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Chapitre 2. Suivi 3D multi-cibles 45

2.2 État de l’art des approches probabilistes

2.2.3 Méthodes classiques de filtrage

Aujourd’hui encore, le problème énoncé précédemment fait toujours l’objet de recherches dans le but de trouver une solution générique. Historiquement, les trois grandes approches suivantes ont retenu l’attention des chercheurs :

• Filtre de Kalman : depuis les années 60, le filtre de Kalman [Kalman 1960] est consi-déré comme la meilleure solution pour traiter les problèmes linéaires à bruit gaussien (une sous classe du problème original). Pendant ces 50 dernières années, et encore au-jourd’hui, on voit apparaître de nouvelles méthodes s’appuyant sur ce principe. Celles-ci permettent notamment d’étendre le champ d’applications de la méthode originale. • Filtrage Particulaire : à partir des années 90, on note un engouement des

cher-cheurs pour les méthodes à particules [Gordon 1993], permettant notamment de traiter des problèmes non-linéaires. La puissance grandissante des ordinateurs a grandement contribué à la démocratisation des filtres à particules, et les applications sont aujour-d’hui nombreuses.

• Filtre PHD : le filtre PHD (pour Probability Hypothesis Density) [Mahler 2003] fut initialement introduit par Mahler au début des années 2000 et fait toujours l’objet de nombreuses recherches. Le Filtre PHD propose d’intégrer dans un même algorithme les divers composants nécessaires au pistage (e.g. filtrage et gestion multi-cibles) que l’on a l’habitude d’utiliser de manière modulaire dans les approches classiques.

Les théories des approches classiques de la littérature (i.e. Filtrage de Kalman et Filtrage particulaires) sont brièvement abordées dans les deux sections suivantes. De plus amples détails sur leurs particularités et leurs extensions sont données plus loin dans la section 2.2.4. Nous n’abordons cependant pas la théorie du filtre PHD dans ce manuscrit. Nous avons préféré concentrer nos efforts sur des approches déjà bien documentées et maitrisées, les rendant relativement plus simples à implémenter et à mettre en œuvre dans le cadre d’une chaîne de traitement comme la nôtre.

2.2.3.1 Filtrage de Kalman

Le filtre de Kalman classique [Kalman 1960] est une solution optimale conçue pour estimer l’état de systèmes linéaires gaussiens. Notons que dans le domaine de la vidéosurveillance, la définition du filtre au sens strict est applicable à une minorité d’applications de suivi de cibles. Néanmoins, le filtre de Kalman gère des systèmes perturbés par un bruit blanc gaussien au

50 Chapitre 2. Suivi 3D multi-cibles niveau du modèle d’évolution d’état et au niveau du modèle d’observation, ce qui permet bien souvent son emploi dans des situations sortant de son cadre théorique optimal. Formellement, si l’on considère les bruits comme étant de nature stationnaire dans le temps, on pose les deux modèles suivants :

Évolution d’état : Xk= AXk−1+ v avec v = N (0, R)

Observation : Zk= CXk+ ω avec ω = N (0, Q) (2.5)

où pour le modèle d’évolution d’état, Xk est le vecteur d’état à l’itération k, A la matrice de transition d’état, et v un bruit gaussien de moyenne nulle de covariance R. Pour le modèle d’observation, Zk est le vecteur de mesure, C est la matrice de liaison avec le vecteur d’état

X, et ω un bruit gaussien de moyenne nulle de covariance Q.

De manière récursive, le filtre de Kalman permet alors d’estimer l’état Xk d’un système dont la transition d’état est connue, ainsi que l’incertitude Pk associée à cette estimation. Ceci en prenant en entrée une série de mesures Z1:k = (Z1, ..., Zk) observées ainsi que les bruits d’évolution d’état et de mesure définis en amont. La figure 2.3 illustre le mécanisme du filtre de Kalman. Cette approche est dite "detect before track" (ou "tracking-by-detection") puisqu’une phase de détection de cibles (ou segmentation) préalable est nécessaire afin de pouvoir fournir un vecteur de mesure en entrée du filtre.

Figure 2.3 – Mécanisme récursif (Prédiction/Correction) du filtre de Kalman

Si l’état initial n’est pas connu de manière précise, on peut compenser en initialisant la ma-trice de covariance P0 (ou d’incertitude) avec des valeurs relativement grandes, de cette façon le filtre va converger vers une bonne approximation de l’état réel. La vitesse de convergence du filtre dépend des modèles de bruit définis. Lorsque l’on connait la spécification du système observé, les matrices de covariance de bruits R et Q peuvent être calculées analytiquement. Sinon, il est d’usage de les définir de manière empirique. Nous le verrons par la suite, dans le cas où les équations de modélisation du problème ne sont pas linéaires, il est possible d’estimer les paramètres du système à l’aide d’un filtre de Kalman étendu qui linéarise localement le problème.

2.2. État de l’art des approches probabilistes 51 2.2.3.2 Filtrage particulaire

Utilisées dans de nombreuses applications de suivi de cibles, les approches à base de particules [Doucet 2001,Arulampalam 2004] sont particulièrement adaptées aux problèmes hautement non-linéaires. L’idée générale du filtrage particulaire (FP aussi appelé méthode séquentielle de Monte Carlo, ou méthode par condensation) est de représenter la fonction de densité de probabilité a posteriori par un ensemble d’échantillons pondérés et tirés aléatoi-rement appelés "particules". Ainsi, suivant la théorie des grands nombres, plus le nombre de particules est élevé, plus l’estimation se rapproche de la solution optimale. De nombreuses va-riantes fondées sur cette approche existent. On note l’émergence de l’algorithme générique SIR (Sampling Importance Resampling) qui est aujourd’hui classiquement utilisé dans les appli-cations de suivi de cibles. L’algorithme SIR [Gordon 1993] propose une méthode d’estimation récursive de l’état par particule. On note la densité p(xk|z1:k) a posteriori conditionnelle aux observations :

p(xk|z1:k) =qNi=1ωk(i)δ(xk− x(i)k )) avec qNi=1ωk(i)= 1 (2.6) avec x(i) faisant référence à une particule de poids ω(i). À chaque itération, la répartition des particules est effectuée à l’aide d’une fonction q dite d’importance, permettant de faire un échantillonnage préférentiel. Intuitivement, cela permet de répartir de manière uniforme les particules afin de représenter au mieux p(x) tout en prenant en compte les poids des particules, avec la contrainte de garder l’ensemble des poids normalisés. La mise à jour des poids des particules est influencée par la vraisemblance de l’observation, p(zk|xi

k). Formellement, les étapes suivantes sont effectuées, décrites par les équations :

Échantillonnage indépendant : x(i)k ∼ q(xk|x(i)k−1, zk) , ∀k

Mise à jour des poids : ωk(i)∝ ωk(i)−1p(zk|x(i)k )p(x(i)k |x(i)k−1)

q(x(i)k |x(i)k−1,zk) , ∀k (2.7) L’état des particules évolue au cours du temps en fonction de la dynamique décrite par

p(xk|xk−1). Finalement, on peut estimer l’état xkpar la moyenne pondérée des vecteurs d’état des particules, donnée par l’équation :

xk=qNi=1ωk(i)x(i)k , ∀k (2.8)

Sans une dernière étape de ré-échantillonnage (assimilable à un filtre SIS), le filtre SIR aurait tendance à dégénérer [Kong 1994]. La dégénérescence se traduit par une majorité de particules associées à des poids nuls, provoquant ainsi un déséquilibre. Le filtre SIR propose, si nécessaire, de ré-échantillonner les particules à la fin de chaque itération, permettant ainsi de conserver un nombre significatif de particules efficaces.

En conclusion, le filtre particulaire explore par simulation un ensemble de solutions, et s’adapte au fur et à mesure aux observations. On considère cette approche comme étant de type "track before detect" ou (tracking-before-detection).

Et finalement, en général, on utilise le filtrage particulaire lorsque l’on est sûr que le Filtre Kalman est inefficace, oo lorsque l’on a un besoin précis (e.g. cibles déformables de type "blob"). On note également que malgré les définitions génériques du FP, il convient d’adapter l’algorithme en fonction de l’application.

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Figure 2.4 – Illustration du filtre SIR (Sampling Importance Resampling). Inspirée de la présen-tation "N.J. Gordon : Lake Louise : October 2003 - p. 23/47"