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Chapitre 4. Applications à la surveillance apicole 119

4.2 Dispositifs existants pour la surveillance de ruches

(e.g. EURASIP JIVP5, special issues on "Animal and Insect Behaviour Understanding in Image Sequences"). Ces supports font l’objet d’un nombre grandissant de contributions. Approche proposée En termes de contributions, ce chapitre 4 propose un protocole ex-périmental et détaille les méthodes nécessaires à la mise en place de notre dispositif d’analyse comportementale en conditions réelles. L’étude comportementale des abeilles à partir de leurs trajectoires de vol devant la ruche est complètement novatrice. Par ailleurs, ce chapitre montre comment l’implication forte de chercheurs informaticiens dans des projets de recherche rele-vant du domaine de la science du virele-vant a amené à réfléchir et à développer des briques supplémentaires de détection et de suivi d’objets, et à proposer une méthodologie d’analyse.

4.2 Dispositifs existants pour la surveillance de ruches

De nos jours, le suivi (au sens biologique) des ruches nécessite une intervention humaine ré-gulière. En effet, les apiculteurs et les biologistes s’appuient sur des outils tels que des balances pour mesurer le poids des colonies, ainsi que différents procédés d’analyses chimiques issues de prélèvements sur le terrain (e.g. miel, cadavres d’abeilles). L’activité (au sens quantité d’abeilles actives) de la colonie peut également être estimée de manière visuelle, voir simple-ment à l’oreille. Des chercheurs et ingénieurs ont mis au point différents dispositifs dans le but d’accompagner, voir remplacer complètement, les apiculteurs dans certaines de ces tâches laborieuses. Cette section propose un bref aperçu des solutions automatisées existantes pour le suivi de colonies d’abeilles. Certaines sont fonctionnelles, d’autres sont encore au stade de la recherche.

4.2.1 Compteurs d’entrées/sorties

Pour les biologistes, le nombre d’entrées/sorties d’abeilles au niveau de la ruche est un indicateur qui s’avère pertinent en termes de santé de la colonie. Depuis le début du siècle, plusieurs approches de comptage s’appuyant sur différentes technologies ont été proposées. On distingue trois d’approches :

• avec identification individuelle des abeilles lors de leurs passages au niveau du dispositif de comptage ;

• avec identification dite "de cohorte" ; • sans identification.

4.2.1.1 Avec identification individuelle des abeilles

Les compteurs avec identification individuelle permettent d’établir une histoire de vie pour chaque abeille. Par exemple, il est possible de trouver directement la fréquence des entrées/sorties de l’abeille, ou l’âge de son premier/dernier voyage à l’extérieur de la ruche. Ainsi, en période de butinage, il est également possible d’évaluer la distance qui sépare une

4. Visual observation and analysis of Vertebrate And Insect Behavior. Communauté se regroupant lors des Workshops biannuels organisés par Pr. Robert Fisher en marge de la conférence ICPR depuis 2008.

122 Chapitre 4. Applications à la surveillance apicole abeille de sa source de pollen, en s’appuyant sur une valeur de vitesse moyenne des abeilles en vol.

Ce genre de dispositif permettant l’identification des abeilles requiert une intervention préalable (e.g. pose d’un tag) sur chaque abeille à suivre. Sachant qu’une colonie compte plusieurs milliers d’abeilles, il est d’usage de n’équiper et d’étudier qu’un échantillon de la colonie.

En 1989, à l’initiative du Dr. Buchmann, la société Data2 conçoit un système de code-barres miniature pour répondre à la problématique de comptage et d’identification individuelle des abeilles. Le code-barres collé sur le thorax pèse 20 fois moins lourd que le pollen porté par l’abeille. Les abeilles sont canalisées dans un couloir à l’entrée de la ruche où les entrées/sorties sont enregistrées par un lecteur de code-barres laser.

L’INRA — Avigon et Magneraud — et depuis peu, une équipe de chercheurs australiens6, utilisent un système RFID miniaturisé pour étudier l’impact des pesticides sur les abeilles (cf. [Decourtye 2011]). De la même manière que pour les codes-barres, chaque abeille est équipée d’une puce RFID miniature associée à un code unique. À l’entrée de la ruche, les abeilles sont canalisées successivement au travers de 2 rangées de tunnels de 20*5mm chacun surplombé par un lecteur RFID. Les abeilles sont ainsi détectées 2 fois lors d’un passage, ce qui permet de calculer la direction — entrée ou sortie — de ce dernier. Selon [Streit 2003], ce système atteint une précision supérieure à 99.6% sur un échantillon de 300 vols. Nous verrons dans la section 4.5.3 que dans le cadre de notre application, nous serons confrontés à des données beaucoup plus bruitées. On note que la durée de vie des abeilles étant de quelques semaines, les puces RFID sont rapidement disséminées dans la nature.

4.2.1.2 Avec identification de cohorte

L’équipe "Écologie des invertébrés" de l’INRA d’Avignon a mis au point deux types de compteurs dits "de cohorte". Le premier type fonctionne à l’aide de pastilles métalliques collées sur le thorax des abeilles. À l’entrée de la ruche, les abeilles sont canalisées sous un détecteur de métal miniature qui collecte les entrées/sorties de celles équipées d’une pastille. Cette approche permet de suivre une seule cohorte. Le second type de compteur, plus évolué, s’appuie sur des pastilles colorées. Ce dernier permet d’étudier simultanément les entrées/sorties d’abeilles issues de plusieurs cohortes. Une caméra, utilisée en situation contrôlée, et des méthodes de seuillage finement paramétrées permettent de distinguer la couleur des pastilles. Ce dispositif a été validé sur 3 cohortes, ce qui correspond à 3 couleurs différentes [Brillet 2002].

Ces approches de comptage par cohortes permettent de mettre en œuvre des protocoles expérimentaux, tels que l’étude de l’influence de différents niveaux d’intoxication, simultané-ment sur un grand nombre d’abeilles.

4.2.1.3 Sans identification

Moins contraignants, puisque ne nécessitant pas d’intervention au préalable sur la colonie, les systèmes de comptage sans identification permettent de compter de manière globale les entrées/sorties des abeilles en un point donné. Dans les années 30, [Chauvin 1976] introduit un système de comptage totalement mécanique. Plutôt intrusif, ce principe mécanique cède rapidement sa place à des systèmes de comptage reposant sur des cellules photoélectriques

6. Projet "Swarm sensing" dirigé par Dr. Paulo de Souza, directeur du "Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation" (CSIRO).

4.2. Dispositifs existants pour la surveillance de ruches 123 (e.g. [Spangler 1969]). Ces derniers nécessitent un entretien lourd et souffrent par ailleurs pour la plupart de problèmes de précision. En 1994, [Struye 1994] introduit un dispositif de comptage infrarouge relativement robuste et efficace, mais la canalisation des abeilles dans des couloirs s’avère toutefois envahissante et perturbe localement le comportement des abeilles.

Le prototype présenté dans des travaux de recherche [Campbell 2008] utilise une caméra classique (RGB, 640*480 px et 30 Hz). Il se démarque des autres systèmes par son caractère non intrusif, que ce soit au niveau de la ruche ou bien au niveau des abeilles. La caméra est placée à une hauteur de 20 cm de la planche d’envol, le champ de vision horizontal de 80˚ permet d’observer l’entrée de la ruche (40 cm de large) dans son intégralité.

En 2011, après la réalisation d’un premier prototype par une équipe de l’INRA d’Avignon, une collaboration entre le L3i, l’INRA et la société ApiLab7s’inspire de ce prototype et donna naissance à une nouvelle méthode de comptage d’abeilles, utilisant aussi la vidéo (cf. rapport interne [Blois 2011]). C’est ce système et ces algorithmes qui sont utilisés dans la plateforme actuellement commercialisée par la société ApiLab.

4.2.2 Analyse des trajectoires

Il existe dans la littérature scientifique des études biologiques ayant recours à des mé-thodes de calcul de trajectoires d’abeilles. La plupart permettent seulement de capturer des trajectoires d’abeilles en 2D. Voici une liste non exhaustive de références bioinformatiques. En condition laboratoire Par exemple les auteurs de [Williamson 2013] ont démontré l’effet d’un pesticide sur le comportement des abeilles en condition laboratoire. Pour cela, ils utilisent "The Observer XT", un outil commercialisé par Noldus qui permet de suivre des insectes en conditions contrôlées. De son côté, [Kimura 2014] propose une nouvelle méthode pour le suivi de multiples abeilles en 2D dans des boites transparentes plates.

À l’intérieur de la ruche C’est pour suivre des abeilles à l’intérieur de la ruche que le plus grand nombre de méthodes ont été proposées. Par exemple, [Feldman 2004, Veerara-ghavan 2008,Maitra 2009,Kimura 2011] proposent de suivre les trajectoires des abeilles dans la ruche. Leur but est d’observer et de détecter automatiquement la danse des abeilles. Il a été prouvé que cette danse est un vecteur de communication au sein de la colonie. On peut aussi mentionner [Khan 2004a] qui utilise des scènes encombrées d’intérieurs de ruches pour montrer l’efficacité de sa méthode de suivi.

Devant la ruche À notre connaissance, [Campbell 2008] est la seule référence proposant une approche de suivi d’abeilles devant la ruche. L’approche proposées permet à l’aide d’une caméra classique de compter les entrées/sorties des abeilles. Mais cela est une application indi-recte issue de la collecte en 2D des trajectoires associées aux abeilles. On peut finalement citer nos propres travaux [Chiron 2013a,Chiron 2013b,Chiron 2014a] proposant diverses méthodes s’appuyant sur la stéréovision pour le suivi d’abeilles en 3D devant la ruche.

En plein air Toujours dans le contexte de l’étude des effets des pesticides, les auteurs de [Bender 2003] présentent un dispositif de télédétection par laser (ou LIDAR) permettant

7. Apilab est un bureau d’études spécialiste de la biosurveillance de l’environnement grâce à l’abeille. 10 rue Henri Bessemer, 17140 Lagord, France. (http ://www.apilab.fr/)

124 Chapitre 4. Applications à la surveillance apicole de suivre un essaim d’abeilles à une distance de plus de 1 km du récepteur. Les auteurs de [Riley 1996] proposent une méthode utilisant un radar harmonique permettant de suivre la trajectoire d’une seule abeille (occasionnellement quelques abeilles) à la fois sur de longues distances.

On peut également mentionner [Estivill-Castro 2003] qui propose une approche très ba-sique dont l’objectif est de suivre en 3D une abeille butinant une fleur à l’aide d’une caméra. Mais selon nous, les résultats ne sont pas convaincants.

4.2.3 Autres approches

Des prototypes de ruches connectées nées du projet OpenBeeLab8 permettent aujourd’hui de suivre en temps réel divers indicateurs tels que le poids de la colonie, la température et l’humidité à l’intérieur de la ruche.

Les travaux menés autour de l’abeille domestique au Laboratoire L3i s’intègrent dans un écosystème plus large au sein du projet Preserve. Le projet Preserve vise à organiser, croiser et mettre à disposition des chercheurs et des décideurs des données environnementales pertinentes. La plateforme9 mise en ligne en 2012, permet la consultation des données apicoles (statistiques d’entrées/sorties) issues de plusieurs ruchers dispersés sur le territoire français (e.g. Périgny, Bandol). Les données sont collectées via des compteurs d’abeilles aujourd’hui commercialisés par l’entreprise ApiLab. La figure 4.1 illustre le principe de partage des données qu’offre la plateforme Preserve.

Figure 4.1 –Principe de partage des données de la plateforme Preserve.