celles initiées par les travaux de Weidema

, qui privilégient une trame simple en quelques étapes basées sur les modèles économiques, et celles plus détaillées qui ont recours des outils complexes afin d’améliorer la qualité des résultats . Il n’y a donc pas actuellement de méthode préétablie qui fasse référence pour la réalisation des inventaires en ACV conséquentielle. De plus, Mathiesen et al. ont mis en évidence la nécessité de proposer de nouvelles méthodes qui seraient plus adaptées aux produits considérés dans l’inventaire.

Dans ce contexte, ces travaux de thèse avaient pour objectif de répondre à la problématique suivante : est-il possible de proposer aux praticiens une méthode de réalisation d’inventaires électricité génériques, qui représenterait mieux que celles déjà existantes les spécificités techniques de ce produit ?

Dans un premier temps, l’analyse de la littérature au Chapitre 1 a identifié que l’ACV conséquentielle reste peu appliquée par les praticiens d’ACV, notamment par manque de données génériques disponibles pour réaliser la phase d’inventaire. Plus précisément, leur

118 détermination actuelle nécessite d’intégrer des modèles économiques dans les ACV conséquentielles, ce qui peut générer une incertitude plus conséquente qu’en ACV classique. Ces modèles économiques (notamment modèles d’équilibre partiel ou général) sont souvent utilisés pour simuler les relations entre l’offre, la demande et le prix des biens. Ils requièrent tous un jeu de données important pour leur configuration, lesquelles ne s’avèrent pas toujours statistiquement fiables en raison du manque de données historiques . L’utilisation de telles approches est donc difficile, voire impossible, pour un non- économiste. Ce constat est d’autant plus fort pour l’électricité, élément clé de la transition énergétique. Les praticiens doivent donc choisir une donnée qui leur semble appropriée parmi les nombreuses sources d’informations (scénarios prospectifs, politiques énergétiques, etc.), qui constitue une source potentielle d’incertitude dans l’ACV conséquentielle finale (les hypothèses de construction des scénarios ne sont pas toujours explicitement décrites). Ainsi, pour le produit « électricité », le développement d’inventaires génériques pour pallier ce manque serait une première étape permettant de motiver les praticiens à appliquer une ACV conséquentielle lorsque cela est plus adapté à leur étude. Avant de proposer des inventaires, les spécificités du produit « électricité » et leurs implications dans la construction des inventaires ont été explicitées. Le Chapitre 2 a donc présenté et défini le mix de production électrique comme la somme de tous les moyens de production mis en œuvre pour produire de l’électricité sur un territoire donné. Le mix considéré comme une entité à part entière ne prend donc pas en compte les éléments de transport par le réseau, et les éventuels échanges par interconnexion. Différents paramètres extérieurs au mix lui-même influent sur sa composition et ses trajectoires d’évolution, ce qui peut générer soit une inertie soit une évolution plus rapide. Une étude statistique a été menée par une Analyse en Composantes Principales sur 94 pays évaluant l’influence entre des critères « économiques » et de « présence de ressources » ainsi d’un critère environnemental basé sur les émissions GES des mix, indicateur traduisant le changement climatique. Il s’avère néanmoins que les émissions GES peuvent servir de critère commun à l’évaluation des mix. Les données proposées par le GIEC ont été privilégiées, car plus accessibles et génériques pour les praticiens.

Le Chapitre 3 a analysé les mix électriques mondiaux de manière plus générique. L’étude s’est basée sur un panel de 91 pays sélectionnés en raison de leur production jugée significative (supérieure 10 TWh en 2012). La typologie proposée se base sur un couple de critères, i.e., les différents moyens de productions constituant le mix et les émissions GES du mix global. La typologie est constituée de 4 groupes, classés par émissions GES croissantes :

Gr1 : 0-37 gCO2éq/kWh,

Gr2 : 37-300 gCO2éq/kWh,

Gr3 : 300-600 gCO2éq/kWh,

Gr4 : >600 gCO2éq/kWh.

Ces émissions GES sont associées à des compositions caractéristiques de la production d’électricité fondées sur une différenciation entre « production majeure » et « autres productions ». Au-delà de ces groupes, on distingue deux sur-groupes, Gr1/Gr2 et Gr3/Gr4, qui possèdent le même mode de production majeur (hydraulique et/ou nucléaire, ou fossile).

119 Il manque cependant à ce stade un moyen d’évaluer la transition, c’est-à-dire ici le passage d’un groupe à un autre.

L’évolution des mix électriques au cours du temps a donc été analysée dans le Chapitre 4. L’étude historique des phénomènes de transition montre que la typologie a besoin d’être complétée par un modèle pour retranscrire les effets de la transition énergétique sur les mix. Ainsi, une optimisation mono-objectif impliquant, dans un premier temps, un critère de minimisation des émissions GES, puis dans un second temps, un critère de maximisation de la production d’origine renouvelable a été développé. Cette modélisation permet d’identifier les changements spécifiques de moyens de production à moyen et long termes. Ce modèle a été appliqué aux cas de transitions passées en France, en Allemagne et au Danemark. Les résultats montrent que le modèle mène à des trajectoires proches de la réalité en historique. Une analyse de sensibilité a montré que le modèle est peu sensible à des erreurs faibles d’estimation des paramètres à renseigner par le praticien (moins de 10 ou 15 %) ainsi qu’à des cibles de réduction des émissions GES plus restrictive. La cible de réduction des émissions GES à atteindre est cependant importante pour l’interprétation de la durée de transition. Le modèle fournit donc aux praticiens une trajectoire optimale de réduction des émissions GES pour la construction d’inventaires électricité génériques sans utiliser de modèles économiques.

A partir des éléments développés dans les chapitres précédents, un guide méthodologique d’élaboration des inventaires génériques électricité pour ACV conséquentielle a été proposé au Chapitre 5. Ce guide aborde également une contextualisation de l’inventaire dans l’ACV conséquentielle globale, avec un état des lieux des pratiques actuelles observées dans la littérature. L’ILCD Handbook reste la référence, malgré sa remise en cause récente, notamment concernant les préconisations pour la phase d’inventaire, qui n’est toujours pas définie de manière claire. Il est donc conseillé aux praticiens de suivre ces recommandations pour les autres phases de l’ACV et les autres inventaires à réaliser. Les inventaires conséquentiels génériques électricité sont déterminés en suivant quatre étapes, i.e., détermination de la disponibilité des données sur les mix électriques à prendre en compte (actuels et prospectifs), positionnement des mix dans la typologie à l’aide de leurs émissions GES, constat de l’état de transition, et éventuellement modélisation de la transition si la part de la production d’électricité impactée par le changement étudié dépasse un certain seuil (1 % de la production totale). Tous les inventaires proposés aux praticiens sont des mix moyens, permettant de retranscrire le caractère unitaire du mix. Il leur est enfin conseillé de réaliser des analyses de sensibilité pour mesurer l’influence de cet inventaire précis sur les résultats de l’ACV conséquentielle. Des améliorations de la méthode permettraient de proposer à terme des données génériques telles que demandées par les praticiens d’ACV. L’utilisation des mix électriques comme des entités à part entière et le recours à un critère uniquement environnemental distinguent la méthode proposée des méthodes existantes. Elle présente aussi l’originalité d’aboutir à la prise en compte uniquement de données moyennes pour l’électricité.