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Métastase

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2.5 Cas particulier du cancer

2.5.2 Métastase

Les métastases sont responsables de près de 90% des décès liés au cancer (Joyce and Pollard 2009, Reymond, d'Agua et al. 2013, Gilkes, Semenza et al. 2014). Afin de créer des métastases, les cellules de la tumeur primaire doivent quitter la tumeur primaire, se disséminer à travers la circulation sanguine, coloni- ser de nouveaux sites et enfin proliférer au sein d’organes cibles (Joyce and Pollard 2009, Nguyen, Bos et al. 2009, Reymond, d'Agua et al. 2013). La dissémination des cellules cancéreuses requiert une transition épi- thélio-mésenchymateuse. En effet, la dé-différentiation des cellules liées à la transition épithélio- mésenchymateuse augmente la motilité des cellules cancéreuses et favorise la dissémination. Si ces cellules sont très motiles, elles sont incapables de proliférer. De ce fait, la formation de métastase nécessite une transition mésenchymo-épithéliales des cellules afin qu’elles puissent à nouveau proliférer. (Brabletz 2012).

2.5.2.1 Dissémination métastatique

La dissémination métastatique est le phénomène en plusieurs étapes, souvent inefficaces (moins de 0,01% des cellules parviennent à créer des métastases), au cours duquel des cellules s’échappent de la tumeur primaire, intravasent dans le système circulatoire, y survivent, s’en extraient, colonisent de nouveaux sites à distance de la tumeur primaire et enfin parviennent à survivre. En effet, un certain nombre de cellules cancéreuses de la tumeur primaire commencent à s’en échapper au niveau de la membrane basale en en- vahissant par migration groupée ou individuelle allongée (également caractérisé de mésenchymateuse) ou ronde (amiboïde) le stroma (Figure 2-21 a.). Afin de pouvoir se disséminer dans l’ensemble de la circula- tion, les cellules entre dans les circulations sanguines et lymphatiques par un procédé d’intravasation para- cellulaire ou trans-cellulaire. Elles utilisent généralement les capillaires nouvellement créés lors de l’angiogenèse qui présente de faibles jonctions cellulaires (Figure 2-21 b.). Ces cellules se retrouvent alors dans un microenvironnement mécanique drastiquement différent de leur microenvironnement d’origine (le sang se comportant comme un liquide viscoélastique). La circulation sanguine est la principale voie de dis- sémination des métastases (Figure 2-21 c.). Sur les dizaines de milliers de cellules cancéreuses qui parvien-

plus tard des métastases. Ce faible taux de survie s’explique par les forces de cisaillement de la circulation sanguine induit par les battements cardiaque et la surveillance par des cellules immunitaires et plus parti- culièrement les lymphocytes NKT (Natural Killer T). Les cellules utilisent différentes stratégies pour survivre à cet environnement hostile. L’une des stratégies les plus surprenantes mises en place par les cellules est leur association avec des plaquettes dès leur entrée dans la circulation sanguine. L’utilisation de thrombo- cytes comme bouclier par les cellules métastatiques vont non seulement leur permettre de résister aux forces de cisaillement et de passer inaperçues aux « yeux » des cellules immunitaires mais aussi favoriser l’attachement des cellules métastatiques à la paroi des vaisseaux sanguins (Figure 2-21 d.). En effet, la coa- gulation des thrombocytes favorise l’extravasation des cellules métastatiques dans des sites secondaires. Les sites métastatiques, dans lesquels les cellules s’extravasent, apportent leurs nouveaux lots de chal- lenges aux cellules métastatiques qui doivent s’y établir et proliférer. Une fois arrivées, dans le paren- chyme, la plupart de ces cellules entrent en quiescence et seules quelques-unes d’entre elles parviennent par la suite à se réactiver et induire une tumeur secondaire (Figure 2-21 e.) (Joyce and Pollard 2009, Reymond, d'Agua et al. 2013).

Figure 2-21|Dissémination métastatique. La dissémination métastatique est le phénomène en plusieurs étapes, au cours duquel

des cellules s’échappent de la tumeur primaire (a.), intravasent dans le système circulatoire (b.), y survivent en s’associant aux thrombocytes (c.), s’en extraient en adhérent aux cellules endothéliales grâce à la coagulation des plaquettes (d.), colonisent de nouveaux sites à distance de la tumeur primaire et enfin parviennent à survivre (e.). Adaptée de (Reymond, d'Agua et al. 2013).

2.5.2.2 Organotropisme

Le microenvironnement et ses propriétés physiques, biochimiques et mécaniques jouent un rôle clé à cha- cune des étapes de la dissémination métastatique. Ainsi une cellule cancéreuse issue d’un carcinome colo- rectale traversera des tissus ayant une importante amplitude de rigidité, passant par la membrane basale, le sang, le stroma, etc. Le lien entre les tumeurs et leurs microenvironnements a rapidement été mis en évidence. En 1889, Stephen Paget développe ainsi son hypothèse de « Seed and Soil ». Il part d’une obser- vation simple : les grains de pollen des plantes sont disséminés partout grâce au vent, cependant de nou- velles plantes ne poussent que dans des environnements qui leurs sont favorables. Il applique cette obser- vation au cancer et suggèrent que la formation de métastases dépend à la fois des cellules cancéreuses et d’un microenvironnement favorable (Paget). Cette hypothèse est toujours valable près de 130 ans après. De nombreux cancers métastasent ainsi dans des organes types (Figure 2-22). Ce phénomène est qualifié d’organotropisme.

Figure 2-22|Organotropisme et métastases. Le lien entre les tumeurs et leurs microenvironnements est très important. Ce lien

conduit certains cancers à ne métastaser que dans certains organes cibles. Ainsi le cancer de la prostate métastase principalement dans les os alors que le cancer du poumon métastase dans le foie, le cerveau et les os. Adaptée de (Obenauf and Massagué , Nguyen, Bos et al. 2009) et Servier Medical Art.

Rapidement, face au modèle de dissémination des cancers, le rôle de la circulation sanguine est évoqué. C’est le modèle développé par James Ewing en 1929 qui basait la dissémination métastatique principale- ment sur la circulation sanguine et la structure anatomique des vaisseaux plus ou moins étroits par lesquels les cellules passaient. Cette hypothèse prévaudra plusieurs dizaines d’années (Fidler 2003). Cependant même si la circulation et la taille des capillaires de certains organes comme le foie favorisent une implanta- tion des métastases dans ces organes, le microenvironnement et ses propriétés intrinsèques jouent un rôle clé dans l’établissement et la prolifération des cellules.

2.5.2.3 Transition épithélio-mésenchymateuse et vice-versa dans le cancer

Les transitions épithélio-mésenchymateuse (TEM) et mésenchymo-épithéliale (TME) sont des évènements biologiques cruciaux pour le développement de tissus et des organes. Ils jouent également un rôle dans la pathogénèse de certaines maladies ; ils sont par exemple impliqués dans la dissémination métastatique, les inflammations chroniques liées aux fibroses ou encore dans la carcinogénèse colorectale (Polyak and Weinberg 2009, Sipos and Galamb 2012). La transition épithélio-mésenchymateuse est impliquée dans la formation de métastases et l’acquisition de la résistance aux thérapies anti-cancéreuses, deux des princi- pales causes de décès associés au cancer. Il semblerait également qu’elle soit impliquée dans la génération de cellules cancéreuses ayant des propriétés proches de celles des cellules souches.

Lors d’une TEM, les cellules épithéliales perdent progressivement leurs jonctions serrées, leurs desmo- somes et leur polarité apico-basale et leurs marqueurs associées (E-cadhérine, ZO-1, Cytokeratines) au pro- fit des caractéristiques des cellules mésenchymateuses (caractérisées par les marqueurs suivants : N- Cadhérine, Fibronectine, Vimentine, etc…). Ces dernières ont une polarité avant-arrière et une nouvelle organisation permettant une migration plus facile et rapide. Elles sont également capables de dégrader la membrane basale ce qui facilite l’invasion du stroma sous-jacent (Figure 2-23). Les cellules mésenchyma- teuses expriment également d’importante quantité de Twist1. Plusieurs voies de signalisation oncogé- niques sont capables d’activer la TEM. Il est également intéressant de noter que certains éléments de ces

sin light chain kinases (MLCK) ou encore les Rho-dependent protein kinase (ROCK) (2.3.2.2). L’activation de la phosphatidylinositol 3’-kinase (PI3K) joue également un rôle central dans la TEM (Sipos and Galamb 2012). En raison du rôle fondamental de la TEM dans la dissémination des cellules cancéreuses, l’inhibition de la TEM comme thérapie anticancéreuse fait l‘objet de nombreuses études (Ginnebaugh, Ahmad et al. 2014, Kothari, Mi et al. 2014, Marcucci, Stassi et al. 2016).

Figure 2-23|Transition épithélio-mésenchymateuse. La transition épithélio-mésenchymateuse (ici annotée EMT, pour l’anglais

epithelial mesenchymal transition) est le phénomène par lequel les cellules épithéliales perdent progressivement leurs caractéris- tiques épithéliales et marqueurs associés au détriment de ceux des cellules mésenchymateuses. Cette transition permet de dédiffé- rencier les cellules et les rendre plus motiles Le processus inverse est la transition mésenchymo-épithéliale (ici annotée MET). Adaptée de (Aroeira, Aguilera et al. 2007).

La transition mésenchymo-épithéliale est le phénomène biologique inverse de la TEM. Au cours de cette transition, les cellules perdent leurs caractéristiques mésenchymateuses et plus particulièrement leur moti- lité au profit des caractéristiques des cellules épithéliales polarisées. Cette transition joue un rôle clé dans le développement et plus particulièrement dans le développement de tissus cardiaques ou encore dans le développement des tissus rénaux. Dans le cas du cancer, la TME permet aux cellules ayant survécu à la dissémination métastatique de pouvoir proliférer (Sipos and Galamb 2012).

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