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Méthode d’analyse multicritère

4.2 Méthodes classiques de surclassement

4.2.1 Méthodes ELECTRE

La méthode ELECTRE (ELimination Et Choix Traduisant la REalité), ou ELECTRE I, est la première méthode à utiliser le concept de surclassement (Roy, 1968), qui est binaire en l’occurrence pour celle-ci. Elle est privilégiée pour des problèmes de sélection et se base sur deux principes fondamentaux :

 Le principe de concordance (principe majoritaire) qui définit la contribution du surclassement de a en faveur de b ;

 Le principe de non discordance (principe du respect des minorités) qui permet l’évitement de comparaison d’actions trop différentes.

La méthode ELECTRE II (Roy et al., 1971) est une évolution de celle originelle qui permet principalement de traiter l’ordonnancement des actions, mais elle est aussi adaptée pour des problèmes de tri.

La méthode ELECTRE III (Roy, 1978) partage la base conceptuelle commune de la famille des méthodes ELECTRE mais introduit la notion de surclassement flou (passage de l’indifférence à la préférence de façon progressive) avec l’objectif d’obtenir un classement des différentes actions.

Il est nécessaire d’opérer une distinction entre les méthodes ELECTRE I et II, la seconde étant une extension de la première, et la méthode ELECTRE III. Les principes de base sont identiques mais les différents objectifs impliquent que les relations de comparaison, de surclassement ainsi que leur exploitation diffèrent quelque peu. Les structures des diverses méthodes ELECTRE sont décrites ci-après :

La pondération des critères

En considérant un ensemble de k critères, il convient de les classer par ordre d’importance et de leur associer une pondération reflétant cette importance. L’attribution de ces coefficients de pondération (wi) est effectuée par le décideur : le classement des priorités.

Les relations de comparaison

 ELECTRE I et II

Pour chaque critère, l’introduction d’indicateurs de concordance (ci) permet de comparer une action a par rapport à une action b en donnant une valeur binaire. La normalisation est une étape indispensable, notamment lorsque des valeurs numériques comme une performance énergétique en kWh/m²/an, un coût global en €/m², un impact environnemental en kgeqCO2/m²/an et un indicateur d’appréciation (e.g. la maturité d’un système) sont les critères de comparaison. Cet indicateur de concordance est représenté par la relation suivante :

Ces indicateurs de concordance sont ensuite agrégés, via leur pondération respective, afin de former un indicateur global de concordance (C) pour chaque couple (𝑎, 𝑏) ∈ 𝐾2, tels que : C(𝑎, 𝑏) = 1 ∑ 𝑤𝑖 𝑖∙ ∑ 𝑤𝑖 ∙ 𝑐𝑖(𝑎, 𝑏) 𝑛 𝑖 (4.3)

De plus, dans le but de déterminer si les actions sont comparables, un indicateur de discordance (D) est calculé. Cet indicateur permet de rendre compte du caractère défavorable

𝑐𝑖(𝑎, 𝑏) = {0 𝑠𝑖 𝑓𝑖(𝑎) − 𝑓𝑖(𝑏) ≤ 0

de la comparaison de a par rapport à b, si b est largement meilleur sur un critère. La définition de cet indicateur correspond à la relation :

Où δ correspond à l’écart maximal concernant le critère considéré obtenu sur l’ensemble des actions, soit : 𝛿 = max𝑐,𝑑(𝑓𝑖(𝑐) − 𝑓𝑖(𝑑)), (𝑐, 𝑑) ∈ 𝐾2.

Ces indicateurs sont rassemblés dans les Tableaux 4.1 et 4.2, résumant ainsi l’ensemble des résultats issus des relations précédentes.

Tableau 4.1. Tableau de concordance entre les actions (ELECTRE I et II) Seconde action Première action a b c … n a - C(𝑎, 𝑏) C(𝑎, 𝑐) … C(𝑎, 𝑛) b C(𝑏, 𝑎) - C(𝑏, 𝑐) … C(𝑏, 𝑛) c C(𝑐, 𝑎) C(𝑐, 𝑏) - … C(𝑐, 𝑛) … … … … - … n C(𝑛, 𝑎) C(𝑛, 𝑏) C(𝑛, 𝑐) … -

Tableau 4.2. Tableau de discordance entre les actions (ELECTRE I et II) Seconde action Première action a b c … n a - D(𝑎, 𝑏) D(𝑎, 𝑐) … D(𝑎, 𝑛) b D(𝑏, 𝑎) - D(𝑏, 𝑐) … D(𝑏, 𝑛) c D(𝑐, 𝑎) D(𝑐, 𝑏) - … D(𝑐, 𝑛) … … … … - … n D(𝑛, 𝑎) D(𝑛, 𝑏) D(𝑛, 𝑐) … -  ELECTRE III

Pour la méthode ELECTRE III, la notion de pseudo-critère est utilisée et définit une zone de préférence faible avec l’apport de valeurs de seuil. L’indicateur de concordance (ci) est alors calculé à l’aide de la différence entre les valeurs de a et b sur le même critère et de deux valeurs de seuil dites d’indifférence (qi) et de préférence stricte (pi), tel que :

𝐷(𝑎, 𝑏) = {

0 𝑠𝑖 𝑓𝑖(𝑎) − 𝑓𝑖(𝑏) ≥ 0 ∀𝑖 1

Le calcul de l’indicateur global de concordance est effectué suivant l’Equation (4.3).

A l’instar de l’indicateur de concordance, l’utilisation du pseudo-critère implique une modification de l’indicateur de discordance (di). Pour chaque critère, un seuil de veto (vi) est déterminé et cet indicateur est obtenu à l’aide de l’Equation (4.6) :

On remarquera que les valeurs de seuil vérifient :

Ces indicateurs de concordance et de discordance sont illustrés à la Figure 4.1.

Figure 4.1. Evolution des indices en fonction de la différence entre les valeurs de a et b sur un même critère (ELECTRE III)

𝑐𝑖(𝑎, 𝑏) = { 0 𝑠𝑖 𝑓𝑖(𝑏) − 𝑓𝑖(𝑎) ≥ 𝑝𝑖 1 𝑠𝑖 𝑓𝑖(𝑏) − 𝑓𝑖(𝑎) ≤ 𝑞𝑖 𝑓𝑖(𝑎) − 𝑓𝑖(𝑏) + 𝑝𝑖 𝑝𝑖 − 𝑞𝑖 𝑠𝑖𝑛𝑜𝑛 (4.5) 𝑑𝑖(𝑎, 𝑏) = { 0 𝑠𝑖 𝑓𝑖(𝑏) − 𝑓𝑖(𝑎) ≤ 𝑝𝑖 1 𝑠𝑖 𝑓𝑖(𝑏) − 𝑓𝑖(𝑎) ≥ 𝑣𝑖 𝑓𝑖(𝑎) − 𝑓𝑖(𝑏) + 𝑝𝑖 𝑝𝑖 − 𝑣𝑖 𝑠𝑖𝑛𝑜𝑛 (4.6) 𝑞𝑖 ≤ 𝑝𝑖 ≤ 𝑣𝑖 (4.7)

Le second élément innovant de cette méthode concerne la définition d’un indice supplémentaire : le degré de crédibilité (dc), qui appuie d’ailleurs l’assertion de surclassement flou. Cet indice introduit une gradation de la relation de surclassement en fonction des indicateurs de concordance globale et de discordance à partir desquels il est calculé. Il permet le jugement de l’exclusion ou de l’acceptation de la comparaison entre les actions a et b. Ce degré de crédibilité est calculé à l’aide de la relation suivante :

Si le degré de crédibilité entre les actions a et b est égal à 0, cela signifie que la comparaison entre les deux actions n’a pas lieu d’être : ceci correspond à la notion d’incomparabilité.

Les relations de surclassement

 ELECTRE I et II

A partir de ces différents indicateurs et à l’aide de deux valeurs de seuil (Sc et Sd) préalablement déterminées par le décideur et/ou l’analyste, on considère que l’action a surclasse l’action b si et seulement si l’indicateur global de concordance associé est supérieur à Sc et l’indicateur de discordance inférieur à Sd, soit :

Pour ELECTRE II, on considère deux seuils pour différencier le surclassement fort (SF) du surclassement faible (Sf). Soit (Sc1, Sc2) le couple de seuil pour la concordance, avec Sc1>Sc2, alors :

 ELECTRE III

Pour cette méthode, seul le degré de crédibilité est utilisé pour caractériser les relations de surclassement. A l’aide d’un niveau de coupe (λ) et d’un seuil de discrimination (s), la relation généralisée est définie par :

𝑑𝑐(𝑎, 𝑏) = C(𝑎, 𝑏) ∙ ∏1 − 𝑚𝑎𝑥(C(𝑎, 𝑏), 𝑑𝑖(𝑎, 𝑏)) 1 − C(𝑎, 𝑏) 𝑖 (4.8) a S b ⇔ {C(𝑎, 𝑏) ≥ 𝑆𝑐 D(𝑎, 𝑏) ≤ 𝑆𝑑 (4.9) a S𝐹 b ⇔ {C(𝑎, 𝑏) ≥ 𝑆𝑐1 D(𝑎, 𝑏) ≤ 𝑆𝑑 (4.10) a S𝑓 b ⇔ {C(𝑎, 𝑏) ≥ 𝑆𝑐2 D(𝑎, 𝑏) ≤ 𝑆𝑑 (4.11) a S𝜆 b ⇔ {dc(𝑎, 𝑏) ≥ 𝜆 dc(𝑎, 𝑏) ≥ dc(𝑏, 𝑎) + 𝑠 (4.12)

A partir de ces surclassements, une agrégation est effectuée dans le but de fournir l’indicateur quantitatif permettant le classement appelé -qualification (q) de l’action a. Cet indicateur est construit à l’aide de deux sous-indicateurs :

 -puissance (p) de l’action a, qui correspond au nombre d’actions surclassées par a ;

 -faiblesse (f) de l’action a, qui correspond au nombre d’actions surclassant a. Il en résulte la relation aboutissant à l’indicateur final (q) :

L’exploitation des résultats

 ELECTRE I et II

Les relations de surclassement peuvent être représentées dans un graphe orienté. Son exploitation visuelle est ainsi directe. La finalité ultime consiste à identifier le(s) noyau(x) qui correspondent aux actions préférentielles, c’est-à-dire celles qui surclassent l’ensemble des autres.

Pour ELECTRE II, la distinction de deux niveaux de surclassement permet d’affiner les relations qui auraient été obtenues avec la méthode originelle. Deux pré-ordres sont préalablement établis : l’un en partant des solutions avec les meilleurs scores et l’autre à partir des moins bons. Les résultats obtenus sont résumés par un classement unique de sous-ensembles différenciés d’actions, ce qui correspond donc à un tri.

 ELECTRE III

Identiquement à l’exploitation effectuée pour ELECTRE II, deux pré-ordres partiels permettent d’obtenir par intersection un pré-ordre final ordonné, ou plus simplement un classement. La valeur du niveau de coupe est progressivement abaissée afin d’obtenir un classement clair.

Les méthodes ELECTRE requièrent beaucoup de paramètres qui doivent être fixés par le décideur et/ou l’analyste, et la détermination de certains d’entre eux est très technique. Cependant, les notions d’indifférence et d’incomparabilité sont précisément déterminées et permettent d’éviter toutes les comparaisons inopportunes.