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Méthodologie d’évaluation des impacts du cycle de vie

3. ÉCO-CONCEPTION ET ANALYSE DE CYCLE DE VIE

3.4 Méthodologie d’évaluation des impacts du cycle de vie

Plusieurs méthodes existent pour évaluer les impacts du cycle de vie d’un produit. Il convient de comprendre certaines d’entre elles afin de mieux cerner les enjeux de l’ACV.

3.4.1 Méthodes d’évaluation des impacts du cycle de vie

Pour réaliser une évaluation des impacts d’une ACV, certaines méthodes existent. Celles-ci reposent sur l’ICV puisqu’elles transposent leurs données en impacts potentiels sur l’environnement (Godard, 2008).

Chaque méthode possède plusieurs catégories d’impact reposant sur des modélisations scientifiques qui modélisent l’interaction entre une substance de l’émission jusqu’à l’impact potentiel sur l’environnement. En comprenant le lien de cause à effet, chaque méthode d’évaluation décrit les conséquences qui pèsent sur l’environnement. Ainsi, il est possible d’estimer la contribution d’un produit par rapport à l’effet de serre, au travers de l’impact « changement climatique », à partir d’une émission de X Kilogrammes (Kg) de substances traduits en équivalent CO2 (ORÉE, 2015)

Le devenir d’une substance peut impacter dans de nombreux domaines (impacts intermédiaires) et se retrouver dans des catégories de dommages à une échelle plus large que sont les impacts finaux. La figure 3.6 illustre la conséquence environnementale qu’une émission de substances peut provoquer à différents niveaux. Ceci correspond également aux trois méthodologies d’évaluation des impacts, c’est-à- dire à la méthodologie intermédiaire ou mid-point, à la méthodologie de dommages ou end-point et à la méthodologie hybride combinant les deux dernières. Pour comprendre l’intérêt de la figure 3.4, un exemple peut être proposé. En effet, suite à une activité industrielle, il est émis dans l’air une certaine quantité en Kg de CO2. Ce résultat est attribué à la catégorie d’impact « Changement climatique ». La contribution potentielle de l’émission de dioxyde de carbone à cette catégorie d’impact est définie à l’aide d’un facteur de caractérisation. Considéré à ce stade comme un impact intermédiaire, il est possible de traduire cette contribution potentielle en CO2 en dommages potentiels finaux sur la qualité des écosystèmes et sur la santé humaine. (Aissani et autres, 2012)

La méthodologie hybride, telle que présentée ci-dessous, démontre qu’un résultat d’ICV peut correspondre à plusieurs catégories d’impacts, elles-mêmes réparties en plusieurs catégories de dommages.

Figure 3.6 Relations entre les résultats de l’ICV avec les catégories d’impacts intermédiaires et les catégories de dommages (modifié de : Jolliet et autres, 2010, p.12)

Trois méthodes différentes existent pour l’ACV hybride. Le tableau 3.1 présente ces méthodes et leur orientation avec leurs avantages et leurs inconvénients. Le premier modèle, soit la méthode EIO, apporte des avantages certains comme d’éviter le double comptage des données et la mise en place d’un cadre d’étude bien défini. Le second modèle, à savoir la méthode de Bullard (1988), traite l’ACV à l’aide de l’ACV EIO. L’avantage de cette méthode simple repose sur la bonne prise en compte des étapes d’utilisation et de fin de vie, pas toujours prise en compte par la méthode EIO. Enfin, le modèle hybride

Occupation du sol X Kg de CO2 X Kg de COV X Kg de P X Kg de SO2 X Kg de NOx X Kg de CFC X Kg de Cd X Kg de DDT Matières premières Pressions : Résultats d'ICV Santé humaine (Années équivalentes de vie

perdue)

Catégories d'impacts finaux de dommages

Qualité des écosystèmes (Nombre d’espèces perdues par

année)

Changement climatique

Disponibilité des ressources (Coût relatif à l’extraction des

ressources) Destruction de la couche d’ozone

Catégories d'impacts intermédiaire s Effets respiratoires Toxicité humaine Radiations ionisantes Formation de photo-oxydants (ozone

photochimique) Formation de particules (matières

particulaires) Changement climatique

Écotoxicité terrestre Acidification/Eutrophisation terrestre

Occupation des sols Écotoxicité aquatique Acidification/Eutrophisation

aquatique Consommation d’énergies non

renouvelables Extraction de minerais Consommation de l’eau

intégré reprend le deuxième modèle et propose une étude complète du système à l’étude. Toutefois, ce modèle complet peut être difficile d’utilisation et contraint ses utilisateurs à faire preuve de patience.

Tableau 3.1 Avantages et inconvénients d’une ACV hybride (inspiré de : Thériault, 2011, p. 11)

Modèles Avantages Inconvénients Références liées

ACV EIO

• Évite le double comptage • Cadre d’étude clairement

défini

• Difficile à mettre en place

(désagrégation des domaines demandant des

données monétaires ou flux physiques)

• Utilisation et fin de vie ajoutées manuellement, non intégrées dans le modèle

• Joshi, 1999

Bullard

• Facile d’utilisation • Double comptage • Bullard et Sebald, 1988 • Jespersen et Munksgaard,

2001

• Munksgaard et autres, 2001 Hybride

intégré

• Cadre d’étude bien défini, incluant l’ensemble du cycle de vie

• Évite le double comptage

• Difficile d’utilisation

• Demande beaucoup de données et de temps

• Suh et Huppes, 2000

La méthodologie d’ACV hybride est très intéressante pour le contenu qu’elle apporte. Par les résultats qu’elle prend en compte, soit les impacts directs et indirects d’un produit, elle constitue une base solide dans la création d’outils de durabilité.

3.4.2 Méthodes d’évaluation des impacts dans un contexte international

La mondialisation et l’essor des marchés économiques ont provoqué une délocalisation et une dislocation des étapes de fabrication des navires de guerre. La plupart des compagnies sous-traitent dans les pays émergents comme l’Inde, la Chine, le Vietnam ou la Corée. Certains auteurs, tels que Steinberger et autres (2009), pensent que l’ACV doit s’adapter selon ce contexte. Toutefois, une grande partie des méthodes actuelles d’évaluation des impacts ont été développées pour des pays industrialisés de type européens, nord américains ou japonais. Cependant, la sous-partie 3.2 de ce document soulève l’idée que les impacts du cycle de vie d’un produit sont influencés par la localisation et le type de milieu récepteur où des émissions nocives ont lieu dans l’environnement.

Ainsi, de nouveaux modèles de caractérisation et d’évaluation d’impacts doivent être conçus et développés pour répondre au contexte international et assurer une analyse générale de l’impact du cycle de vie (Jolliet et autres, 2010). Par exemple, dans le cas d’une émission d’une substance X dans un milieu récepteur, le taux d’impacts sur la santé humaine sera plus fort en Europe qu’au Canada, car la densité de population est davantage marquée pour un milieu récepteur différent (Steinberger et autres, 2009).

3.4.3 Complexité du choix d’une méthode d’évaluation des impacts et de catégories d’impact

L’utilisation de l’ACV requiert un nombre réduit d’indicateurs générant de nombreux résultats. Pour arriver à cet objectif, l’emploi de modèles concentrant les divers flux dans un seul indicateur de synthèse est préconisé. Mais, ces méthodes ont des origines différentes et n’ont pas la même fiabilité (ADEME, 2005b). Quand un modèle d’évaluation d’impact est inexistant ou lorsqu’il est jugé peu fiable pour l’exploitation de données, un bilan matière / énergie est calculé pour témoigner de l’apport d’un flux dans le système étudié.

De plus, il est noté que les résultats mesurés ne sont pas toujours fiables étant donné la prise en compte d’un nombre important de facteurs. Aussi, un indicateur, à savoir une évaluation d’un impact, ne garantit pas constamment la pertinence de l’indicateur vis-à-vis d’un impact en particulier. À titre d’exemple, un indicateur « gaz émis dans l’air » ne caractérise pas directement un impact pour la santé humaine (ADEME, 2005b).

Les méthodes d’évaluation des impacts du cycle de vie reposent sur un concept d’ACV encore relativement jeune datant des années 1990. En effet, lors d’un atelier coordonné par la Société de Toxicité Environnemental et Chimique (SETAC), la phase d’évaluation de l’impact du cycle de vie s’est inscrite dans le cadre méthodologique de l’ACV (Hauschild et autres, 2009). Novatrice et en plein essor, cette étape du cycle de vie comporte ainsi certaines limites.

L’analyse de cycle de vie apporte une vision globale des impacts générés par les produits selon différentes méthodes d’évaluation. Elle fournit des bases utiles dans la prise de décision des politiques industrielles ou publiques. Cet outil grandissant, bien qu’attrayant tant en terme de construction qu’en terme d’application, est soumis à certaines limites (ADEME, 2005a). La complexité des résultats et l’orientation des actions sont deux exemples qui témoignent des difficultés générées par l’ACV. Toutefois, elle propose la possibilité de quantifier les points faibles que possède un système et d’améliorer la contribution d’un produit à son environnement (ADEME, 2005a). Source motrice, l’ACV est utilisée dans la conception de l’outil de durabilité proposé dans la section 4 de ce document. Dans le chapitre suivant, les objectifs et le champ d’étude de cet outil sont exposés afin de poser le cadre méthodologique d’un instrument d’aide à la décision pour les entreprises militaires navales. Par l’ICV et l’évaluation des impacts du cycle de vie, des stratégies d’éco-conception en accord avec la réglementation sont proposées pour toute entreprise désireuse d’œuvrer dans la construction de navires éco-conçus.